Changement à la tête de la CEDEAO, où en est le dossier marocain ?

Changement à la tête de la CEDEAO, où en est le dossier marocain ?

Le changement à la tête de la présidence de la Commission de la CEDEAO a donné un coup d’accélérateur aux dossiers des candidats pour leur adhésion à la communauté ouest-africaine. Selon un communiqué de l’organisation, le ministre tunisien des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui, a rendu une visite de courtoisie au nouveau président de la Commission de le CEDEAO, l’Ivoirien Jean-Claude Kassi Brou, pendant que le Maroc déjà en avance avec son dossier en étude d’impact, mène une opération de séduction via la CGEM.

Jean- Claude Brou nouvellement installé à Abuja (Nigéria), dans ses nouveaux habits de président de Commission de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a remplacé le Béninois Marcel Alain Da Saouza.

Pour un mandat de 4 ans, le nouveau président hérite des problématiques sensibles,  en l’occurrence la sortie du francs CFA à l’horizon 2020 et la création d’une nouvelle monnaie unique, en plus des autres dossiers : ceux du Maroc pour son adhésion et aussi celui de la Tunisie qui envisage d’intensifier sa coopération économique et commerciale. Mais par-dessus tout, le renforcement de la sécurité et la lutte contre le terrorisme dans le Sahel est la question le plus urgente à traiter par le nouveau président. Une mission ardue, donc…

Jean- Claude Brou (ci-contre) est docteur en économie et également titulaire d’un MBA en finances obtenu à l’université de Cincinnati, USA. Il bénéficie de l’estime du président Alassane Ouattara, l’un des artisans du retour du Maroc à l’Union Africaine (UA) et un fervent soutien de l’adhésion du royaume à la CEDEAO.

Lors de sa prise de fonction le premier 1 mars 2018, Jean- Claude Brou entend booster la dynamique de cette institution et se montre résolu à engager des réformes structurelles et institutionnelles.

Mais bien avant cela, la Tunisie met déjà la pression. Et en marge de la visite de courtoisie du ministre tunisien des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui, le communiqué de la CEDEAO a laissé entrevoir une sorte de relance de son dossier « La Tunisie envisage d’intensifier sa coopération économique et commerciale avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), avec un accent particulier sur la promotion des échanges et des investissements », rapporte le document. 

Cette visite s’inscrit dans le cadre du renforcement de la coopération entre la CEDEAO et la Tunisie, liés par un mémorandum d’entente qui consacre la mise en place d’un cadre de coopération et d’une plateforme de dialogue entre les deux parties, et vise la promotion des échanges dans les domaines économique, commercial, agricole, scientifique, technique et éducatif, ainsi que dans tout autre domaine d’intérêt commun à définir par la CEDEAO et Tunis.

C’est dire que la Tunisie, à l’image du Maroc, presse le pas en direction de la CEDEAO. Une autre lecture montre que la Tunisie, qui se sent très isolée,...

veut faire  aboutir son intégration prochaine à la CEDEAO pour s’ouvrir sur le marché de l’Afrique subsaharienne. Ainsi, il n’est pas exclu que, dans les prochaines années, cet Etat passe du statut d’observateur à celui de membre à part entière, puisqu’à l’heure des méga-zones de libre-échange, le déclin programmé de l’Union du Maghreb arabe (UMA) dicte d’intégrer ce marché porteur.

« La flamme de l'UMA s'est éteinte, parce que la foi dans un intérêt commun a disparu », avait déclaré le roi Mohammed VI, avant de déposer une demande pour admission à l’organisation sous-régionale. En clair, après 30 ans d’existence, ce groupement de 5 pays (Maroc, Libye, Tunisie, Mauritanie, Algérie) n’a pu atteindre un volume d’échanges commerciaux « intra-muros » à hauteur de 5 %, selon un rapport d’une commission du Sénat français.

Certes, l’adhésion programmée du Maroc comporte des aspects positifs, puisque les prévisions indiquent qu’avec l’entrée du royaume, cet espace aura un PIB avoisinant les 745 milliards de dollars et se classera devant la Turquie, mais des spécialistes émettent des craintes quant au déséquilibre du rapport des forces.

D’après l’économiste sénégalais Ibrahima Séne, le Maroc occupait déjà en 2016 la première place dans le système bancaire de l'UEMOA, avec 28,8% de parts de marché, suivi par les banques des pays de l'UEMOA avec 26,7%, et  loin derrière par les banques européennes avec 14,3% de parts. Le royaume, à travers ses entreprises et ses banques, pourra donc ainsi jouer un rôle prépondérant au sein de la communauté.

Afin de renforcer cette dynamique et montrer tout son engagement pour la consolidation des relations économiques entre les deux parties, la CGEM, le syndicat patronal marocain, prévoit une série de rencontres avec ses homologues des principaux pays d’Afrique de l’Ouest. Objectif : défendre le dossier d’adhésion marocaine au groupement régional de la CEDEAO.

Et en perspective d’une deuxième étude d’impact qui sera lancée pour ce mois de mars, le patronat marocain s’apprête à lancer une vaste opération de charme destinée aux principales économies des pays de cette communauté économique.

Joint au téléphone par Panorapost, la Commission Afrique et Sud-Sud de la CGEM dit être actuellement en missions économiques dans quatre des plus grands pays de la CEDEAO, à savoir le Nigeria, la Sénégal, le Ghana et la Côte d’Ivoire.

En attendant les résultats de cette étude d’impact, le Maroc peut compter sur J.C. Brou pour l’accélération de son dossier car ce dernier connaît bien le Maroc et l’importance de ses échanges avec la communauté ouest-africaine, essentiellement les projets réalisés ou en cours de réalisation en terres ivoiriennes, et leurs impacts sur l’économie et sur les populations locales de son pays, à l’instar de projets structurants devant conforter la marche de la Côte d’Ivoire vers l’émergence à l’horizon 2020. Le nouveau président aspire donc à corriger les incompréhensions liées à l’adhésion du royaume, prenant le contrepied de son prédécesseur qui avait marqué assez nettement sa réticence pour ce projet.

Mouhamet Ndiongue

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