Comment il faut lire l’arrêt de la Cour de justice européenne sur l’Accord de pêche Maroc-UE

Comment il faut lire l’arrêt de la Cour de justice européenne sur l’Accord de pêche Maroc-UE

Suite à l’arrêt rendu ce jour par la Cour de justice de l’Union européenne, le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita se trouvait à Bruxelles et a rencontré son homologue européenne Federica Mogherini. Un communiqué conjoint a suivi cet entretien, dans lequel il est dit en préambule que « l'Union Européenne (UE) et le Maroc ont exprimé, mardi 27 février 2018, leur détermination à poursuivre leur partenariat stratégique, à le préserver et à le renforcer. Les deux parties restent également déterminées à préserver leur coopération dans le domaine halieutique ». Explications.

Voici le texte intégral du communiqué : « Les deux parties confirment leur attachement au partenariat stratégique entre le Maroc et l’Union européenne et leur détermination à le préserver et à le renforcer.

A cet égard, l'UE et le Maroc sont convenus de poursuivre le renforcement de leur dialogue politique et de préserver la stabilité de leurs relations commerciales.

Les deux parties constatent que l'esprit de concertation étroite et sincère qui a présidé au processus de l’adaptation de l’Accord agricole a créé un capital de confiance précieux pour l'approfondissement du partenariat, tout en restant déterminées à préserver leur coopération dans le domaine halieutique.

A cet égard, elles expriment leur volonté de négocier les instruments nécessaires relatifs au partenariat halieutique.

Fortes de cet esprit et de cette confiance renouvelés, les deux parties confirment la richesse et la vitalité des relations entre l'Union Européenne et le Maroc et leur plein attachement au développement continu de ces dernières dans tous les domaines d'intérêt mutuel.

Parmi ces domaines, figurent en premier lieu des questions aussi stratégiques que la politique de migration, de sécurité, de stabilité et de développement régional ainsi que de la recherche scientifique, questions sur lesquelles les deux parties sont convenues d'intensifier ou d'élargir leurs nombreuses activités de coopération déjà en cours.

Les deux parties réaffirment leur soutien au processus des Nations Unies et appuient les efforts du Secrétaire Général afin de parvenir à une solution politique définitive de la question du Sahara Marocain ».

PanoraPost a contacté une source bien informée au ministère qui a apporté les éléments d’explication suivants :

1/ La décision de la Cour n’exclut ni ne conteste la légitimité politique et juridique pour le Maroc et l’UE de conclure des accords qui couvrent le Sahara ;

2/ L’Algérie et le Polisario avaient parié sur la reprise des conclusions de l’Avocat général qui disait que l’accord est invalide car d’une part le Maroc n’a aucun statut pour signer des accords internationaux couvrant le Sahara et que d’autre part le Polisario a un rôle de représentant des Sahraouis. La Cour a ignoré cela, et est restée sur la logique de l’Accord agricole.

La cour dit également que l’Accord est valide et qu’il courra jusqu’en juillet 2018, et que donc aucune rupture n’est à attendre. En évoquant le Sahara, la Cour a dit devoir examiner le champ d’application sur l’accord : la CJUE rappelle que ce


qui n’est pas clairement mentionné ne peut être automatiquement déduit et que donc, considérant que le territoire du Sahara est intégré dans les territoires autonomes, et que l’accord parle du territoire marocain, rien ne dit que l’accord comprend, ou non, le Sahara
. Donc puisque le Sahara n’est pas mentionné, l’accord ne le couvre pas, comme cela avait le cas pour l’accord agricole.

Le Maroc refuse bien évidemment cette approche de la Cour de justice car quand il négocie, il le fait de Tanger à Lagouira. Le Maroc fera donc un effort d’adaptation, en mentionnant le Sahara, sans distinction de territoire, car le Maroc et le Sahara sont un seul territoire. La mention dira que l’accord de pêche s’applique également aux eaux sahariennes.

3/ Le Maroc a adopté avec l’UE un communiqué conjoint, et cela signifie que le Maroc et l’UE sont d’un bord, l’Algérie et le Polisario de l’autre. L’Union européenne n’est et ne saurait donc être considérée comme un arbitre d’un litige opposant Rabat au Polisario. Cela veut dire que Rabat et Bruxelles sont en accord sur le recours à la CJUE et sur l’interprétation à donner à son arrêt.

Sur le contenu, Maroc et UE ont un partenariat global, avec plusieurs composantes (économique, sécuritaire, migrations…), dont l’halieutique. Le communiqué dit que les deux parties sont d’accord pour préserver la coopération en matière de pêche et à la renforcer, et à conclure les arrangements juridiques (et sémantiques) nécessaires.

Pour rappel, la Commission a eu le 19 février un mandat pour renégocier l’accord de pêche, un mandat voté à la quasi-unanimité, 27 pour et l’abstention de la Suède. Le Maroc est prêt à entamer cette discussion sur la base de trois constantes : pas de négociation en dehors de sa souveraineté, aucun régime juridique distinct ne saurait être admis entre le Maroc et son Sahara, le Maroc est attaché à ce partenariat car il entre dans un cadre multidimensionnel.

4/ Quand Algérie et Polisario avaient ouvert cette confrontation, ils espéraient une contestation juridique du Maroc à conclure des accords internationaux concernant le Sahara, et ils s’attendaient également que le Polisario gagne un statut juridique, mais le Front n’a pas eu cette faveur.

Or, selon l’arrêté, le Maroc a toujours sa capacité à négocier, et le Polisario n’a été reconnu dans aucune position officielle sur le Sahara, n’étant même pas mentionné.

Ce qu’il faut retenir de tout cela est que le Maroc tient à marcher côte à côte avec l’Union européenne, pour ne pas avoir à la placer dans un rôle d’arbitre entre deux bords, et que, s’il est prêt à trouver des adaptations sémantiques, il ne dissociera jamais le Sahara du reste du royaume. Et cela a été fait à travers le communiqué conjoint et aussi suite au mandat explicite accordé à la Commission pour renégocier un accord avant l’expiration de l’actuel, en juillet prochain

Aziz Boucetta

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