La chute de la livre : Erdogan théorise un « complot politique » et promet de faire face

La chute de la livre : Erdogan théorise un « complot politique » et promet de faire face

Le président Recep Tayyip Erdogan a estimé dimanche que la chute de la livre turque résultait d'un "complot politique" contre son pays, qui ripostera en cherchant de nouveaux marchés et alliés, alors que ses relations avec les Etats-Unis sont en crise.

« Le but de l'opération est d'obtenir la reddition de la Turquie dans tous les domaines, de la finance à la politique. Nous affrontons de nouveau un complot politique en sous-main. Avec l'aide de Dieu, nous surmonterons cela », a-t-il déclaré devant des partisans réunis à Trébizonde, sur la Mer noire (nord-est).

Si Washington est prêt à sacrifier ses relations avec Ankara, la Turquie réagira « en passant à de nouveaux marchés, de nouveaux partenariats et de nouveaux alliés, aux dépens de celui qui a lancé une guerre économique contre le monde entier, y compris notre pays », a-t-il menacé.

« Nous ne pouvons que dire adieu à quiconque décide de sacrifier son partenariat stratégique et une alliance d'un demi-siècle avec un pays de 81 millions d'habitants pour sauvegarder ses relations avec des groupes terroristes », a-t-il tonné.

La Turquie et les Etats-Unis sont partenaires dans le cadre de l'Otan et les Etats-Unis disposent d'une importante base à Incirlik, dans le sud du pays, actuellement utilisée comme centre des opérations contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI).

La Turquie ne cesse de reprocher aux Etats-Unis le soutien apporté en Syrie aux Unités de protection du peuple kurde (YPG). Ankara voit dans cette milice une émanation du PKK, classé "terroriste" par la Turquie mais aussi les Etats-Unis.

Déclarations chocs, sanctions, menaces de représailles, puis doublement des tarifs douaniers américains sur l'acier et l'aluminium turc : le ping-pong Ankara-Washington est allé crescendo ces derniers jours, emportant avec lui la livre turque qui a dévissé vendredi de 16% face au billet vert.

Au coeur de cette bataille : le sort du pasteur américain Andrew Brunson, actuellement jugé en Turquie pour terrorisme et espionnage, placé fin juillet en résidence surveillée après un an et demi de détention.

Les Etats-Unis demandent sa libération immédiate, alors que la Turquie plaide pour l'extradition de Fethullah Gülen, prédicateur turc établi depuis près de 20 ans sur le sol américain et soupçonné par Ankara d'être l'architecte du putsch manqué de juillet 2016.

« Vous osez sacrifier la Turquie et ses 81 millions d'habitants pour un prêtre lié à des groupes terroristes? » s'est indigné M. Erdogan.

La livre turque s'est effondrée après la décision du président Trump, annoncée dans un tweet, de doubler les tarifs douaniers sur l'acier et l'aluminium turcs.

banque centrale prendra « toutes les mesures nécessaires »

La banque centrale de Turquie a annoncé...

lundi qu'elle prendrait "toutes les mesures nécessaires" pour assurer la stabilité financière, alors que la livre turque s'écroule depuis plusieurs jours.

Elle a notamment affirmé qu'elle fournirait « toutes les liquidités nécessaires aux banques ». La livre turque bat des records à la baisse ces derniers jours, sur fond de tensions avec Washington.

Ces annonces ont en partie permis d'enrayer les pertes enregistrées par la livre sur les marchés asiatiques: la devise turque s'échangeait à 6,65 contre un dollar peu après 06H00 GMT, après avoir atteint un plus bas historique à 7,2362 livres contre un dollar dimanche à 19H51 GMT.

Elle avait perdu jusqu'à 16% de sa valeur face au dollar vendredi.

Le gendre du président, Berat Albayrak, à la tête du ministère des Finances, avait annoncé dimanche soir dans une interview au quotidien progouvernemental Hürriyet que les « mesures nécessaires » seraient prises lundi pour soulager les marchés.

« La banque centrale surveillera de près la profondeur des marchés et les formations de prix, et prendra toutes les mesures nécessaires pour assurer la stabilité financière, si cela est jugé nécessaire », a ainsi déclaré la banque centrale dans un communiqué publié lundi matin.

La banque a également révisé les taux de réserves obligatoires pour les banques, également dans le but d'éviter tout problème de liquidité.

La devise turque s'est effondrée la semaine dernière sur fond de crise diplomatique avec Washington et de défiance accrue des marchés envers la gestion économique de M. Erdogan.

Les tensions entre la Turquie et les Etats-Unis, qui ont pris des sanctions réciproques contre des responsables gouvernementaux, sont notamment liées au sort d'un pasteur américain, Andrew Brunson, détenu par Ankara.

Le bureau du procureur d'Istanbul a ouvert une enquête sur des individus soupçonnés d'être impliqués dans des actions qui menacent la sécurité économique de la Turquie, a annoncé aujourd'hui la chaîne de télévision privée CNN Turk.

La Turquie a été la cible d'une attaque économique, a déclaré le bureau du procureur, s'engageant à intenter une action en justice contre toutes les nouvelles écrites et visuelles ainsi que les comptes de médias sociaux jugés utiles à cette attaque.

Le ministère de l'Intérieur a déclaré que 346 comptes de médias sociaux ayant publié des commentaires sur l'affaiblissement de la lire "de manière provocante" ont été identifiés depuis le 7 août et des poursuites judiciaires ont été engagées.

La livre turque se négociait à la baisse aujourd'hui même après que la banque centrale du pays eut annoncé des mesures visant à renforcer le système financier alors que la crise s'intensifiait.

La livre a chuté d'un cinquième par rapport au dollar la semaine dernière seulement.

MN

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