Immigration : paradoxes entre réalités et objectifs
Là où la démocratie a toujours été revendiquée et défendue, il y a un revirement de situation. Un revirement brusque et brutal, marqué par le succès des nationalistes et populistes, arrivés au pouvoir ici et là, masqués ou à visage découvert, et qui luttent ardemment contre l’arrivée des migrants. Et c’est dans ce contexte, qu’un Pacte mondial sur les migrations – non contraignant – a été adopté le 10 décembre, à Marrakech. Que risque-t-il de se passer à présent ?
Migrants et réfugiés bloqués face aux politiques des extrêmes
Dans un monde où l’on trouve un Bolsonaro au Brésil, un Trump aux Etats-Unis, une Marine Le Pen en France et un Salvini en Italie, et la liste n'est pas exhaustive, sans compter les dirigeants d’extrême droite des Visegrad (Autriche, Pologne, République Tchèque et la Slovaquie), une particularité commune se dégage : éradiquer le phénomène migratoire en ayant recours à des actions bafouant les règles du droit international et les principes fondamentaux des droits humains. Et même de la morale, si on peut encore parler de morale dans notre monde actuel...
Le principe du Non-Refoulement veut qu’aucun Etat ne peut expulser une personne vers un pays où sa vie/et/ou sa liberté seraient menacées.... Ce principe, qui relève du droit international coutumier, est confirmé dans la déclaration universelle des droits de l’Homme dans son article 14 « toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays ».
Or, nous sommes face à une Europe divisée sur la question et c’est pareil même ailleurs. Ainsi, nous sommes spectateurs d’une montée triomphale de l’extrême-droite, pour laquelle la coopération internationale n’est pas à l’ordre du jour.
Et ces mêmes pays ont dit non au Pacte pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, en soumettant que leur souveraineté serait remise en cause. Rappelons-leur, les deux choses suivantes :
1- Les textes constitutionnels arrivent au premier rang de la hiérarchie des normes juridiques ;
2- Le texte boycotté n’est pas contraignant.
Partant du principe que la constitution prime, cela signifie que la souveraineté ne sera pas remise en cause. Et quand bien même elle le serait, elle restera au-dessus des clauses du pacte. Il existe en effet des mécanismes (réserves et déclarations) qui relèvent du droit international permettant...
aux Etats parties de ne pas retenir les dispositions qui ne sont pas conformes à leur droit interne.
La coopération internationale, bonne ou mauvaise idée ?
Les dirigeants anti-migrations réaffirment leur position en boycottant le pacte et ils sont au nombre de 16 (Malte, Italie, Hongrie, Etats-Unis, Suisse…). Mais en réalité, il semblerait que ce ne soit pas pour une question de souveraineté : il s’agirait plutôt d’une union symbolique pour tenir tête aux migrants.
Estimant que la coopération européenne en la matière n’a pas fonctionné par le passé, le nationalisme reprend le dessus malgré les multiples appels au multilatéralisme des chefs d’Etat et de gouvernements à Marrakech, lors de la conférence intergouvernementale pour la migration.
Depuis le début de la crise migratoire en 2015, les migrants d’Asie affluent et traversent la Turquie afin de rejoindre l’Europe. Pour maîtriser les arrivées, la Commission Européenne adopte la même année le système européen de quotas qui consiste en la répartition des réfugiés entre les différents pays membres. La répartition se faisait selon le PIB, le nombre d’habitants, le taux de chômage, et le nombre de demandes d’asile des pays récepteurs ; chaque Etat, décidera ensuite d’accorder ou non le droit d’asile aux demandeurs.
Le plan de relocalisation a été adopté en vue de contourner le règlement Dublin III qui oblige les migrants à déposer leur demande d’asile dans le premier pays où ils arrivent. Ce qui aurait permis de diminuer l’afflux massif des réfugiés en Italie et en Grèce. Mais alors que le plan arrive à échéance en septembre 2017, seuls quelques pays ont respecté leurs engagements : à peine 28 % des demandes d’asiles ont été traitées.
Il est donc fort possible que les nationalistes et les populistes retrouvent leur seconde heure de gloire en Europe et/ou ailleurs. Et c'est précisément ce que le Pacte, en insufflant une dose de règles et de règlements, veut contourner, pour donner plus de droits moraux aux migrants. Mais le discours xénophobe, populiste, extrémiste, facile, en cours actuellement à la Maison Blanche et dans plusieurs chancelleries, semble avoir de beaux jours devant lui. Il appartient aux 150 Etats signataires du Pacte de Marrakech de résister, de persister, pour aller de l'avant.
Les grandes valeurs ont toujours besoin de temps...
Mouhamet Ndiongue
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