Les leçons d’un Conseil des ministres sur al Hoceima, par Aziz Boucetta

Les leçons d’un Conseil des ministres sur al Hoceima, par Aziz Boucetta

Le temps, parfois, a ses raisons que la raison (commune) peut ignorer. En effet, et finalement, le roi Mohammed VI a réagi officiellement à la crise d’al Hoceima. C’était ce dimanche après-midi (le choix du jour est significatif), en Conseil de ministres tenu à Casablanca. On peut en retirer des leçons.

1/ La réaction du roi Mohammed VI est musclée.  Il s’est dit déçu, mécontent et même préoccupé,  non par la situation à al Hoceima, mais par les retards enregistrés dans la mise en place des projets de la ville. Les termes ont forts et directs, et les ministres ont dû les sentir siffler à leurs oreilles.

2/ Le chef de l’Etat a donné en creux raison aux manifestants qui n’ont pas voulu voir les ministres envoyés en délégation à al Hoceima. Il les a sévèrement réprimandés, les a explicitement privés de vacances (comme de mauvais élèves !), et a demandé aux ministres de l’Intérieur et des Finances de « fixer les responsabilités » mais, par charité, ces ministres n’ont pas été nommés. Ils se reconnaîtront. 

3/ Il a été demandé à Laftit et à Boussaid d’ « établir un rapport », dans les plus brefs délais, ce qui suppose l’enterrement de la commission d’enquête en cours de formation à la Chambre des conseillers et qui promettait une grosse empoignade au parlement, ce dont on n’a pas vraiment besoin en ce moment.

4/ En moins de 24 heures, le roi a réagi directement deux fois. Samedi 24 juin en décidant du rappel pour consultation de l’ambassadeur à La Haye (la diplomatie étant son domaine réservé), adressant ainsi un message aux potentiels incendiaires agissant de l’étranger, quels qu’ils puissent être, et dimanche 25 juin en décidant de s’impliquer directement dans la crise d’al Hoceima en tançant les ministres, en les assignant dans leurs bureaux et en leur demandant des délais de réaction.

5/ Contrairement  ce qui était demandé et attendu,


le roi a choisi dans sa réaction la voie constitutionnelle du Conseil de ministres (art 49), et non celle du discours (art 52), qui reste donc un autre recours. Le double avantage du Conseil de ministres est d’abord  la délimitation précise des champs de compétences de chacun et ensuite le rappel de l’existence des institutions, qui doivent faire leur travail, quitte à leur rappeler au besoin…

6/ Il s’agit de la seconde colère royale qui concerne la ville d’al Hoceima, suite aux plaintes des habitants de la ville. La première, on s’en souvient, en 2014, était due à Madinat Badès, ce projet immobilier de la CGI qui avait valu bien des tourments au top management de l’entreprise publique, et la seconde aura concerné, aujourd’hui, plusieurs ministres.

7/ Le chef de l’Etat est resté dans son champ constitutionnel en tançant ses ministres, en Conseil de ministres, sur des projets et un programme dont il a personnellement cautionné le lancement. Il n’a pas évoqué les corps élus, qui ont pourtant une grande responsabilité dans la gestion des collectivités et la proximité avec les populations.

8/ Si le passé est imparfait (retards et atermoiements pour les projets d’al Hoceima), le présent doit être simple (au travail, et vite !), et le futur ne doit pas être conditionnel (les compétences, les financements, les lourdeurs administratives et autres joyeusetés du genre).

Enfin, et dans l’attente d’en avoir plus et d’en savoir davantage et dans l’espoir d’entendre Boussaid parler plus et Laftit parler tout court, on peut penser à une  accalmie à venir sur les terres d’al Hoceima et région. Mais il serait bon que le gouvernement et les élus de tous niveaux – qui ont échappé au très sec rappel à l’ordre royal – se rappellent qu’il est bien imprudent d’attendre des manifestations pour faire le travail, à al Hoceima aujourd’hui ou ailleurs demain. Le peuple a cette habitude de ne pas toujours attendre les urnes pour sanctionner… quand il est mécontent, il descend dans les rues.