Infractions non payées… Nous n’irons plus en prison, mais…

Infractions non payées… Nous n’irons plus en prison, mais…

La polémique soulevée autour de l’arrestation, un peu intempestive, de citoyens n’ayant pas payé leurs infractions routières se calme un peu, après les dernières décisions prises par le gouvernement. Désormais, un citoyen qui a commis une infraction d’excès de vitesse et qui est contrôlé par la police ou la gendarmerie n’ira plus en prison, car il aura la possibilité de payer sur place. Mais plusieurs questions se posent encore…

Avant, en cas de contrôle d’un citoyen, à l’issue duquel il s’avère que ce dernier a des contraventions non payées, la maréchaussée le plaçait en état d’arrestation et le conduisait à la ville où le mandat d’amener a été délivré. Mais ça, c’était avant… Aujourd’hui, après le tollé soulevé dans les réseaux sociaux et dans les médias, les autorités publiques (ministère de la Justice, parquet général, police et gendarmerie) ont convenu d’une nouvelle démarche.

Hier. Un citoyen est flashé par un radar à Casablanca. Un PV d’infraction est dressé et lui est envoyé. Il l’ignore. Quelques temps après, il est contrôlé « positif » à Marrakech. Les agents de Marrakech l’arrêtent séance tenante, puis attendent que leurs collègues de Casablanca aillent à Marrakech pour ramener la personne en question (menottes aux poings, ou non, cela dépend de l’humeur des agents) jusqu’à Casablanca.

Cela coûte beaucoup à l’Etat. Les frais de convoiement, et la responsabilité d’ôter sa liberté à un citoyen somme toute honnête.

Aujourd’hui. Après plusieurs réunions et une très forte dose de bonne volonté, les autorités publiques ont décidé de ne plus arrêter les gens. Les agents conduiront la personne contrôlée « positive » au commissariat le plus proche, et une fois le montant dû à l’Etat fixé, la personne en question paie, et retrouve sa liberté. Et la même procédure sera appliquée aux points frontières, dans les hôtels…

C’est très bien, incontestablement, mais plusieurs remarques demeurent.

 1/ A l’hôtel, à la frontière ou en cas de contrôle inopiné, le citoyen est quand même arrêté, avant de payer. Il faudra alors plusieurs inconnues pour qu’il sorte : que le système informatique fonctionne bien, que l’humeur des agents soit « favorable », que le citoyen ait l’argent sur lui, que la possibilité de payer par carte ou par chèque soit vraiment offerte au contrevenant penaud, entre les mains de la police ou de la gendarmerie…

2/ Le ministère dit qu’il faut qu’il y ait jugement. Comment le vérifier ? Au commissariat, vous êtes là, privé de liberté, et on vous demande de régler une (des) infraction(s). Ou vous le faites, ou vous demandez un jugement. Dans le...

dernier cas, l’agent serait en droit de vous répondre qu’il ne l’a pas, que vous avez bien évidemment droit de l’exiger, et qu’en attendant de disposer de la copie du jugement, ou non, vous restez l’hôte du commissariat…

3/ L’Etat arrête les gens pour non-paiement d’infractions routières. Soit. Mais pourquoi ne les arrête-t-il que pour cela ? Volonté de faire respecter la loi, d’une manière alors très sélective, ou « besoin de faire du chiffre » ?

4/ Un citoyen lambda attend des règlements de l’Etat. Il est flashé, puis arrêté, mais il n’a pas d’argent, puisqu’il attend l’argent que doit lui verser un service public quelconque. L’Etat détient le pouvoir de la violence légitime, en l’occurrence retirer sa liberté à un citoyen, mais ce dernier n’aura alors droit qu’à la possibilité de la douleur, voire de la colère, légitime…

5/ Comment les agents de la circulation pourront-ils contrôler « le compte » d’un citoyen ? Disposeront-ils de terminaux dédiés ? Passeront-ils tout citoyen interpellé au contrôle et au « pointage » (vérification de son numéro de carte d’identité » ? L’Etat ne deviendrait-il pas simplement, policier ?

6/ Le Code de la route précise en son article 99 que si le dépassement de la vitesse autorisée n'excède pas 20 à 30 km/h, deux points sont retirés du permis. Mais en consultant son compte sur l'application "infractions", on constate que ce n'est pas le cas. Soit la plateforme ne fonctionne pas, soit la loi n'est pas appliquée. Oui ou non, les deux points sont-ils retirés en cas de "petit" dépassement de la vitesse autorisée ? Certaines mauvaises langues disent que non, car sinon, des milliers d'automobilistes n'auront plus de permis, ne conduiront plus, ne commettront plus de "petits" dépassements, et ne paieront plus de "petites" amendes de 300 DH... Selon cette version, l'Etat est aux petits soins pour ses "clients"...

Ça, c’est pour le négatif… Mais pour rester résolument positif, constatons que l’Etat se soucie du bien-être et des droits de ses citoyens, comme le prouve la prompte réaction du procureur général Mhamed Abdennabaoui, qui avait envoyé une circulaire à « ses » procureurs, leur enjoignant de respecter les procédures pénales, et comme le prouve également l’activisme du ministre de la Justice Mohamed Aujjar qui a mis au point la solution indiquée plus haut.

Le Maroc est un Etat de droit, nous dit-on… Cela se confirme sur le plan du principe, mais il reste très certainement des efforts à consentir pour affirmer cet Etat de droit dans tous ses détails pratiques et quotidiens.

Aziz Boucetta

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