Et si l’Etat devenait audacieux (et intelligent) en matière de formation post-bac…, par Aziz Boucetta

Et si l’Etat devenait audacieux (et intelligent) en matière de formation post-bac…, par Aziz Boucetta

Le chef du gouvernement Saadeddine Elotmani a reçu ce mardi 17 juillet le jeune Mohamed Haddacha, qui a obtenu son certificat d’études primaires avec la note de 10/10. Heureuse initiative d’un politique pourtant malmené par les soubresauts sociaux et politiques que connaît le pays depuis quelques mois. Mais il y a mieux à faire, si on veut faire…

Chaque année, ce sont des centaines de milliers de jeunes qui soutiennent les épreuves du baccalauréat, et parmi ces centaines de milliers, des milliers l’obtiennent avec mention bien, voire très bien. Mais il se trouve que parmi ces jeunes, des dizaines, voire peut-être des centaines échouent à leurs concours d’admission dans les facultés et/ou les écoles sélectives. Ce qui n’enlève rien à leur mérite… mais jette l’opprobre sur l’Etat du Maroc.

Les politiques et aussi la société, un peu, devraient comprendre leur désarroi. Et agir.

Pourquoi l’Etat, notre Etat, champion en dépenses somptuaires et souvent parfaitement inutiles, ne met-il pas à la disposition de ces jeunes un budget spécial ? L’Etat prendrait en effet purement et simplement en charge les 1.000 meilleurs bacheliers du pays, et leur assurerait les formations les plus poussées, les plus pointues. A ses frais, totalement et entièrement.

Un étudiant à l’étranger coûte environ 20.000 DH à sa famille par mois, ce qui occasionnerait à l’Etat – s’il prenait ces jeunes en charge – une dépense mensuelle de 20 millions de DH, pour 1.000 jeunes méritants, soit 240 millions de DH par an. C’est beaucoup certes, mais non monstrueux, non insurmontable… et en


face, il y aura 1.000 jeunes aux grandes capacités, qui seraient éternellement redevables à leur pays d’avoir fait ce qu’il aura fait pour eux.

Cela stopperait, peut-être, l’hémorragie de matière grise dont souffre le royaume. Au secondaire, et face à l’état affligeant, consternant, de notre enseignement public, les nations du monde viennent chez nous faire leurs emplettes en cerveaux bien faits et bien irrigués : France, Espagne, Etats-Unis, Royaume-Uni, un temps la Turquie, Belgique, Italie, ont tous ouverts des lycées sur notre sol, avec la coupable bienveillance de nos pouvoirs publics, scandaleusement indifférents à tout cela. Ces nations ont alors tout loisir de « trier » les jeunes qu’ils veulent, les meilleurs, les plus talentueux, auxquels ils offrent des formations supérieures chez eux, avant de les retenir.

Le Maroc, ou plutôt les parents, consentent des efforts, dépensent de l’argent, brûlent de l’énergie des années durant pour mener leurs progénitures jusqu’au baccalauréat, puis souvent se saignent aux quatre veines pour leur assurer de solides formations à l’étranger. Où elles restent le plus souvent. 88% des jeunes bacheliers qui quittent le Maroc pour aller à l’étranger y restent !...

Alors imaginons… une telle mesure, dans dix ans… 240 millions de DH auront été utilement dépensés mais ce seront 10.000 bacheliers avec mention bien ou très bien qui seront revenus au pays. Des têtes bien faites, reconnaissantes, pour un Maroc meilleur, un Maroc qui devra alors aussi prévoir des installations modernes, des laboratoires suréquipés, un budget R&D conséquent. Mais cela est une autre histoire. Que l’Etat se contente aujourd’hui d’être audacieux et intelligent, avant de penser à devenir prévoyant demain.