Cette mystérieuse campagne de boycott…

Cette mystérieuse campagne de boycott…

Après avoir contesté et protesté, maintenant, on casse !... ou du moins on veut casser. Une campagne de boycott de trois marques de produits de consommation a été lancée voici une semaine environ, et le succès qu’elle connaît peut comporter des risques sur l’économie du pays, peu ou prou, tôt ou tard. Mais quelques remarques s’imposent…

Un appel au boycott est un acte civique ou politique, et dans les deux cas, ses initiateurs se révèlent au grand jour pour faire connaître leurs objectifs et, éventuellement, entamer un dialogue pour parvenir à une solution. Au Maroc, rien de tel. On boycotte pour casser, fracasser, pour détruire et anéantir. Tel est l’objectif, il ne sera pas atteint, mais c’est quand même le but. Quand les opérateurs téléphoniques avaient bloqué les appels VoIP voici deux ans, une campagne de boycott avait été lancée contre ces entreprises et les défenseurs de l’action agissaient au grand jour et leur objectif était clair : faire plier les opérateurs, ou l’ANRT. Cela avait pris près d’un an, mais la VoIP avait été rétablie.

Afriquia, Centrale Danone et Sidi Ali sont les trois marques victimes de cette actuelle campagne « sauvage » de boycott, et le terme sauvage est à prendre dans ses deux sens. La campagne est sauvage car elle est fondée sur la désinformation ou entachée de manque d’information ; elle est également sauvage car ceux qui se dressent contre cet appel à boycotter sont immédiatement traités de « traîtres », khawana en VO. C’est excessif et comme chacun sait, tout ce qui est excessif est insignifiant.

Mais si elle est sauvage, la campagne de boycott semble néanmoins soigneusement planifiée et concertée, donc menée par un groupe de personnes qu’il faudra bien identifier un jour et auquel il faudra expliquer, patiemment, que la liberté d’expression est certes une bonne chose, si elle n’est pas dévoyée ou agressive.  Que reprochent, officiellement si l’on ose dire, les initiateurs de cette campagne à leurs cibles ? Les prix élevés de leurs produits et/ou des ententes de nature oligopolistique. Fort bien, mais dans ce cas, si la campagne était réellement à but économique


et non chaotique, il eût fallu réclamer la réactivation du Conseil de la concurrence, la mise en place des recommandations royales sur le consommateur, qui remontent à 2008.

Mais il semblerait que le but soit tout autre, et les moyens sont là. On prête aux réseaux sociaux une puissance qu’ils ne peuvent avoir sans déployer une débauche de moyens ; en effet, pour qu’une campagne réussisse et aboutisse, il est nécessaire de disposer d’une logistique, d’une escouade d’internautes actifs, ce qui coûte de l’argent, sans compter le sponsoring et autres techniques pour diffuser l’appel sur la plus grande échelle possible.

Le plus affligeant est cette propension du public à tout croire, pour peu que l’on cible les riches, les puissants, les notables et les gens célèbres. L’effet moutonnier est la règle, même si l’argument est aussi irrationnel qu’incohérent. Mais c’est mal connaître le Marocain, qui ne fera pas trois kilomètres de plus pour changer de station et éviter Afriquia, qui tapera frénétiquement sur son clavier tous les appels au boycott, tout en sirotant un Sidi Ali au café du coin ou un produit Danone chez lui.

A toute fin utile, la société productrice de Sidi Ali fait travailler 1.700 personnes, le groupe Akwa, propriétaire de la marque Afriquia, emploie plus de 11.000 salariés et la filière laitière assure des emplois pour 474.000 Marocains. Les deux premières entreprises sont 100% marocaines, et nous reviendrons dans un prochain article sur leurs chiffres.

On entend dire ici et là que puisque Meriem Bensalah Chaqroun et Aziz Akhannouch sont visés, c’est le PJD canal Benkirane qui serait à la manœuvre. Aucune preuve n’existe pour étayer cette accusation, même si on ne prête qu’aux riches, le PJD du temps des campagnes électorales 2015 et 2016, et aussi du temps du « blocage », étant alors passé maître dans ce type d’attaques. Mais il faudra bien un jour identifier les initiateurs de cette entreprise de sape et, sans les juger ni les condamner, il serait utile de se contenter de leur appliquer ce qu’en France on qualifie de « rappel à la loi ».

Aziz Boucetta