Le Maroc, ce pays où tout le monde se tait…par Aziz Boucetta
C‘est la rentrée. Les dossiers s’accumulent ici et là, ailleurs, partout. Les populations attendent de savoir ce qui les attend. Et tous les secteurs sont concernés, dans un environnement… difficile, pour ne pas dire plus. Et tout le monde se tait.
Le gouvernement a été formé dans les conditions que l’on sait, le Dialogue social attend d’être relancé, la rentrée scolaire est à nos portes, la loi de Finances est en cours d’élaboration, le football traverse une phase sensible, la diplomatie est à la manœuvre, et à al Hoceima, si la situation est certes plus calme, la tension persiste néanmoins… Et le discours du Trône a placé la barre très haut. La crise est là, mais il n’y a pas de communication qui va avec.
Tout le monde attend que quelqu’un veuille bien nous dire ce qu’il en est. Mais personne, parmi nos dirigeants, n’ose affronter un micro, regarder une caméra dans l'oeil, ou tout simplement un journaliste armé de son stylo (ou clavier, pour être moderne). Et cela est d‘autant plus étonnant que nous sommes à l’ère de la communication, et à une période où celui qui ne communique pas a forcément tort et se fait submerger, et où le chef de l’Etat, lui, a depuis longtemps renoncé aux discours creux pour adopter une langue plus claire et des termes souvent rudes.
Nos ministres, quand ils parlent, le font généralement dans la plus pure tradition de la gangue de bois, au parlement, ou délèguent cette rude mission à leurs chargés de communication, pas toujours éveillés mais toujours surveillés.
Pendant ce temps, le
public s’exprime, les lanceurs d’alerte exhument les dossiers, l’opinion publique s’enflamme et on ne sait plus où placer le curseur entre information et rumeur, fait réel ou bruit de couloir. Tout cela donne la désastreuse impression d’improvisation, de manque d’assurance au mieux, manque de respect au pire. Et dans ces conditions, comment veut-on mobiliser une population sur tel ou tel dossier alors que les principaux responsables ne se donnent même pas la peine de communiquer, d’expliquer, de décortiquer ? Quant aux situations de crise, et bien on les laisse pourrir, attendant ou espérant qu’elles passent sans trop de heurts et de malheurs…
Le Maroc est l’un des rares pays où la fonction de porte-parole n’existe (presque) pas. Il y a tout au plus des chargés de communication… alors qu’un porte-parole, dont la fonction est de porter la parole, et donc la vision de son patron, doit être un proche de son supérieur, quelqu’un qui participe à la prise de décision, pour mieux pouvoir l’expliquer et la « vendre ».
Il est donc grand temps qu’Abdelouafi Laftit s’exprime sur l’intérieur de son département, que Nasser Bourita cesse de faire de nous des étrangers aux affaires qu’il dirige, qu’Aziz Akhannouch mette au point un Plan Maroc verbal, que Saadeddine Elotmani devienne porte-parole en chef du gouvernement, fasse plus de conférences de presse et moins de monologues face à la presse… en attendant le jour où le porte-parole du gouvernement parlera enfin pour dire quelque chose d'utile et que celui du palais proposera mieux que la lecture de communiqués qu’on lit tout aussi bien sur la MAP.