Purge, drogues, pouvoir, guerre des clans… l’Algérie au bord du chaos avant la présidentielle de 2019

Purge, drogues, pouvoir, guerre des clans… l’Algérie au bord du chaos avant la présidentielle de 2019

Les cinq principaux généraux algériens ont été démis de leurs fonctions cette semaine après s'être présentés devant la justice pour corruption, ont déclaré les médias locaux algériens.

Les principaux généraux comprennent trois anciens chefs de régions militaires, un ancien chef de gendarmerie et le chef des services financiers du ministère de la Défense, ont indiqué les médias locaux.

Ils font tous face à des accusations d '«enrichissement illicite» et d' «utilisation des fonctions d'un haut fonctionnaire à des fins personnelles».

Les récents licenciements interviennent dans un contexte de grande purge au sein de la haute hiérarchie de l'armée algérienne, alors que les clans pro-Bouteflika renforcent leur pouvoir au pouvoir.

En septembre dernier, un groupe de hauts responsables militaires algériens, dont les chefs de l'armée de l'air et de l'armée, ont été démis de leurs fonctions.

Certains analystes ont fait valoir que les purges indiquaient que le chef d'état-major, Gaid Salah, réorganisait le commandement militaire en prévision d'exercer davantage de pouvoirs indépendants de Bouteflika, d'autant que le président, qui souffre de problèmes de santé, devient de plus en plus malade et affaibli.

Malgré une mauvaise santé, le président Bouteflika se prépare pour un cinquième mandat, encouragé par son entourage, notamment son frère Said et le chef d'état-major Gaid Salah.

Selon certains analystes, le maintien du président Bouteflika indique un accord entre l'élite dirigeante qui dirige le pays.

Pour rappel, le 29 mai, l’armée avait saisi en rade d’Oran 701 kg de cocaïne dans un bateau en provenance du Brésil. L’enquête avait alors provoqué la chute du patron de la sûreté nationale (police), le général major Abdelghani Hamel, réputé très proche de la famille Bouteflika, et cité plus d’une fois comme un des favoris à la succession du président, 81 ans, malade et aphone.

 « Les actuelles incarcérations sont la suite de l’enquête conduite par les services de sécurité de l’armée. C’est cette enquête qui a révélé des enrichissements liés au trafic d’influence », a expliqué à l’AFP un officier proche du dossier.

L’Algérie menacée

Mais dans les jours qui suivent, l’affaire prend rapidement la tournure d’un scandale et d’une menace pour le pays. L’implication de magistrats et personnalités dans des affaires de corruption et de trafic est très vite suggérée. Le garde des sceaux Tayeb Louh promet que personne « quel que soit son rang » n’échappera à la justice.

La stabilité même de l’Algérie serait en cause, selon le premier ministre. Le 23 juin, Ahmed Ouyahia déclare « lorsque l’on voit le flot de drogue qui s’abat sur nos frontières de plusieurs destinations, nous considérons que nous ne somme pas dans l’excès de qualifier cela...

d’une agression » et précise que son parti, le RND (rassemblement national démocratique, allié au FLN) est pour l’application de la peine de mort pour les trafiquants de drogue.

Un arrière-plan politique évident

Les Algériens ont cependant du mal à croire que la seule lutte contre la corruption soit le moteur de cette affaire. Pour Mohamed Bellal, du nouveau mouvement d’opposition Mouwatana, « l’agenda politique de l’élection présidentielle d’avril 2019 a provoqué un emballement dans le système de pouvoir algérien. Le projet pour faire élire le président Bouteflika pour un cinquième mandat a été lancé par ses partisans à la tête du FLN pour obtenir un passage en force. Le président est visiblement à bout de souffle. Les soutiens ne sont pas enthousiastes. La machine peut se gripper ».

Le chef d’État-major de l’armée, Ahmed Gaid Salah, décisif en 2013 dans le maintien du président Bouteflika à la tête du pays après son accident vasculaire, est donné comme le bénéficiaire de cette purge. « Mais sa fidélité au président n’est pas sans borne. Il est en plus lui-même connu dans son fief d’Annaba pour s’être enrichi de la même façon que les généraux embastillés, dont deux lui sont très proches », explique Mohamed Bellal.

« Personne ne sait où va s’arrêter cette vague de poursuites judiciaires », s’inquiète un patron membre du Forum des chefs d’entreprise (FCE). Les membres de cette organisation proche de Saïd Bouteflika, frère du président, redoutent que les enquêtes, une fois le volet militaire refermé, ne viennent s’occuper des malversations dans le milieu des affaires.

L’Assemblée nationale bloquée

Le doute s’est insinué sur la capacité de ses partisans à mettre tout l’appareil de l’État en ordre de marche pour maintenir Abdelaziz Bouteflika à la tête du pays, où il se tient depuis avril 1999. Ces dernières semaines, une crise institutionnelle à la chambre basse du Parlement a conforté ce doute. Le FLN a tenté, pour d’obscures raisons, de destituer le président de l’Assemblée nationale, Saïd Bouhadja.

Protégé par la Constitution, ce dernier a choisi de désobéir à un ordre venant de la présidence lui demandant de démissionner. L’Assemblée nationale, paralysée par le conflit depuis un mois, n’a pas entamé ses travaux sur le projet de loi de finance pour 2019.

Une « main invisible » a manifestement encouragé le président de la chambre basse, pourtant réputé proche du président Bouteflika, à ne pas obtempérer. Entre la purge à la tête de l’armée et la paralysie du Parlement, les éléments d’un chaos annoncé perturbent la feuille de route pour un cinquième mandat présidentiel en avril 2019.

Mouhamet Ndiongue

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