Remarques sur l’élection d’Ilyas el Omari à la tête du PAM, par Aziz Boucetta

Remarques sur l’élection d’Ilyas el Omari à la tête du PAM, par Aziz Boucetta

Finalement, « c’est Ilyas… », comme disaient les congressistes et dirigeants du PAM le 24 janvier, jour de l’élection de leur secrétaire général. Ilyas el Omari est donc le nouveau patron du PAM, la nouveauté étant  qu’aujourd’hui, c’est officiel. En effet, l’homme préside de facto aux destinées de sa formation depuis sa – récente – création en 2008. Quelques remarques au sujet de cette élection/consécration pour un homme politique atypique, dont on attend beaucoup…

1/ L’anti-PJD.  La raison d’être principale du PAM – n’en déplaise à ses chefs – est d’être un projet anti-PJD avant d’avoir un projet de société tout court, cohérent et intégré. Si se dresser face au PJD et à son approche conservatrice est un programme certes intéressant, il n’en demeure pas moins que le PAM sera confronté et devra affronter la surpuissance d’une formation qui, au gouvernement, a su prendre des mesures impopulaires tout en restant populaire, et qui a montré que ses cadres peuvent être détenteurs d’un pouvoir tout en restant moralement humbles (ou du moins ils le laissent croire) et matériellement intègres. L’argument a son importance dans un pays à la démocratie récente, où l’intégrité tient office à elle seule de programme politique.

2/ Candidature unique.  Ilyas el Omari est donc le nouveau chef. Il le mérite, car il en a les compétences et il a longtemps travaillé d’arrache-pied pour le devenir. Mais il part et démarre avec une tare, qui est sa candidature unique. D’autres  compétences existent au sein du PAM, mais si personne n’a souhaité, ou osé, se présenter contre el Omari, cela montre le niveau de démocratie qui y règne. Le parti avait été créé par Fouad Ali el Himma, dont le statut d’ami du roi le prémunissait contre toute concurrence, si tant est qu’il voulût un jour devenir secrétaire général. Mais ce qui est valable pour l’ami du roi ne saurait l’être également, durablement, pour l’ami de l’ami du roi.

Une caste de dirigeants, capables et désireux de l’être, doit donc émerger parmi le personnel dirigeant de cette formation. Il y a bien des courants qui y évoluent, alors des leaders doivent se distinguer, puis émerger. Mais on constate l’inverse… Soit on s’en va, l’élan  brisé, comme tant l’ont fait, soit on se met en veille, désabusé, comme tant s’apprêtent à le faire.

3/ Programme politique clair. Alors que son prédécesseur Bakkoury est parti « s’occuper de son soleil », comme le lui a perfidement suggéré Abdelilah Benkirane, Ilyas el Omari...

se retrouve en pleine lumière, n’ayant plus la couverture du statut d’adjoint pour évoluer à sa guise. Il est désormais un homme politique de 1er plan, avec une fonction de 1er plan, qui dirige un parti de 1er plan (en termes d’élus communaux et de nombre de régions présidées). Il est le chef de parti qui aura reçu – très rapidement – un message de félicitations du chef de l’Etat. Cela devra le conduire désormais à lisser son propos public  et à policer son discours politique. Il devra ne plus lancer des attaques à l’emporte-pièce et il gagnerait à développer un véritable projet sociétal, pensé et réfléchi, et non en opposition au conservatisme de son adversaire islamiste.

Se posant comme moderniste, il devra prendre des risques en affichant et en défendant des positions qui, pour être résolument progressistes, n’en sont pas nécessairement populaires. Mais le Maroc a besoin d’une polarisation de sa scène politique, et cela vaut bien quelques risques pris à découvert, car c’est dans la clarté qu’on luit.

4/ Manque de légitimité populaire.  Avec Ilyas el Omari, le PAM a aussi élu une présidente du Conseil national, second personnage de la formation et ancienne maire de Marrakech. Les deux premiers responsables du PAM, il faut bien le reconnaître, ont été mal élus le 4 septembre dernier… el Omari a été élu dans une toute petite commune où il avait préféré se porter candidat au lieu de briguer les suffrages urbains dans une grande ville ; et Fatima Zahra Mansouri n’a pas su conserver sa mairie, qu’elle a dû céder au… PJD. On est loin du raz-de-marée du parti de Benkirane qui, non seulement a fait réélire ses conseillers, mais a assuré leur promotion en présidents après leur avoir garanti de confortables majorités, relatives et souvent même absolues. Pire, Mme Mansouri a cédé son fauteuil de maire à son ancien vice-président PJD qu’elle avait fait bruyamment exclure du bureau du Conseil.

Quand un parti place à sa tête des gens n’ayant pas eu l’onction populaire, franchement et massivement, cela signifie que ce parti est bancal.

Ilyas el Omari, pour compétent et efficace qu’il soit, aura donc été élu sans concurrent, sans suspense, sans lutte, et donc sans véritable panache. Corneille disait : « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire »…  Le nouveau chef du PAM devra se battre aujourd’hui pour donner du lustre à sa victoire. En aura-t-il le temps dans les neuf mois qui nous séparent de l’élection législative ? Le Maroc politique en a besoin, mais l’avenir apportera sa réponse.

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