Crise désormais (largement) ouverte entre le PJD et le RNI

Crise désormais (largement) ouverte entre le PJD et le RNI

Vendredi 21 septembre, on le sait, le ministre (et dirigeant) du RNI Rachid Talbi Alami a vertement attaqué le PJD, lors de l’université d’été de son parti, à Marrakech. Il s’est alors attiré, on le sait aussi, une réponse cinglante du secrétaire général-adjoint du PJD Slimane Elomrani sous forme d’un post sur les réseaux sociaux, mardi.  Mais ce mercredi, les choses se sont emballées, en deux temps.

1er temps. Le secrétariat général du PJD.

Les patrons du parti dirigeant le gouvernement, réunis sous la présidence du même Slimane Elomrani (M. Elotmani étant retenu New York pour d’autres affaires), ont « pris acte des propos malveillants d’un dirigeant du RNI, membre du gouvernement, (…) rejetant cette attaque flagrante et irresponsable, contraire aux principes de la loi organique sur le fonctionnement du gouvernement et à la charte de la majorité ». L’attaque est rude, car placée sous le regard de la loi. Le secrétariat général du PJD se dit « étonné de voir M. Talbi Alami se maintenir dans un gouvernement dirigé par un parti dont il a dit qu’il était porteur d’un projet importé de l’extérieur, visant à la destruction du pays »…

Il s’agit donc d’une attaque directe et attendue, et d’un appel clair et explicite à la démission du ministre de la Jeunesse et des Sports, ou à sa révocation.

2ème temps. La déclaration d’Aziz Akhannouch

Alors que les gens du PJD ont réagi et que leur chef est aux Etats-Unis, le RNI a riposté le soir même de ce même mercredi, à travers une déclaration directe de son président, dans laquelle il dit ceci : « Nous sommes sidérés par cette profusion de réactions surdimensionnées et inintelligibles qui ont pris pour cible un membre du bureau politique qui s’adressait à la jeunesse du parti dans le cadre des réunions du RNI et qui était, de fait, dans son rôle et dans son droit de s’exprimer quant aux choix économiques que notre pays pourrait ou devrait suivre ou éviter.

Plus que cela, nous considérons comme inconcevable l’acte du bureau politique du PJD, parti à la tête de la coalition gouvernementale, qui est allé jusqu’à se fendre d’un communiqué de presse pour attaquer publiquement un membre du Bureau Politique du RNI.

Nous sommes scandalisés parce que, au moment où nous considérons que le pays doit faire face à ses défis, que nous sommes tous appelés à répondre aux Appels Royaux portés par deux discours fondateurs qui nous ont tous mis devant nos responsabilités ;

Voilà où certaines personnes veulent situer le débat !

Le RNI est décidé à se concentrer sur ses priorités malgré toutes les tentatives de diversion. Et s’il fallait qu’il accorde de l’importance à ce genre de débat, il serait toujours en train d’attendre les explications du PJD sur les injures et les calomnies directes adressées par un membre de son bureau politique contre le RNI et ses membres.

Nous avons souvent fait l’impasse sur des attaques non négligeables, non pas parce que nous les trouvons mineures mais pour sauvegarder un climat de travail qui permet au Maroc d’entamer ses vrais chantiers de développement au mépris de nos droits de réponse.

Mais à partir d’aujourd’hui il n’est plus possible que le RNI se laisse prendre pour cible car les concitoyens ne comprendraient plus que nous encaissions autant de calomnies sans réagir et parce que les auteurs de ces attaques les portent avec tellement d’énergie et ne lésinent sur aucun moyen de propagande que cela en devient une obstruction à toute tentative de travail sérieux ».

 

3ème temps. Cela va dans tous...

les sens !

Les deux responsables du RNI que sont Mohamed Aujjar, ministre de la Justice, et Yasmine Lamghaouar, vice-présidente de la Jeunesse et véritable pasionaria du parti, sont également montés au créneau pour attaquer. Le premier a fait allusion au temps où il officiait en tant que ministre des droits de l’Homme, au début du siècle, quand il avait eu à défendre le droit du PJD à exister alors même qu’il ne partageait pas ses idées ; il a donc œuvré pour le maintien du parti alors dirigé par le Dr Abdelkrim Khatib, avec comme adjoint un certain… Saadeddine Elotmani. Quant à Yasmine Lamghaouar, très active sur les réseaux et au sein du parti, elle a repris les termes de son patron Aziz Akhannouch, en ajoutant l’expression « terrorisme politique » pour désigner la réaction du PJD à la saillie de M. Talbi Alami.

Notre confrère Mowatine a alors recueilli une déclaration d’Abdelaziz Aftati, membre de la direction du PJD : « Nous n’avons rien contre le RNI, que nous n’attaquons pas. Nous connaissons bien ce parti, mais du temps de M. Osman. Aujourd’hui, nous nous en prenons au grand capital, corrompu, aux milliards engrangés… Nous ne sommes pas nés un pipeline dans la bouche (sic !). le débat est là, et il se poursuivra ». Remplacez le terme « débat » par « lutte », et vous aurez l’air du temps politique actuel.

M. Aftati, qui précise que « le PJD n'est pas un parti de chèques », poursuit sa sortie par des interrogations : « Où est le capital au Maroc ? Qui a créé les déséquilibres sociaux ? Qui a refusé de ne pas renouveler le Conseil de la concurrence en 2014 ?». Pour cette dernière question, M. Aftati semble oublier qu’en ce temps-là, c’était son mentor Abdelilah Benkirane qui dirigeait le gouvernement…

Un ministre du PJD, qui a demandé l’anonymat, a déclaré au PJD que « Rachid doit partir, il a été trop loin, son avenir politique est derrière lui. Chez nous, quand Daoudi a fait ce qu’il a fait, il a démissionné le lendemain… Je ne pense pas que les gens du RNI aient vraiment pris la juste mesure de ce qui s’est passé, surtout que Talbi Alami a empiété sur le domaine réservé de Sa Majesté en s’en prenant à Erdogan, qui nous a toujours soutenu dans notre affaire nationale qu’est le Sahara ». On le voit, tous les moyens sont bons pour remporter le bras de fer…

 

Nous en sommes là.  Le PJD tient une réunion de son secrétariat général et parmi d’autres points discutés, il répond à l’attaque de M. Talbi Alami, demandant son départ. Or, ce dernier est dirigeant éminent du RNI, lequel menace en termes à peine voilés de quitter la coalition. Aziz Akhannouch, en disant que « cela en devient une obstruction à toute tentative de travail sérieux », lui dont le slogan est le sérieux, ne pose même pas de conditions, sur quoi que ce soit. Il constate « l’obstruction au travail sérieux ». Cela n’est même plus un ultimatum, c’est un fait. Qui nécessite réponse de la part du RNI.

Puis, les seconds couteaux, les porte-flingue, s'en sont donnés à coeur joie, dans chacun des deux partis, montrant qu'aucun des deux n'est prêt à céder.

Il faudra donc attendre de voir comment réagira le PJD, peut-être au retour du très conciliant chef du parti, du gouvernement et de la coalition. Mais il restera également à savoir quelles sont les véritables intentions du RNI, et les limites de la conciliation de M. Elotmani. Et ses limites psychologiques pour faire des concessions...

Aziz Boucetta

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