Violente levée de boucliers contre le CNDH pour sa recommandation sur l’héritage

Violente levée de boucliers contre le CNDH pour sa recommandation sur l’héritage

Le Conseil national des droits de l’Homme, présidé par Driss Yazami, a publié le mardi 20 octobre un document sur l’ « état de l’égalité et de la parité au Maroc ». Dans ce document, qui n’est encore qu’un « résumé exécutif », mais qui se décline en une vingtaine de pages quand même, le CNDH pointe et constate les différents cas d’inégalité des femmes par rapport aux hommes. Mais Driss Yazami fait face depuis deux jours à une violente levée de boucliers sur le point concernant l’héritage.

C’est ce qu’il appelle « la législation successorale »… ce point est cité deux fois dans le rapport comprenant 55 constats et recommandations. Dans le point 9, il est dit que « la législation successorale inégalitaire participe à augmenter la vulnérabilité des femmes à la pauvreté », et dans la recommandation 18, le CNDH explique, entre autres, la nécessité d’ « amender le Code de la famille de manière à accorder aux femmes les mêmes droits dans la formation du mariage, dans sa dissolution et dans les relations avec les enfants et en matière successorale, en conformité avec l’article 19 de la Constitution et l’article 16 de la CEDEF ». Il n’en a pas fallu plus pour que les dizaines d’autres points soient occultés, que la parité soit oubliée, que l’inégalité soit mise sous le boisseau… pour ne se consacrer qu’à la question soulevée sur la législation successorale.

Ainsi, Driss Yazami est copieusement attaqué dans les médias, à titre personnel ; deux des principaux quotidiens du pays, Akhbar Alyoum et al Massae, lui ont consacré chacun un éditorial et une Une, rédigés au vitriol. Et les théologiens et autres érudits musulmans et mouvements islamiques  sont à leur tour montés au créneau.

Ainsi, on apprend que le Conseil supérieur des Oulémas (CSO) s’apprêterait à répondre au document du CNDH, aux fins de préciser que la question de la législation est un des dogmes principaux de l’islam et qu’il n’est donc pas possible ni envisageable de l’amender

Le cheikh Mohamed Fizazi a affirmé que « la recommandation du CNDH galvaude la religion et aussi le CSO présidé par le roi Mohammed VI de même qu’elle affecte le Livre Saint et constitue une véritable provocation contre l’islam ».

Pour sa part, Omar


Benahmad, membre dirigeant du Mouvement Unicité et Réforme (MUR, matrice du PJD) et membre de l’Union internationale des Oulémas musulmans, a considéré que l’héritage est explicitement mentionné dans le Coran et que cette question est donc indiscutable. Puis, s’en prenant aux membres du CNDH, il a expliqué que « dans la religion musulmane, tous les cas sont possibles ; ainsi, il est des fois où la femme hérite plus que l’homme, et dans d’autres elle reçoit le même héritage que l’homme. Tout à été discuté, en profondeur et dans un esprit d’équité. Et puis, le roi lui-même a dit qu’il s’interdisait de rendre licite ce qui est illicite et de déclarer illicite ce qui est licite ».

Quant à Hassan Kettani, le cheikh salafiste, il rappelle que « la Commanderie des croyants tire sa légitimité du référentiel religieux, et donc, remettre en cause un verset coranique est de nature à affaiblir cette institution » ; puis, il va plus loin, émettant l’opinion que « cette recommandation du CNDH émane de la logique onusienne qui œuvre à l’égalité des sexes et au mariage homosexuel, ce qui ne saurait être accepté par les Marocains ».

Ces érudits s’en remettent à cet avis du CSO, rappelant qu’ « il ne peut y avoir de jurisprudence là où le texte est explicite », et le texte, c’est-à-dire le Coran, est explicite selon ce verset : « Voici ce qu'Allah vous enjoint au sujet de vos enfants : au fils, une part équivalente à celle de deux filles » (4 :11).

Cependant, d’autres théologiens et spécialistes émettent des avis plus modérés, à l’image d’Ahmed Khamlichi, connu pour ses opinions ouvertes, qui a affirmé que « la question de l’héritage en islam nécessite des réflexions, des conférences et des débats », indiquant par là que l’on peut réfléchir à la question, qui pourrait donc évoluer. Le porte-parole de la Jamaâ al Adl wal Ihsane Fathallah Arsalane va dans le même sens, expliquant qu’ « il faut ouvrir une large concertation de nature théologique, laissant de côté la politique ».

Le débat ne sera donc certainement pas ouvert, Driss Yazami continuera à prendre des coups et, dans l’intervalle, les dizaines d’autres recommandations et constats du rapport du CNDH seront occultés par cette polémique naissante (et non débat).