Le Maroc se retire de la TICAD, le Japon dénonce le Polisario… mini crise entre Rabat et Tokyo
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- 06 octobre 2018 --
- Maroc
La TICAD, ou Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique (Tokyo International Conference on African Development), c’est Japon et Afrique, laquelle Afrique est représentée par la Commission de l’Union africaine. C’est ce format qui a permis à une délégation du Polisario de s’infiltrer dans la salle… s’infiltrer car, comme chacun sait, le Polisario n’est pas un Etat et ce qui en tient lieu n’est pas reconnu par les instances internationales, et par le Japon.
Prolégomènes. Août 2017, la TICAD se tient à Maputo, au Mozambique. La délégation marocaine arrive sur les lieux de la conférence et se trouve empêchée d’accéder à la salle. Les gens du Polisario, eux, ont été admis grâce aux louables efforts de leurs alliés mozambicains. Il aura fallu que notre ministre des affaires étrangères Nasser Bourita montre des talents insoupçonnés de bagarreur pour que les choses rentrent dans l’ordre, ou presque, le Japon et d’autres pays ayant protesté contre l’intrusion du Polisario.
Les faits. Octobre 2018, la même chose se produit au Japon, où les mêmes gens du même Polisario s’invitent au Japon, y entrent avec des passeports algériens (puisque Tokyo ne reconnaît pas la RASD), arrivent dans la salle, s’y installent grâce à des badges complaisamment offerts par la Commission de l’Union africaine, et soufflent d’aise. Et bien évidemment, les Marocains ne s’en laissent pas compter, et protestent avec la dernière énergie. La délégation du Maroc est dirigée par Mouhsine Jazouli, ministre délégué de Bourita, qui goûte lui aussi aux témérités « algésariennes ».
Les Marocains dénoncent, et le Japon réagit par la voix de son ministre des Affaires étrangères (photo) : « En conclusion de mon discours, je voudrais annoncer que même si un groupe qui se revendique comme un État que le Japon ne reconnaît pas siège dans cette salle, cela ne signifie pas que le Japon le reconnaît de quelque manière que ce soit, implicite ou explicite. Et je tiens à préciser qu'il n'est pas permis d'inscrire un nom autre que celui de l'Union Africaine et du Japon, coorganisateurs de cette conférence, et il n'est également pas permis de mettre un drapeau autre que ceux de l'UA et du Japon, dans la salle plénière, y compris sur le bureau. Je vous remercie ». Tout cela a été dit alors que la délégation du Polisario était là...
Aussi, « la délégation marocaine, ayant constaté la présence du Polisario lors de la réunion ministérielle, a marqué sa désolation face à cette situation et a décidé...
en conséquence de se retirer de la salle en signe de protestation », selon une source présente sur place.
Crise entre le Japon et le Maroc ? Rabat a cependant publié une mise au point, à l’adresse de Tokyo, pour dire les choses clairement. Cette mise au point est articulée en 6 points :
« 1- Toutes les actions menées par le Japon n’ont pas pu préserver le format consacré de la TICAD, ni être en phase avec la légalité internationale pour être en cohérence et faire respecter la position nationale du Japon concernant la question du Sahara Marocain ;
2. Les autorités japonaises n’ont pas tenu compte de tous les engagements pris à l’égard du Maroc notamment à l’occasion de la rencontre entre les deux Ministres des Affaires Etrangères à New-York en marge de la 73ieme session de l’Assemblée Générale des Nations Unies ;
3. La délégation marocaine ne saurait tolérer l’hésitation dont a fait preuve le Japon qui constitue un précédent avec les autres processus de partenariat menés par des pays partenaires soucieux de préserver la légalité internationale et leurs relations bilatérales avec le Maroc :
4. La délégation marocaine qui n’a pas souhaité reproduire la situation regrettable qui a prévalue à Maputo, en agissant calmement afin de privilégier l’unité et les intérêts de l’Afrique, ne peut accepter une violation des fondamentaux historiques et des acquis de la TICAD depuis sa création en 1993 ;
5. Le Maroc s’attend à ce que le Japon rectifie les dérapages enregistrés afin de se conformer désormais à la légalité internationale dans l’intérêt des relations bilatérales ;
6. Conformèrent aux décisions prises à l’occasion du Sommet de l’Union Africaine qui s’est tenu à Nouakchott en juillet 2018, la question du Sahara Marocain ne doit être traitée que par la Troika instituée lors du Sommet de l’UA».
Réaction virile, donc, de royaume à empire, pour que les choses reviennent à leur endroit. Mais la question qui se pose et devra être explicitement posée est de savoir l’identité de ceux de la Commission de l’Union africaine qui ont permis cette incartade. La RASD est peut-être (encore) membre de l’UA certes, mais le format de la TICAD précise que seuls les Etats membres de l’UA et reconnus comme tels par Tokyo peuvent siéger. La RASD ne devait donc pas y être. Quelqu’un, avec les inévitables amis algériens, a décidé le contraire, au nom de l’Afrique, et a fait ce qu’il fallait, au détriment du sérieux de cette même Afrique.
Aziz Boucetta
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