Protocole royal : Hauts et bas pour Akhannouch, Benkirane, Mezouar et les autres...

Protocole royal : Hauts et bas pour Akhannouch, Benkirane, Mezouar et les autres...

Le protocole royal est, au Maroc, extrêmement éloquent dans son mutisme. Le pouvoir est donné à l’image et aux actes, sans trop de paroles. Des actes tellement précis dans l’étiquette royale que tout changement est immédiatement remarqué, commenté. Pourquoi ainsi le roi Mohammed VI a-t-il reçu, ou non, telle personnalité, et pourquoi l’a-t-il fait de cette manière, dans cette ville, habillé de telle façon ?… Retour sur les cas d’Abdelilah Benkirane, Salaheddine Mezouar et Aziz Akhannouch.

Quand un acte protocolaire est établi et devient une tradition, il est évident que s’il connaît un changement, ce changement a une explication. Ainsi des audiences accordées, ou non, par le roi Mohammed VI. Il est ainsi désormais traditionnel que le chef de l’Etat reçoive les nouveaux élus à la tête d’organismes ou d’institutions, de même qu’il est habituel qu’il décore d’anciens collaborateurs. Ou non. Les intéressés lisent parfaitement les messages. Qu’en est-il des cas de MM. Benkirane et Mezouar ?

Les deux anciens adversaires au gouvernement entre 2013 et 2017 se retrouveront donc dans une sorte d’épreuve pénible commune. Cela n’est pas connu du grand public, mais eux deux en mesurent bien l’importance. A la fin de leur mission à la tête du gouvernement, quelques jours, quelques semaines, quelques mois plus tard, les anciens Premiers ministres Abderrahmane el Youssoufi, Driss Jettou, Abbas el Fassi ont tous été reçus et  décorés par le chef de l’Etat… de même que la CGEM est entrée aussi dans cette logique protocolaire, avec les deux élections de Miriem Bensalah Chaqroun, décorée durant son mandat et reçue à chacune de ses deux élections à la tête du patronat.

Cette année encore, le roi Mohammed VI a reçu en série les nouveaux élus, ou reconduits, à la tête de leurs partis, comme Hakim Benchamas et Nabil Benabdallah, pourtant révoqué par le même Mohammed VI quelques mois auparavant… D’où la précision de cette étiquette.

Pourquoi donc Abdelilah Benkirane et Salaheddine Mezouar n’ont-ils pas bénéficié de cette marque d’attention royale, le premier à la fin de son mandat de chef du gouvernement et le second après son élection à la présidence...

de la CGEM ? Les deux diront qu’ils ont été honorés par des messages royaux. Certes, mais une lettre, fût-elle royale, n’est pas une audience royale, avec les images et l’adrénaline habituelles.

Si, pour Abdelilah Benkirane, le long blocage politique et la situation sociale du pays peuvent expliquer qu’il n’ait été ni reçu ni décoré par le roi à la fin de sa mission, pour Salaheddine Mezouar, les choses sont plus opaques. Et pourtant, l’ancien ministre, « l’homme qui a donné la parole au roi Mohammed VI, au Maroc, lors de la COP22 », a été bien élu à la tête de la CGEM, peut-être même un peu trop, basculant du monde politique au monde corporatiste et appliquant au second les méthodes du premier. Cette élection très large avait valu quelques grincements de dents à plusieurs grands patrons, ceux-là même qui se sont fait porter pâles lors de l’université d’été de la CGEM, en septembre. Ceci explique-t-il cela ? Sans doute car l’homme est, ou fut, un grand commis de l’Etat, ayant occupé deux ministères régaliens (Finances et Affaires étrangères), est parfaitement connu du roi Mohammed VI. Si celui-ci ne l’a pas reçu après son élection à la tête de la Confédération, cela doit susciter des questionnements au sein de cette institution…

A l’inverse, l’audience très remarquée accordée à Aziz Akhannouch ce 19 août à Marrakech marque l’attention portée par le chef de l’Etat à son ministre. Invité seul, en tête-à-tête avec le roi, dans une grande sale contrairement à la tradition des audiences de ministres, fauteuil avec accoudoir ostentatoire, les marques d’attention n’ont pas manqué… autant qu’elles auront cruellement fait défaut à M. Mezouar.

Le protocole royal est donc un acte politique qu’il convient de lire avec attention et de décrire avec soin. Il donne des indications sur ces personnages ou personnalités en charge de la gestion de certains secteurs du pays et apporte des éclairages sur leurs relations avec le palais, qui reste central dans la direction du pays et dont les faits et gestes donnent des indications sur la longévité des uns et des autres…

Aziz Boucetta

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