Sahara : Horst Koehler commence son travail, et invite les parties à Berlin… le Maroc observe

Sahara : Horst Koehler commence son travail, et invite les parties à Berlin… le Maroc observe

Horst Koehler,  nouvel Envoyé personnel du secrétaire général l’ONU, nommé en août en remplacement de l’Américain Christopher Ross, avait effectué une tournée régionale en octobre 2017. Puis, après les gesticulations du Polisario à Guergarate et le communiqué de rappel à l’ordre du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, M. Koehler a repris son bâton de pèlerin, rencontrant plusieurs responsables en Afrique et en Europe, avant de prendre l’initiative de réunir les parties concernées à Berlin.  Pendant ce temps-là, et à trois mois du vote de la résolution sur le Sahara, Rabat observe et compte les points.

Horst Koehler s’est ainsi réuni tour à tour avec Federica Mogherini, cheffe de la diplomatie européenne, et Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, avant de s’envoler en Afrique, et plus précisément au Rwanda pour s’y entretenir avec le futur président de l’Union africaine et chef de l’Etat du Rwanda Paul Kagamé, et le président de la Commission africaine Moussa Faki.

Après ces rounds de discussion et de familiarisation avec le dossier, M. Koehler prend sa première initiative dans le sens du règlement. En effet, selon l’AFP, « l'émissaire personnel du Secrétaire Général prévoit en janvier et février d'organiser des discussions bilatérales avec les parties et les pays voisins. Il a envoyé des invitations au ministre des affaires étrangères marocain Nasser Bourita et au secrétaire général du Front Polisario Brahim Ghali, ainsi qu'aux ministres des affaires étrangères algérien et mauritanien », a indiqué son porte-parole dans un communiqué.

Et le Maroc, dans tout cela ? Il ne fait rien, il observe et attend de voir où vont les choses, et surtout comment elles vont. Contactée par Panorapost, une source très bien informée au sein de la diplomatie marocaine nous a expliqué la position du royaume, en plusieurs points.

1/ Le cadre de travail.

Le dossier du Sahara est entre les mains du Conseil de sécurité de l’ONU, et de lui seul. Personne d’autre ne peut gérer cette affaire, et le Maroc se dresserait contre toute volonté de le faire. « La clé du dossier ne se trouve ni à Bruxelles ni à Addis Abeba », affirme notre interlocuteur. Le dernier avis de l’avocat général de la Cour de Justice de l’Union européenne Melchior Wathelet n’a pas essayé de faire autre chose, « prenant sur lui de rejeter toutes les résolutions de l’ONU et de faire sa propre lecture, personnelle, de la question ».

Explications : l’Union africaine, pour l’instant du moins, n’a pas la main sur le conflit du Sahara, car le Maroc vient d’y entrer et les institutions sont encore truffées de gens rémunérés par les Algériens. Quant à l’Union européenne, elle n’est pas non plus habilitée à connaître de cette question, étant plus ou moins non fiable car jouant les deux tableaux algérien et marocain… Et la CJUE semble l’y aider !

2/ Les limites de la négociation.

Dans son discours du 6 novembre, le roi Mohammed VI avait été très explicite, sans que cela ait besoin de clarifications supplémentaires : « Aucun règlement de l’affaire du Sahara n’est possible en dehors de la souveraineté pleine et entière du Maroc sur son Sahara, et en dehors de l’Initiative d’autonomie, dont la communauté internationale a reconnu le sérieux et la crédibilité ».  Le Conseil de sécurité de l’ONU l’a d’ailleurs explicitement affirmé dans sa résolution 2351.

Explications : Il n’y en a pas, car les choses sont claires.

3/ La personne de Horst Koehler.

Il est ancien chef d’Etat allemand (2004-2010),...

ancien directeur général du FMI et de la BERD. « Il a donc un profil économique, et son approche de la gestion de ce conflit sera aussi économique », affirme notre source, qui précise en outre que « le personnage est très respecté de par son background et au vu de ses fonctions passées, il a une approche économique de la résolution du conflit (intégration régionale, échanges commerciaux, logique nord-sud…) ».

Explications : lors de la dernière crise de Guergarate, le secrétaire général avait insisté sur l’importance de ne pas entraver le trafic commercial, comme s’apprêtaient à le faire les gens du Polisario. Par ailleurs, les nouveaux enjeux de développement et de changement climatiques, avec leurs incidences humaines et économiques, doivent primer sur des logiques et des rancœurs venues des années 60.

4/ Le rôle de Horst Koehler.

Il est un facilitateur. Qu’est-ce qu’un facilitateur ? C’est une personne qui rapproche les points de vue, et ceux qui les portent. Cela signifie, selon notre source, que « M. Koehler n’est pas habilité à négocier, ou à tenir le rôle d’un médiateur… comme l’avait fait son prédécesseur Ross », avec les résultats qu’on sait.

Explication : les paramètres de l’ONU sont établis et les parties définies. Dans cette logique, Horst Koehler doit écouter les uns et les autres, sans essayer d’élargir les parties. En effet, l’ONU cherche une approche inclusive, dans le sens qu’elle va chercher pour tout conflit dont elle a la charge les avis et positions des pays, organismes ou organisations y impliqués, comme cela s‘était fait avec le Yémen ou encore la Libye. C’est pour cela que M. Koehler a visité Européens et Africains, afin de mieux comprendre, mais sans pour autant qu’il ne les intègre dans le processus onusien de règlement du différend. Le Maroc refuserait.

5/ Le cas algérien.

Dans ce pays, nous explique-t-on, il existe une sorte de transition, voire de prolongement de statu quo, dans l’attente de savoir si le président Bouteflika sollicitera un autre mandat. « Le climat y est délétère et personne ne peut engager le pays, ni s’engager en son nom. Les dirigeants sont éloignés des réalités, le Sahara et le Maroc étant même les deux seules choses qui font unanimité, d’où les attaques contre le royaume lancées récemment par des dignitaires algériens », affirme notre source, concluant que « l’Algérie a une volonté de pourrissement de la question du Sahara ».

Explications : il n’existe pas d’interlocuteur en Algérie pour la diplomatie marocaine, mais celle-ci sait aussi et surtout qu’il ne peut y avoir de « pourrissement », M. Guterres étant fermement convaincu de la nécessité de faire avancer ce dossier, qui est l’un des plus vieux (et futiles) au monde.

6/ L’objectif à atteindre.

« Il ne s’agit pas de se réunir pour se réunir, mais pour faire évoluer le dossier », explique encore notre source, qui ajoute qu’  « Antonio Guterres a même dit un jour que le problème est dans la définition du tour de table ».

Explications : les Algériens ne veulent pas être tenus pour partie au conflit, même si Tindouf et les camps se trouvent sur le territoire algérien, et que régulièrement, les dignitaires algériens parlent de la « noble lutte du peuple sahraoui », qu’ils se refusent pourtant à recenser, voire à faire vivre dans des conditions décentes.

 

Et finalement, avec cette invitation faite par Horst Koehler aux parties de se réunir à Berlin, il apparaît que l’Envoyé personnel d’Antonio Guterres reste strictement dans le cadre qui lui a été défini.

Aziz Boucetta

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