Gouvernement Benkirane, chronique d’une fin prévisible
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- 09 mars 2017 --
- Maroc
5 mois. Près de 150 jours de négociations, de tractations, de tergiversations, de changements d’avis de la part des uns et des autres, d’exigence des uns et d’intransigeance des autres. Et voilà que ce mois de mars, les choses se sont brusquement accélérées. Benkirane ne veut rien savoir pour l’USFP au gouvernement, Akhannouch insiste plus que jamais pour cette USFP qui a affirmé par la voix de son patron qu’elle veut y être, et Laenser a confirmé. De même que Sajid, en attendant le PJD et le RNI…
Voici une semaine, et précisément jeudi 2 mars, un communiqué du secrétariat général du PJD a encore réaffirmé qu’il était exclu que l’USFP entre au gouvernement. Et deux jours après, le président du RNI Aziz Akhannouch a expliqué aux cadres et dirigeants de son parti, en présence de la presse, que l’USFP doit être de ce gouvernement pour assurer une majorité confortable et œuvrer avec ses connexions internationales à la défense de l’affaire du Sahara.
Pour rappel, le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane a donné son accord pour reconduire la majorité sortante, en plus de l’UC, qui a fondé un groupe parlementaire unique avec le RNI. Mais la demande d’Aziz Akhannouch d’intégrer l’USFP s’est heurtée à un refus catégorique d’Abdelilah Benkirane, soutenu par son parti.
Les choses sont dans l’intervalle allées trop loin pour espérer avoir un gouvernement homogène. En effet, suite à la sortie d’Akhannouch, un responsable du PJD, proche de Benkirane, a violemment attaqué le président du RNI, l’accusant de se comporter en chef de gouvernement et de ne pas être autonome dans sa prise de décision. Comment, dans ces conditions, placer Benkirane et Akhannouch côte à côte au sein du même exécutif ?
Et pourtant, c’est Benkirane qui a insisté pour avoir Akhannouch et son parti avec lui au gouvernement, lequel Akhannouch a présenté des conditions qui peuvent être considérées comme draconiennes. Mais telle est la politique. Une négociation sans fin et un coup d’éclat permanent.
Et cette semaine, donc, les quatre partis formant la coalition que veut Akhannouch ont adopté une position concertée, qui rappelle un peu dans le fond leur communiqué conjoint du 8 janvier, juste avant le désormais célèbre « Game over » de Benkirane deux jours après. Les quatre partis ont donc fait chacun une sortie séparée, différente dans la forme, mais similaire dans le fond et l’argumentation. Driss Lachgar a tenu une conférence de presse, l’UC a publié un communiqué, Mohand Laenser du MP s’est exprimé et le RNI tiendra un Bureau politique.
Pour Driss Lachgar, ce mercredi 8 mars, « le PJD ne doit pas s’impliquer dans la formation du gouvernement, puisque c’est Benkirane qui a été désigné pour le former et non son parti ». Ce n’est pas entièrement faux, mais c’est quelque part vrai. Et le Premier
secrétaire de l’USFP a martelé qu’ « il est temps de dire à Abdelilah Benkirane que ça suffit », et de conclure par cette phrase étrange : « Les négociations ne devraient pas être limitées aux partis de la coalition sortante, mais doivent être élargies à toutes les formations en ce sens que le PJD n’a pas eu la majorité absolue aux élections du 7 octobre ». Un gouvernement d’union nationale, donc ?
Le 8 mars toujours, l’UC, allié du RNI, a publié un communiqué incendiaire adressé au chef du gouvernement. Il y a dit en substance que c’est à Benkirane qu’incombe la responsabilité de l’échec des tractations, « par les changements de position intempestifs, par la révélation des discussions tenues avec les autres chefs de partis, par le rappel de chiffres électoraux tendant à rabaisser certaines formations »… L’UC reproche aussi au chef du gouvernement de se dissimuler derrière son parti alors qu’ « il s’agit de la formation d’une institution constitutionnelle, en l’occurrence la présidence du gouvernement ». L’UC conclut son communiqué par les dégâts occasionnés à la politique et à l’économie nationales en raison de ces retards dans la formation du gouvernement.
Aujourd’hui, le chef du MP Mohand Laenser a imputé à Benkirane la responsabilité du blocage et de l’échec dans la formation du gouvernement. « C’est au chef du gouvernement désigné de nous proposer des solutions, et pas à nous. Pour notre part, nous pensons que le Maroc devra affronter de grands défis et une petite majorité ne saurait être suffisante, d’où la nécessité d’élargir la majorité ». dans l’attente, explique Laenser, c’est l’économie nationale et la crédibilité politique du pays qui pâtissent de ce retard et de cette vacance gouvernementale.
On attend pour ce jeudi soir le « last but not least », à savoir les décisions du Bureau politique du RNI, chef de la coalition des quatre. Et on attend aussi la réaction/réponse du PJD, lors de son secrétariat général de ce soir 9 mars. 17
Et maintenant ?
L’action des quatre partis est parfaitement concertée et synchrone, en plus du fait qu’elle intervient juste avant le retour attendu du chef de l’Etat de sa longue tournée africaine (le roi a quitté le Maroc le 28 janvier). Abdelilah Benkirane est aujourd’hui bien seul, hormis le PPS. Et à eux deux, ils n’alignent que 137 députés alors même que la majorité absolue est de 198.
Ce qui semble devoir se passer est que le retour du roi étant imminent, le chef du gouvernement devra démissionner de sa fonction, et vu l’impossibilité de former un gouvernement entre le PJD et son allié et le RNI et ses alliés, une vaste opération d’union nationale pourrait avoir lieu, sous présidence du PJD. C’est peut-être le sens de la phrase mystérieuse de Driss Lachgar.
Plus d’informations dans les heures, ou les jours, à venir…
Aziz Boucetta