Zaki : « Voilà ce qui s’est passé entre le Premier ministre algérien et moi »
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- 09 juillet 2017 --
- Opinions
L'entraîneur marocain Baddou Zaki a accordé un entretien au site Mowatine.com et il y a exprimé sa joie et sa fierté d’avoir remporté la Coupe d’Algérie avec le club algérois de Belouizdad, mais il s’est montré encore plus heureux de l’accueil et de la gentillesse des Algériens à son égard. Il a expliqué les raisons de sa demande d’ouverture des frontières au Premier ministre algérien, et a également développé ses ambitions futures avec le club de Tanger, qu’il entraînera pour les deux saisons à venir.
Quelle est votre réaction après votre sacre avec le Belouizdad contre le Wifaq de Setif ?
J’en suis très heureux et nous avons mérité ce titre de vainqueur de la Coupe d’Algérie, en raison de la qualité de jeu de nos jeunes face au tenant du titre du championnat algérien. Nous aurions dû faire la différence dans le temps réglementaire mais nos joueurs ont raté plusieurs occasions. Ce n’est pas grave car nous avons quand même marqué dans la seconde mi-temps des prolongations et offert à nos supporters leur 7ème titre.
Je rends grâce à Dieu pour cette consécration, fruit des efforts de tout le monde au sein du Club de Belouizdad, baptisé du nom du martyre Mohamed Belouizdad qui jouissait d’une très grande popularité au sein de la population algérienne. Je dédie cette victoire à nos fans et aussi aux entraîneurs marocains, dont j’étais en quelque sorte l’ambassadeur en Algérie.
Parlez-nous de votre bref entretien avec le Premier ministre algérien quand il vous a remis la Coupe, et de votre demande d’ouverture des frontières entre les deux pays ?
D’abord et avant tout, et comme chacun sait, je ne suis pas un politique ou un politicien, pas plus que je ne milite au sein d’un parti. Ma demande d’ouverture des frontières entre les deux pays frères ne doit pas être prise pour plus qu’elle n’est, à savoir une réaction spontanée qui incarne la volonté profonde des Marocains et des Algériens, ainsi que j’ai pu m’en apercevoir durant ce temps passé chez nos voisins.
Que s’est-il exactement passé entre vous et le Premier ministre algérien Abdelmajid Tebboune ?
Rien de spécial en dehors d’une cérémonie protocolaire habituelle pour ce genre de rencontre… Le Premier ministre m’a remercié pour ce que j’ai apporté à mon club et à travers lui au football algérien. Il m’a assuré que j’étais chez moi, parmi mes frères algériens, et il m’a parlé également de la bonne réputation dont je jouis dans le public de son pays.
Et quand il nous a remis la Coupe, nous avons aussi échangé quelques mots et j’ai saisi cette occasion pour lui dire : « Monsieur le ministre, je ne connais rien à la politique pas plus que je n’en fais, mais je vous demande d’ouvrir les frontières entre nos deux pays ».
Et
qu’a-t-il répondu ?
Il m’a textuellement dit, souriant : « Laissons faire, laissons faire » ("يكون خير، يكون خير")
Votre demande était-elle préparée, ou est-elle venue spontanément ?
En vérité, c’est venu comme ça, pendant qu’il me remettait ma médaille et que j’avais face à moi un responsable algérien, mais je reconnais que cette question était en moi, consciemment ou non… Elle est venue du cœur, du plus profond de mon cœur, sachant que je connais la position des deux populations à l’égard des frontières fermées…
Et cela, je l’ai perçu lors de mes fréquents voyages en avion entre Alger et Casablanca. Les Algériens désireux de se rendre à Oujda, par exemple, doivent obligatoirement aller jusqu’à Casablanca puis faire les 600 kilomètres. Si les frontières terrestres étaient ouvertes, les distances seraient plus courtes et les voyages plus aisés.
Votre succès en Algérie n’augmente-t-il pas la pression sur vous à Tanger, où vous serez cette saison ?
Pas nécessairement, car je suis heureux d’aller dans la ville du Détroit, qui a un bon club, un public très large et des dirigeants compétents. Je voudrais y réaliser de grandes choses, entrer en compétition avec les plus grands clubs marocains pour les premières places du classement et, pourquoi pas, remporter un titre.
Si on revient à certains de vos propos après votre sacre algérien, il semblerait que vous n’avez pas toujours digéré votre limogeage de l’équipe nationale ?
Je préfère ne pas revenir en arrière, mais j’ignore encore les vraies raisons de ma révocation de la tête de la sélection nationale, du moins des raisons convaincantes. En effet, j’avais laissé une équipe avec 6 points et beaucoup d’ambitions devant elle. Mais je reste toujours au service de mon pays, et Dieu m’a aidé, en m’aidant à faire de mon club algérien l’un des meilleurs du pays.
Comment avez-vous été reçu en Algérie ?
Bien, très bien même, de la part de tout le monde, et pas uniquement le public de Belouizdad. Respect et considération étaient toujours là… mais il faut l’avoir vu pour le comprendre, je ne peux décrire la chaleur de mes relations avec les Algériens, comme d’ailleurs avec les Marocains, et plus loin avec les gens de Majorque.
Les derbys entre le Mouloudia d’Alger et Belouizdad, en Algérie, sont un peu comme, chez nous, les rencontres Wydad et Raja. Et le jour où Belouizdad a battu le Mouloudia, un des fans de cette équipe m’a dit « être heureux malgré la défaite de mon équipe, car je suis un fan de vous ». Et je me souviendrai toujours de ces moments d’émotion quand j’ai quitté l’Algérie, quand j’ai été accompagné à l’aéroport par le public, les jeunes et les moins jeunes et les caméras de télé. J’en ai pleuré.
Propos recueillis par Sallam Belkhir (Mowatine.com)