En quoi la rencontre de Genève est-elle différente des précédentes ?

En quoi la rencontre de Genève est-elle différente des précédentes ?

La table ronde convoquée par l’ONU pour le Sahara se tient aujourd’hui à Genève. Elle réunit, sous l’observation de l’Envoyé spécial de l’ONU Horst Koehler, le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie et le Polisario. Mais en quoi cette rencontre est-elle diférente de ceslles qui l’ont précédée, à Manhasset.

Les deux différences principales tiennent au statut de l’Algérie et au format de la rencontre. En effet, pour cette table ronde de Genève, Alger n’est pas désignée comme partie à part entière du conflit, comme s’en félicite Rabat, mais elle n’est pas pour autant simple observateur, ainsi que le ministre des AE algérien Abdelkader Messahel le dit et le redit à qui veut l’entendre. Cette fois, les Algériens n’ont pas su et pu convaincre Horst Koehler de leur position de voisin vertueux, impliqué à son corps défendant. Il aura fallu tout le matraquage diplomatique marocain pour l’en persuader… l’Algérie abrite, soutient, arme et finance le Polisario, ont répété les diplomates marocains depuis des mois, ce qui est exact, et ce qui a finalement porté.

Aussi, le statut algérien a évolué de 2012 à 2018 dans ce conflit régional. Il est plus qu’observateur, mais moins que partie, tout en étant plus proche du second statut que du premier.

Quant au format de la table ronde, il est aussi inédit. Il faut savoir que pour Manhasset, Marocains et gens du Polisario ne parlaient pas directement, mais par ONU (en l’occurrence Christopher Ross, le prédécesseur de Horst Koehler) interposée. Le Polisario, avant de donner ses réponses, allait consulter ses amis algériens qui lui fournissaient ses éléments de langage. M. Ross voyait bien tout cela, mais n’en avait cure.

Ainsi donc, cette fois, aujourd’hui, à Genève,...

les quatre protagonistes se réuniront autour d’une seule et même table, ainsi que le voulait le chef de la diplomatie marocaine Nasser Bourita, qui avait gentiment expliqué à M. Koehler que si tel n’était pas le cas, cela serait une perte de temps et d’énergie que de faire le déplacement. Et donc, Alger est aujourd’hui partie prenante, et même partie assise, impliquée, sous le regard bleu et acéré de Horst Koehler.

Quand M. Bourita s’adressera à son homologue algérien, et que celui-ci répondra selon toute vraisemblance qu’il n’est pas concerné, l’Envoyé spécial verra bien que le représentant du Polisario ne pourra ni ne saura rien dire sans le feu vert de l’Algérien, et c’est exactement ce que veulent les Marocains.

Autre diférence dans le format, la présence de trois Sahraouis dans la délégation marocaine (photo, avec Nasser Bourita), dûment élus à l'issue d'un scrutin communal et régional tenu en 2015, reconnu par tous et partout. Cette fois, et contrairement à Manhasset, pas de DGED (renseignement), qui n'a certes pas sa place dans une rencontre diplomatique  internationale... Ces élus feront face, toujours en présence de Horst Koehler, aux gens du Polisario, et nul doute que ce seront ces derniers qui seront à la peine, en dépit ou à cause de la présence de M. Messahel...

Et c’est en cela que la table ronde de Genève est et sera différente des « discussions de Manhasset ». Il faudra donc attendre les récits des uns et des autres pour se faire une idée précise de l’avancée de ce dossier, mais on peut d’ores et déjà dire que l’avantage est au Maroc, face à une Algérie qui arrive affaiblie politiquement et économiquement, donc diplomatiquement.

Aziz Boucetta

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