Mhamed Boucetta : « Le Maroc doit conclure avec l’ONU, en demandant le départ de la Minurso »
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- 16 mars 2016 --
- Maroc
Il est ancien patron du parti de l’Istiqlal et il est aussi, en sa qualité de ministre des Affaires étrangères qui a géré ce dossier dès ses débuts en 1975, avec feu Hassan II, l’un des meilleurs connaisseurs des arcanes diplomatiques de l’affaire du Sahara. PanoraPost l’a rencontré mardi 15 mars, et il a donné son sentiment.
Pour Mhamed Boucetta, cette question se décline en plusieurs étapes, et chacune de ces étapes concourt à pousser le Maroc à demander la fin de la présence de la Minurso sur son sol.
1/ La souveraineté. Pour Boucetta, l’Accord de Madrid en 1975 a été signé par les trois parties qu’étaient l’Espagne puissance occupante alors, le Maroc et la Mauritanie, pays devant bénéficier du transfert d’administration. Il n’était pas question de souveraineté, mais en 1975 toujours, la Cour internationale de justice de La Haye avait amis son fameux arrêt précisant l’existence de liens d’allégeance entre les tribus du Sahara et le Maroc, connu dans les siècles passés sous le nom d’’Empire chérifien.
Cela étant, la CIJ avait également dit, dans un second avis, que la souveraineté territoriale fondée sur des faits juridiques du pays sur ces territoires n’était pas prouvée, seuls une autorité et une influence du Sultan pouvant être vérifiées par les faits historiques.
2/ La Minurso. Mhamed Boucetta explique qu’en 1991, la Minurso avait été installée au Maroc pour veiller au respect du cessez-le-feu et de la zone tampon, située à l’est du mur de sécurité au Sahara. Or, et toujours pour l’ancien ministre des Affaires étrangères, si les armes se sont effectivement tues depuis cette date, la zone tampon a été peu à peu occupée par le Polisario qui, depuis quelques années, qualifie cette même zone de « territoires libérés ». La Minurso ne remplit donc plus sa fonction.
3/ Le plan d’autonomie. James Baker, le précédent médiateur de l’ONU, poursuit Mhamed Boucetta, ayant conclu à l’impossibilité de procéder à un référendum en raison essentiellement des difficultés du recensement des populations sahraouies, refusé par le Polisario et Alger. Dès lors, les puissances du Conseil de Sécurité ont réclamé une solution politique durable, acceptée par tous et applicable. Ne voyant rien venir pendant plusieurs années, le Maroc a soumis à l’ONU en avril 2007 son plan d’autonomie, articulé autour de trois grandes idées qui sont la souveraineté du Maroc, la prise en compte des particularités sociales et
culturelles de la région et les critères internationaux en matière d’autonomie. Et l’ensemble des pays du Conseil de Sécurité ou « des amis du Sahara » ont admis, et continuent d’admettre, que cette solution est une « base sérieuse et crédible pour une solution négociée ».
4/ La réaction du Maroc. Huit années sont passées et, le 6 novembre dernier, le roi Mohammed VI prononce un discours important à Laâyoune décliné autour de deux grandes idées : 1/, le Maroc a tout donné et ne peut consentir plus d’efforts et, 2/ Le Maroc a fait ce qu’il a promis et ce sur quoi il s’est engagé, en l’occurrence l’application d’une politique régionale avancée et le lancement de très larges programmes de développement.
A partir de là, poursuit Mhamed Boucetta, il appartient au Maroc d’adopter la démarche suivante :
a. Refuser désormais la présence de la Minurso, qui n’a plus de raison d’être et qui n’a pas totalement rempli sa mission ;
b. N’accepter de discuter de droits de l’Homme, si l’ONU insiste pour cela, que s’ils concernent l’ensemble du territoire et non plus seulement le Sahara, partant du principe que le Maroc est un tout indivisible ;
c. Rappeler au monde que le Maroc a une capitale, Rabat, et que toute discussion avec son gouvernement ne saurait se faire ailleurs que dans cette capitale.
Cela indiquerait, dans la pensée de l’ancien ministre des Affaires étrangères et connaisseur de la première heure de la question du Sahara, que le Maroc ne doit plus attendre le renouvellement du mandat de la Minurso, mais demander son départ. La raison, synthétisée, est simple : la communauté internationale, constatant son incapacité à organiser un recensement des populations en vue de leur autodétermination, a demandé une solution politique, que personne n’a proposée en dehors du Maroc, qui en a appliqué unilatéralement les dispositions par l’instauration d’une autonomie et l’ancrage dans le développement économique et social. Dès lors, la Minurso n’a plus de raison d’être. « Il faut donc que le Maroc décide de conclure cette affaire, en prenant une décision radicale de demande du départ de la Minurso ».
Le soir même, mardi 15 mars, le Maroc ne disait pas autre chose à l’ONU, en réduisant au maximum les effectifs civils, et essentiellement politiques de la Minurso, et en suspendant sa contribution volontaire à son fonctionnement.
Propos recueillis par Aziz Boucetta
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