En quoi le Maroc est-il concerné par le crash de l’Iliouchine algérien
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- 12 avril 2018 --
- Opinions
Mercredi 11 avril, 7h50 heure locale, un Iliouchine de l’armée algérienne décolle de la base de Boufarik, près d’Alger, en partance vers Tindouf, et se crashe juste après. 257 morts. L’Algérie, et le monde, s’émeuvent. Nous aussi. On ne peut qu’être attristé par la mort. Mais des questions se posent, et elles sont légitimes.
Qui était à bord de cet avion ?
Le ministère de la Défense, les médias, l’agence de presse officielle… tous parlaient de 257 morts, comme « bilan provisoire ». Des médias algériens précisent qu’il n’y a aucun survivant. Pourquoi provisoire ? L’armée algérienne ne dispose-t-elle donc pas de la liste des passagers sur un vol militaire ? Et de leurs qualités ? On peut comprendre que les identités puissent et doivent être tués – il s’agit d’un avion militaire – mais en pareils cas, on donne au moins les grades des militaires tués. Un cafouillage qui n’est pas sans conduire à des interrogations.
Combien d’éléments du Polisario étaient-ils à bord de l’Iliouchine ?
Trois versions se superposent… Le Secrétaire général du FLN (parti au pouvoir) a parlé un peu trop précipitament de 26 membres du Polisario, lequel Polisario, par la voie d’un communiqué et par la voix de son chef Brahim Ghali, indique la mort de 30 éléments du Front. Quant au ministère algérien de la Défense, il n’évoque tout simplement pas la présence du Polisario dans l’avion.
On peut légitimement se poser la question de savoir pourquoi Alger se retient de reconnaître la présence de ces gens du Polisario, dans un avion militaire en partance pour Tindouf. Cette dernière ville étant zone militaire, donc très étroitement, aucune information ne peut en être sortie. Mais on relèvera que les médias internationaux ont tous mentionné la présence de cette trentaine de personnes dans l’Iliouchine.
Messahel et Gaïd Salah, un jour avant…
Le 10 avril, 24 heures avant le crash, le général Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense nationale et chef d'Etat-major de l'Armée Nationale Populaire, en visite de terrain à la 2ème Région militaire – adossée à la Région Oriental du Maroc – disait ceci : « je tiens à préciser aujourd'hui, comme j'ai toujours insisté, que l'effort principal et vital consiste en la préparation au combat avec toutes les connotations de ces termes et avec toutes leurs exigences. Nous considérons que la préparation au combat constitue notre effort principal permanent ». Il suffit de regarder une carte pour comprendre contre qui le combat de la 2ème Région militaire pourrait être mené… Cela évoque quelque part l’attente du Zangra de Jacques Brel ou du Drogo de Dino Buzatti, qui
attendaient « l’arrivée de l’ennemi, qui (les) ferait héros »… Las.
Le 10 avril, toujours, à partir de Paris, le ministre des Affaires étrangères Abdelkader Messahel affirmait que « l’Algérie soutient le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui », éludant la question posée de savoir si l’Algérie soutient, finance et arme le Polisario. Et à supposer même que l’Algérie ne soutienne que « l’autodétermination du peuple sahraoui », on peut relever l’animosité en cela que le Polisario ne cesse de parler du Maroc en « ennemi ». Quand on soutient l’autodétermination d’un peuple qui vous veut du mal, on ne peut être un ami.
Les deux dignitaires algériens, donc, sont dans une posture agressive à l’égard du Maroc, et leur armée est le fer de lance de cette agressivité. Et la présence d’éléments du Polisario (dont les noms n’ont toujours pas été divulgués) dans l’Iliouchine confirme cette posture d’agressivité.
Les condoléances de Brahim Ghali au président Bouteflika
Dans un message de condoléances de Brahim Ghali au chef de l’Etat algérien, il est dit que « le sang des Algériens et des Sahraouis s’est mêlé », attestant là d’une parfaite union entre ses gens et les « Algériens », les officiels du moins. Comment interpréter cette phrase autrement que dans son contexte d’animosité de plus en plus exacerbée des Polisariens envers le Maroc, ainsi que le montrent leurs initiatives dernières à l’est du mur de sécurité dans la zone tampon du Sahara ?
La présence des gens du Polisario dans l’avion avait été en premier révélée par le secrétaire général du FLN, alors même que l’armée ne s’était pas encore exprimée. Une bourde ? Une maladresse ? Une action méditée ? Nul ne le sait ni ne le saura, mais cette révélation a conduit le chef du Polisario et les sites du Front à évoquer la présence de leurs hommes dans l’Iliouchine.
La réaction du Maroc
Il n’y en a eu aucune, ce qui en soi est une réaction. A l’heure de l’écriture de ces lignes, un bref message de condoléances du roi Mohammed VI et une brève allusion de Mustapha el Khalfi, mais pas de couverture médiatique à la hauteur de l’événement (257 morts dans un accident d’avion, c’est grave, pénible et important), et pas de compassion relevée dans les réseaux sociaux marocains. Et toutes les autres composantes de la société ont observé le silence. Comment témoigner de l’empathie au demeurant, en cette période, pour des gens qui menacent de prendre les armes contre votre pays ?
La mort de 257 personnes est un événement douloureux certes, mais toute chose est à remettre dans son contexte. Et le contexte est mauvais.
Paix à leurs âmes.
Aziz Boucetta