Le roi Mohammed VI reçoit Aziz Akhannouch, seul
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- 20 octobre 2018 --
- Maroc
La politique agricole pour les dix années à venir commence à dévoiler ses nouveaux contours. L’idée est d’ouvrir le champ à un investissement massif dans le secteur primaire, en vue de permettre l’accès à la propriété de plusieurs centaines de milliers d’agriculteurs, des jeunes principalement, et de favoriser l’émergence d’une classe moyenne agricole. Pour cela, le roi Mohammed Vi a accordé une audience (très particulière) au ministre de l’Agriculture Aziz Akhannouch. Un satisfecit spectaculaire qui confirme celui du discours royal une semaine auparavant.
L’événement est assez exceptionnel pour être relevé… le chef de l’Etat recevant, seul, un ministre pour lui indiquer les orientations à suivre dans son département. C’est ce qui s’est passé hier avec Aziz Akhannouch, dont l’audience a fait l’objet d’un communiqué du cabinet royal, privilège rare et remarqué.
Dans la forme, l’image de l’audience montre le roi et son ministre dans une vaste salle du palais royal de Marrakech, et la vidéo permet de constater une discussion. Le ministre expose au roi les orientations de la nouvelle politique agricole. Généralement, ce type d’audience se tient en présence du chef du gouvernement, comme en 2016, quand la sécheresse menaçait et que le roi Mohammed VI avait reçu le ministre Akhannouch et le chef du gouvernement d’alors, Abdelilah Benkirane.
Cette fois, M. Akhannouch est seul avec le roi, et tous deux discutent agriculture et développement du secteur primaire. La scène paraît détendue, les deux hommes semblant plus échanger des idées sur la future stratégie qu'agricole que l'un donnant des ordres à l'autre. La lecture de l'image est donc éminemment politique, avant même que d'être sectorielle ou économique.
En une semaine, l’agriculture a connu trois moments forts :
1/ Le discours du roi devant le parlement, vendredi 12 octobre, où le chef de l’Etat a longuement parlé du secteur, lui consacrant le quart de son discours, et y évoquant les questions de la propriété foncière, la facilitation administrative à cette propriété, la fragmentation excessive des terres, et l’importance de l’émergence d’une classe moyenne agricole. L’idée est inédite.
2/ Le ministre de l’Agriculture organise jeudi 18 une sorte d’Assises de l’agriculture à Marrakech, une rencontre ayant connu la présence de tous les acteurs de la politique agricole du pays, Comader, Chambres d’agriculture, acteurs et opérateurs… Aziz Akhannouch a repris les grandes orientations du discours royal, s’est engagé et a engagé les personnes présentes à s’inscrire dans cette nouvelle logique, puis à dévoilé les grandes lignes d’un bilan de 10 ans de Plan Maroc Vert.
3/ Le roi reçoit M....
Akhannouch, en solo, à Marrakech et le charge « d’élaborer et de soumettre (à son attention) une réflexion stratégique globale et ambitieuse pour le développement du secteur agricole », honneur insigne et confiance encore plus grande s’il en est… Les idées maîtresses de cette réflexion devront être « la création de nouvelles activités génératrices d’emplois et de revenus », principalement pour les jeunes, « l’élargissement du champ d’investissement agricole », « rendre plus accessible le foncier à l’investissement », « distribution d’un million d’hectares de terres collectives aux ayants-droit », « la lutte contre la pauvreté et l’exode rural » et, enfin, « l’émergence d’une classe moyenne agricole ». Des idées royales révolutionnaires…
Aziz Akhannouch se voit donc confier, seul, le destin économique et social de 40% de la population du Maroc (et 15% de sa création de richesses), pour laquelle il doit « élaborer une réflexion stratégique et globale ». Le PMV ayant été un succès, malgré d’inévitables hiatus, nous serions donc face à une seconde génération de ce Plan, revu et corrigé en fonction des mutations sociales et de la relève des générations dans le monde rural.
Mohammed VI agit comme à son habitude, prenant son temps et rappelant que le temps d’un roi est particulier. On se souvient de cette scène surréaliste vécue début juin à Tanger quand, le chef de l’Etat inaugurant une infrastructure portuaire à Tanger, il avait entendu de très près les slogans « Akhannouch, dégage », lancés par ce qui avait semblé être des proches d’Ilyas el Omari, alors encore et toujours secrétaire général du PAM. Le roi Mohammed VI était allé au-devant de la foule, qui avait hurlé de plus belle son rejet d’Aziz Akhannouch, mais il n’avait eu aucune réaction.
Il vient de l’avoir, non seulement en maintenant son ministre de l’Agriculture, mais en lui confiant en plus la mission de réflexion sur l’avenir de l’agriculture au Maroc, et en lui marquant ainsi une rare marque de confiance. Aujourd'hui, Ilyas el Omari est parti, et Aziz Akhannouch est toujours là, confirmé et consolidé.
Nous sommes à une seconde phase de la politique royale, à près de 20 ans de règne, où les choses changent et évoluent… où la diplomatie a changé, où la Formation professionnelle doit évoluer, où l’INDH passe à une nouvelle génération, et où l’agriculture doit adopter une nouvelle stratégie, en prolongement de la précédente. Il reste, pour nos dirigeants, à s’inscrire dans une logique de nouvelle communication, plus en proximité, plus en précision, plus en réponse aux attentes populaires… car nous sommes dans une nouvelle génération de protestations, aussi.
Aziz Boucetta
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