La régionalisation avancée sera-t-elle (encore ) la grande oubliée de la Loi de finances 2019 ?   

La régionalisation avancée sera-t-elle (encore ) la grande oubliée de la Loi de finances 2019 ?  

 Le Roi Mohammed VI avait exprimé sa détermination à intensifier les réformes liées au gouvernement local et à la mise en œuvre du projet phare de régionalisation avancée.

Cette entreprise historique est « une réussite institutionnelle clé. Cela illustre mon engagement inébranlable (...) à voir un pas de géant dans la réforme et la modernisation de nos institutions » a déclaré le roi dans un message adressé au 2ème forum parlementaire des régions.

« Il est gratifiant de constater, aujourd'hui, que le cadre juridique de la mise en œuvre de la régionalisation avancée est pratiquement achevé et que les élus locaux travaillent déjà d'arrache-pied pour concrétiser le processus de régionalisation avancée », a ajouté le Monarque dont le message avait été lu par le conseiller royal Abdellatif Mennouni.

En ce qui concerne les services du gouvernement central et les administrations publiques, le Roi a indiqué qu'ils sont censés rétablir des relations basées sur la coopération, le dialogue, la consultation, la convergence et le partenariat avec les gouvernements locaux. Cette dynamique assurera la complémentarité, la cohérence des actions et les synergies nécessaires à la mise en œuvre effective de la régionalisation avancée.

Le roi Mohammed VI avait également souligné l'importance des programmes de développement régional dans le modèle de développement en cours de finalisation, affirmant que les gouvernements locaux - en particulier les régions - doivent pleinement assumer le rôle prééminent que leur confère la Constitution.

Les régions devraient apporter leurs propres contributions afin de remédier aux insuffisances du modèle actuel, réduire les disparités et inégalités régionales et avancer résolument sur la voie de la justice sociale, avait-il souligné.

Chaque région devrait être en mesure de développer sa propre vision, à condition que cette dernière soit conforme au modèle de développement national, a-t-il ajouté, exhortant les élus locaux à s'impliquer profondément dans les questions relatives aux jeunes Marocains désireux de participer à la vie communautaire.

«Les problèmes auxquels les jeunes Marocains sont confrontés aujourd'hui ne peuvent être résolus qu'au niveau local - dans leur quartier, leur commune ou leur ville», avait déclaré le Souverain marocain, notant que les solutions doivent être adaptées localement aux problèmes rencontrés par les jeunes.

Nizar Baraka, président du Conseil économique, social et environnemental et président du groupe de travail économique du dialogue stratégique américano-marocain, avait quant à lui donné un aperçu de la discussion du Centre pour le Moyen-Orient le 3 février 2016.

Il avait souligné l'importance de la constitution de juillet 2011, qui place les citoyens marocains au «  cœur de tout ce que nous faisons». La nouvelle constitution renforce les conseils représentatifs régionaux, donne plus de pouvoir au parlement et renforce la voix de la société civile.

Baraka avait aussi souligné que des représentants de la société civile du secteur privé, des syndicats, des ONG et d'autres groupes éclairent ce processus. Il déclarait que le processus de régionalisation visait à relever trois défis:

Rapprocher les citoyens de la prise de décision: la régionalisation favorisera la participation locale à la gouvernance, a déclaré M. Baraka. Lorsque les réformes démocratiques ont été entreprises dans les années 1990, a-t-il expliqué, l'État manquait de crédibilité. Les gens ne savaient pas qui prenait les décisions. Maintenant, il croit que les gens eux-mêmes sont au cœur du processus.

Réduire les disparités entre les régions: L'activité économique, les possibilités d'emploi et la prestation de services varient considérablement d'une région à l'autre. Comme Baraka l'a souligné, quatre des 12 provinces du Maroc représentent environ 50% du PIB et environ 50% des médecins du Maroc travaillent dans deux des 12 provinces.

Créer des politiques publiques qui répondent aux besoins des citoyens: Actuellement, les ministères sont cloisonnés, ce qui nuit à leur efficacité. Une régionalisation plus poussée peut améliorer la cohérence et l'efficacité des services gouvernementaux.

Est-elle une affaire de démocratie ?

Aujourd’hui beaucoup sont sceptiques quant à savoir si le développement entraînera la démocratisation ; et certains doutent de la sincérité du dévouement du Maroc à la démocratisation en premier lieu. Baraka avait aussi déclaré que ceux qui ne croient pas que le Maroc est vraiment engagé dans la démocratisation ne regardent tout simplement pas assez fort, ajoutant que les améliorations sont dans les détails. Par exemple, maintenant toutes les lois vont directement du conseil des gouvernements au parlement, plutôt que de passer par le roi avant d'arriver au parlement.

De l'avis de Baraka, la démocratie est d'abord importante pour le Maroc, car c'est...

le seul moyen d'impliquer réellement le peuple, et la régionalisation peut contribuer à rendre la démocratie plus présente dans la vie des gens. Après tout, les élections locales prévoient un taux de participation plus élevé que les élections législatives. Il a préconisé le développement de plus de partis politiques pour contrer la tendance du populisme. Dans son propre parti Istiqlal, il a même admis que l'accent est mis sur le leadership sur le populisme ne correspond pas tout à fait à la vision que le peuple avait du parti.

Régionalisation dans le PLF 2018

Dans la lettre de cadrage de 2018 adressée par le chef du gouvernement aux départements ministériels concernés, dans le cadre de la préparation du projet de Loi de finances 2018, la régionalisation était partie pour faire bonne figure dans le PLF de la même année, d’ailleurs il était même dit que « La régionalisation, l’appui aux secteurs sociaux et l’application stricte du principe de corrélation entre responsabilité et reddition des comptes seront au cœur de l’action gouvernementale à court terme »

Ladite lettre avait même dit que « l’année prochaine devrait connaître l’adoption de la charte de décentralisation administrative et la mise en place d’un plan de transfert des compétences au profit des régions basé sur le principe de la progressivité dans son application et la capacité des régions à mener à bien leurs compétences. ». En outre, il est ajouté dans le même diocument que « face aux revendications sociales des citoyens, il était essentiel d’accorder la priorité, dans le cadre du PLF 2018, à la réforme de l’enseignement, la promotion du secteur de la santé et de l’emploi, la garantie d’un logement décent et la réduction des disparités territoriales, particulièrement dans le milieu rural et les zones montagneuses et éloignées, estime le chef du gouvernement. ». La lettre de cadrage 2018 parlait entre autres, de l’accélération de la réalisation du plan national de promotion de l’emploi et la mise en place de ses différents mécanismes. Cela à travers, notamment, l’évaluation des différents programmes de promotion de l’emploi et le développement du rôle de l’agence nationale de promotion des PME dans le suivi et la création de ces entités.

Déjà en 2017

Les deux décrets, publiés au Bulletin officiel du 4 décembre 2017, annonçaient donc l’avènement d’une nouvelle ère dans la gestion des douze régions du Royaume. Le décret 2-17-598, relatif au Fonds de mise à niveau sociale, fixe ainsi les critères pour que les régions puissent bénéficier des ressources de ce fonds.

L’édition du 4 décembre du Bulletin officiel a été porteuse de bonnes nouvelles pour les régions en difficulté. En effet, les décrets fixant les critères d'éligibilité aux Fonds de mise à niveau sociale et de solidarité interrégionale ont été promulgués. Prévus par la Constitution de 2011 et par la loi organique relative aux régions, les deux fonds ont pour objectifs de résorber les déficits en matière de développement humain et de réduire les disparités entre les régions.

Le gouvernement avait donné son feu vert pour l’application des dispositions de l’article 231 de la loi organique 111.14 sur la région fixant les modalités de mise en place du Fonds de mise à niveau sociale. Le ministère de l’Intérieur aussi également publié le décret fixant les critères de distribution des recettes du Fonds de solidarité interrégionale prévu également par la Constitution de 2011. Lequel décret stipulait dans la Loi fondamentale qu'«Il est créé, pour une période déterminée, au profit des régions, un Fonds de mise à niveau sociale destiné à la résorption des déficits en matière de développement humain, d’infrastructures et d’équipements. Il est créé, en outre, un Fonds de solidarité interrégionale visant une répartition équitable des ressources, en vue de réduire les disparités entre les régions».

Et maintenant

Compte tenu de l’intention affichée par le gouvernement, compte tenu de l’attente des populations qui se voient de plus en plus délaissées par les politiques au point de créer de nouvelles méthodes de revendication (boycott, Jerada, Al Hoceima) il devient nécessaire voire urgent pour le gouvernement de se pencher enfin sur la régionalisation qui viendra non seulement décharger le gouvernement de ses lourdes charges afin que la accélérer la cadence, mais aussi donner un une autonomie très importante aux région, car in fine la gouvernance locale est la seule alternative pour gérer le quotidien de populations.

 

Mouhamet Ndiongue

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