Projet de loi de finances (PLF) 2019 : ce qu’il faut retenir

Projet de loi de finances (PLF) 2019 : ce qu’il faut retenir

Mohamed Benchaaboun a pris les rênes du ministère des Finances en pleine période d’élaboration des réformes, dont la régionalisation, les réformes sociales, les centres régionaux d’investissement, l’accélération et mise en œuvre du dialogue social, les réformes fiscales… Dans un contexte où tout est urgent, l’ex-banquier a sans doute pris la mesure de l’ampleur de la tâche qui l’attend tout en évitant vitesse et précipitation car les acteurs de tous bords sont sur le qui-vive et attendent avec impatience les premiers actes du nouvel argentier du royaume.

Mercredi 10 octobre, donc, Mohamed Benchaaboun a fait son grand oral, en Conseil des ministres, présidé par le roi, consacré à la présentation des orientations générales du projet de Loi de Finances 2019,

Au cours de ce Conseil, le ministre de l’Economie et des Finances a décliné les grandes orientations du PLF 2019 notamment les mesures envisagées pour que certains établissements et entreprises publics puissent honorer leurs engagements et s’acquitter de leurs dettes et arriérées cumulées, particulièrement ceux connaissant des difficultés financières.

Pour ce faire, le ministre de l’Economie et des Finances a proposé l’adoption d’un plan d’action visant la restructuration de certains établissements et entreprises publics, notamment à travers la révision du statut des filiales et des actifs qui ne sont pas directement liés avec l’objet principal desdits établissements et entreprises, ainsi qu’à travers la rationalisation de leurs dépenses et ce, dans le cadre de contrats-programmes avec l’Etat.

Au sujet du paiement des arriérées des remboursements relatifs à la Taxe sur la valeur ajoutée, le ministre a assuré lors de cette réunion qu’une opération de règlement immédiat de ces dettes au profit des entreprises du secteur privé et public a été lancée, et ce à travers un partenariat avec le secteur bancaire, relevant que l’impact financier de cette opération sur le budget de l’Etat sera échelonné sur les dix prochaines années.

Par la suite, le ministre de l’Économie et des Finances a présenté un exposé sur les orientations générales du projet de loi de finances de l’année prochaine.

Grands axes du PLF 2019

Le projet de loi 2019 est axé sur quatre grandes priorités.

Premièrement : donner la priorité aux politiques sociales particulièrement dans les domaines de l’enseignement, la santé et l’emploi, l’accélération du processus du dialogue social, notamment en ce qui concerne le renforcement du rôle du système éducatif dans la formation et l’intégration socio-économique des jeunes, l’amélioration des conditions d’accès des citoyens aux services de santé, la contribution à la restructuration des politiques de soutien et de protection sociale et la réduction des disparités entre les différentes catégories et régions.

Pour rappel, Le roi Mohammed VI a longuement évoqué récemment dans le Discours du Trône la question sociale, exhortant le gouvernement à prendre des « mesures d'urgence », notamment en matière de santé et d'éducation.

Malgré les « réalisations accomplies (...) j'ai le sentiment que quelque chose continue à nous faire défaut en matière sociale », a déclaré le souverain marocain dans son discours.

Le Roi a pointé du doigt les programmes de soutien et de protection sociale qui « empiètent les uns sur les autres, pèchent par manque de cohérence et ne parviennent pas à cibler les catégories effectivement éligibles ».

Il a ainsi appelé à accélérer la mise en place « d'un système national d'enregistrement des familles qui pourront bénéficier des programmes d'appui social », invitant le gouvernement à « entreprendre une restructuration globale et profonde » des programmes existants notamment le RAMED

Le Maroc est marqué par de criantes inégalités sociales et territoriales, sur fond de chômage élevé parmi les jeunes. En 2017, il a été classé 123e sur 188 pays au titre de l'indice de développement humain (IDH).

La recherche d'un « nouveau modèle de développement » est devenue au cours des derniers mois le leitmotiv des pouvoirs publics.

Dans son adresse à la nation, le roi a appelé à « donner une impulsion vigoureuse aux programmes d'appui à la scolarisation » et à une refonte du système de santé, qui « se caractérise par des inégalités criantes et une faible gestion ».

Deuxièmement : stimuler l’investissement privé à travers l’adoption rapide de la nouvelle charte de l’investissement, la mise en œuvre de la réforme des Centres régionaux d’investissements, l’amélioration du climat des affaires et l’appui aux entreprises particulièrement les PME.

Troisièmement : poursuivre les grandes réformes institutionnelles et structurelles, notamment le parachèvement de la réforme de la justice, la mise en œuvre de la régionalisation avancée, l’accélération de la mise en œuvre de la déconcentration administrative et la poursuite de la réforme de l’administration publique.

Quatrièmement : préserver les grandes équilibres macro-économiques en poursuivant la réduction du niveau du déficit budgétaire et une gestion vigilante de l’endettement.

Cependant le projet de Loi de finances 2019 (PLF 2019) compote plusieurs nouveautés en rapport notamment avec l’IS, la contribution à la solidarité, la cotisation minimale… Pour l'IS, un taux de 17,5% sera appliqué pour la tranche de bénéfice net compris entre 300.001 et 1 million de DH.

Mesures fiscales du PLF 2019

Selon Médias24 les principales mesures fiscales relevant de la DGI proposées dans le projet de loi de finances 2019. Hormis l'abaissement du taux intermédiaire de l'IS, il n'y a pas vraiment de mesures en faveur de l'entreprise, de l'investissement ou des personnes physiques. Les objectifs sont clairement l'amélioration des recettes pour faire face aux pressions budgétaires dues à l'orientation sociale du PLF 2019.

Mesures relatives à l’IS

1- Réaménagement du barème progressif de l’IS et instauration d’une contribution de solidarité de 2% sur les entreprises réalisant un bénéfice imposable de plus de 50 MDH.

2- Imputation de l’impôt payé à l’étranger par les sociétés marocaines sur l’IS payé au Maroc.

Le Code général des impôts ne prévoit pas de règle d’imputation de l’impôt payé à l’étranger sur l’IS dû au Maroc, ce qui engendre une double imposition des sociétés marocaines qui investissent à l’étranger.

A l’instar du traitement fiscal réservé pour les revenus de source étrangère réalisés par les personnes physiques, les sociétés marocaines réalisant des opérations à l’étranger auront la possibilité d’imputer l’impôt acquitté à l’étranger sur le montant de l’IS dû au Maroc, dans la limite de la fraction de cet impôt correspondant aux revenus étrangers.

3- Instauration d’un abattement de 50% sur les bénéfices distribués par les OPCI (Organisme de placement collectif immobilier) aux sociétés actionnaires :

Objectif, créer un environnement favorable à la relance du secteur immobilier, encourager la création d’OPCI et favoriser la mobilisation de l’épargne longue.

Il faut savoir que même si les OPCI sont totalement exonérés de l’IS, ils ne peuvent pas constater des amortissements des biens immeubles.

Mesures relatives à IR

1- Revenus fonciers : Suppression de l’abattement de 40% sur les loyers et institution d’un taux libératoire de l’IR de 15% applicable au montant brut des loyers. Objectif: améliorer le rendement de cet impôt vu le nombre

2- Suppression de l’exonération de l’IR au titre de la cession des résidences principales occupées pendant plus de 6 ans et dont le prix de vente est supérieur à 500.000 DH:

3- Réduction du montant minimum de la sanction applicable aux auto-entrepreneurs, qui passe de 500 DH à 200 DH, en cas de retard ou défaut de déclaration de chiffre d’affaires.

4- Elargissement de la liste des indicateurs de dépenses personnelles retenus dans le cadre de l’examen de la situation fiscale du contribuable:

5- Dispense de l’obligation de déclaration du revenu global en cas de cumul des pensions de retraite (CNSS, CIMR…) quand le montant de ces pensions n’excède pas le seuil exonéré (30.000 DH).

6- Exonération du capital décès versé aux ayant-droits des fonctionnaires et agents de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics (harmonisation avec le secteur privé).

7- Exonération de la rémunération versée aux appelés au service militaire, conformément au projet de loi 44-18 sur le service militaire obligatoire en cours d’adoption.

Mesures relatives à la TVA

1- Réinstauration de la TVA sur les livraisons à soi-même de construction d’habitation personnelle et abrogation de la contribution sociale de solidarité. Parallèlement L’exonération des constructions ne dépassant pas 300 m2 est maintenue.

2- Clarification de l’opération de transfert du droit à déduction de la TVA inscrite à l’actif d’une société en cas de fusion, scission ou transformation de la forme juridique.

Mesures relatives aux droits de timbre

1- Exclusion du champ d’application du timbre «de quittance» des professionnels n’ayant pas la qualité de commerçants et ceux n’ayant pas l’obligation de tenir une comptabilité.

Mesures relatives à la vignette automobile

1- Révision des tarifs de la vignette de 50 DH à 500 DH selon les puissances fiscales.

2- Restauration du paiement en deux...

versements égaux de la TSAV pour les véhicules dont le poids est supérieur à 9 tonnes soumis avant 2017 à la taxe à l’essieu.

3- Les véhicules de type 4x4 et fourgonnettes de moins de 3 tonnes, utilisés à des fins professionnelles seront soumis aux tarifs de la TSAV selon le poids et non plus selon la puissance fiscale.

Mesures relatives aux taxes d’assurance

1- Suppression de l’exonération des contrats d’assurance décès (assurance emprunteur) et instauration d’une taxe de 10% entièrement affectée au fonds d’appui à la cohésion sociale.

Mesures communes à l’IS et à l’IR

1- Relèvement du taux de la cotisation minimale pour les entreprises déficitaires de 0,50% à 0,75% à partir de la 4ème année déficitaire.

2- Renforcement du contrôle des prix de transfert entre les sociétés marocaines ayant des liens directs ou indirects avec des entreprises étrangères : obligation de remettre à la DGI une documentation conforme aux normes internationales justifiant la politique de prix.

A propos de l’IS, plus de 92% des entreprises ne sont pas concernées par les changements de taux de l'IS. En détail, près de 13.000 entreprises bénéficieront de la réduction du taux intermédiaire de 20% à 17,5%. Et près de 5.300 subiront l’augmentation du taux marginal de 31% à 32%, dont 267 supporteront, en plus, la contribution de solidarité de 2% sur les bénéfices. 92% des entreprises ne sont pas concernées par ces changements.

Le but de cette mesure est d’encourager les TPME, dont le nombre est important, en faisant contribuer les grosses PME et grandes entreprises, relativement peu nombreuses.

Mesures communes à l’IS, l’IR et la TVA

1- La déductibilité des charges réglées en espèces dans la limite de 10.000 DH par fournisseur et par jour sera supprimée pour lutter contre l’informel et certaines pratiques frauduleuses.

Mesures communes à tous les impôts

1- Suppression du régime fiscal préférentiel des banques offshores et des sociétés holdings offshore.

Le but est de réduire les régimes dérogatoires et d’optimiser les dépenses fiscales. Les maisons mères des banques offshores pourront réaliser les mêmes opérations de financement en devises de leurs clients investissant à l’étranger en raison de l’évolution de la réglementation des changes.

Les TPE et PME attendent de voir

A l’issue d’une vaste campagne de concertations, la confédération des TPE-PME a présenté ses propositions au chef du gouvernement. Selon Abdellah El Fergui, président de la confédération, «Les problématiques récurrentes chez les TPE concernent le financement et la fiscalité et non le retard de paiement», déclare-t-il au journal Lavieeco.

Financement, législation, environnement des TPE et fiscalité sont les quatre grands volets de leurs revendications. Selon le président de la confédération des TPE-PME, le financement et la fiscalité sont plus préoccupants que les délais de paiement. Toutefois, la confédération reste sur ses gardes ou, mieux, passe résolument à l’offensive pour ne pas être laissée-pour-compte dans cette phase de préparation du projet de Loi 2019.

En tout cas, certaines requêtes ne sont pas nouvelles. Preuve que la confédération ne ménage pas ses efforts pour que le ministère de l’économie et des finances et le législateur prêtent une oreille attentive à ses plaintes. Il est clair que les TPE/PME qui constituent près de 90% du tissu économique ne sont pas à la fête.

En ce qui concerne les recommandations relatives aux textes de loi (session de créances et CA), un économiste interrogé par la même source réfute tout manquement au niveau du corpus de loi en vigueur. «C’est plutôt la pratique de la loi qui fait défaut et non les lois. Je pense que ces propositions doivent plutôt s’orienter vers l’encadrement et la formation des TPE-PME. C’est de cela dont elles ont besoin», explique-t-il.

Pour rappel, les propositions qui concernent le plafond de crédit et l’amnistie fiscale ne sont pas nouvelles. Elles faisaient partie de la liste présentée l’année dernière par la confédération. Récemment, une déclaration du ministre des finances relative au crédit est venue appuyer cette revendication des TPE-PME, sans pour autant préciser un plafond.

Que propose de la confédération des TPE-PME ?

Financement

1- Augmenter le plafond des micro-crédits de 50 000 à 200 000 DH en étoffant l’offre de crédit par des taux attractifs et en augmentant la durée.

2- Création d’un fonds public pour le rachat de créances professionnelles des TPE.

 Textes de loi

3- Modifier l’article 536 du code de commerce concernant la cession de créances professionnelles inférieures à 3 millions de dirhams.

4- Modifier l’article 529 pour permettre la cession de créance aux associations de micro finances et aux institutions publiques en plus des établissements de crédit.

5- Arrêter la procédure fiscale relative à l’article 221 qui stipule que les TPE doivent revoir leur CA en entente avec l’administration fiscale, faute de quoi la révision fiscale devient obligatoire III. Amélioration de l’environnement des TPE

6- Mettre en place un code de travail adapté aux TPE.

7- Accompagner l’application de la loi des 20% de PME dans les marchés publics.

8- (Commandes publiques) Revoir les cahiers de prescription spéciale.

9- Développer des espaces régionaux dédiés aux pépinières et espaces de co-working pour les TPE. IV. Fiscalité

10- Demande d’une amnistie fiscale et de CNSS pour les TPE-PME en difficulté avec suppression de toutes les pénalités.

11- Exonérer les TPE de la cotisation minimale de l’IS (3000 DH/an).

12- Augmenter la durée de l’exonération de la cotisation minimale de 36 mois à 60mois.

Promotion du partenariat public-privé autre axe du PLF 2019

Pour le projet de loi de finances 2019, l'investissement des établissements publics baisserait à 100 milliards de DH contre 107,57 milliards cette année. La priorité serait accordée aux partenariats public-privé, dont le texte sera amendé rapidement.

Retour des privatisations en 2019

Les opérations de privatisation pourraient reprendre l'année prochaine. Une liste en cours de préparation serait présentée au Parlement.

Les privatisations reviennent et ce n’est pas nouveau sous le ciel marocain. Pour rappel, c’est lors du Discours Royal du 8 avril 1988 qu’ont été clairement définis le programme de privatisation. A cette époque, les programmes de privations de 1988 ont été déclinés comme convergeant principalement vers la modernisation de l'économie marocaine, par une plus grande ouverture sur l'économie mondiale et une participation plus large du pays aux échanges internationaux, l'allégement des charges budgétaires en matière de soutien aux entreprises publiques, l'amélioration des performances industrielles et financières des entreprises, la consolidation du processus de régionalisation, l’élargissement de l’actionnariat à de nouvelles catégories sociales, la multiplication des investissements créateurs d'emplois et de qualifications nouvelles et la stimulation de nouvelles générations d’entrepreneurs.

Et entre 1993 et 2006, les opérations de privatisation ont engendré une recette globale d’environ 94 Milliards de DH. D’où l’idée de les relancer pour 2019.

De manière générale, la privatisation a eu des effets positifs appréciables sur l’ensemble des entreprises cédées. Les acquisitions faites par des partenaires industriels de renom, marocains et étrangers, ont permis aux entreprises privatisées de s’insérer dans des stratégies de développement de groupe, d’accéder à de nouveaux marchés grâce aux réseaux internationaux de partenaires stratégiques et d’améliorer leur savoir-faire et leur productivité, renforçant ainsi leurs positions concurrentielles.

Suite à la privatisation, les services de conseil aux entreprises ont connu un essor remarquable. La loi n° 39-89 et ses décrets d’application, en imposant la réalisation d’audit et d’évaluation des entreprises pour chaque opération, et en encourageant les placements en Bourse a entraîné le développement de nombreux cabinets spécialisés et banques d’affaires marocains, qui se sont souvent associés avec des homologues étrangers pour les prestations d’audit et de conseil financier. Cette situation a permis de favoriser le renforcement de l’expertise locale dans les domaines de l’audit, de l’évaluation, et du placement de titres.

L’autre impacte positif de cette privatisation, c’est l’image du Maroc au plan international qui a été sensiblement améliorée. Les appels d’offres internationaux et les grandes opérations qui les ont suivis, telles que celles portant sur 35% de Maroc Télécom ou 80% de la Régie des Tabacs, ont attiré l’attention des milieux d’affaire internationaux et ont contribué sensiblement à renforcer l’image de l’économie marocaine à l’étranger. La communauté financière internationale a, en effet, apprécié les modalités de réalisation de ces opérations, considérant que celles-ci ont été menées avec un haut niveau de professionnalisme et de transparence. Ainsi, la révision positive, en 2005, de la notation du Maroc par les deux agences de rating Standard & Poor’s et Moody’s témoigne des efforts et progrès réalisés au cours des quinze dernières années et qui se sont traduit par une amélioration sensible de la situation économique du pays ainsi que par la mise en place d’un climat d’investissement favorable, encouragé dans une grande mesure, par le succès des opérations de privatisation réalisées.

Mouhamet Ndiongue

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