La raison du taxi est toujours la meilleure…

La raison du taxi est toujours la meilleure…

Au Maroc, on nous dit que nous sommes dans un Etat de droit. Nous aimerions le croire, volontiers, s’il n’y avait tous ces petits riens qui nous conduisent à en douter, parfois. Ainsi des taxis, par exemple, qui se sont faits leurs propres lois, déniant celles de l’éthique et de la morale. Les taxis, à Casablanca et à Rabat du moins, ont leurs propres règlements que la raison, la préséance et la plus élémentaire des courtoisies ignorent...

L’accueil des passagers par les taximen dans les gares

Vous arrivez par train à Casa Port, ou à Rabat Agdal, par exemple, et vous êtes abreuvés des termes abscons développés par l’ONCF, comme ceux de l’intermobilité, ou intermodalité, des connexions savantes et des gares intelligentes… Et puis vous sortez de la gare… là, un groupe compact vous interpelle, vous hèle et vous harcèle, déclinant tous les quartiers de la ville où vous êtes et où les chauffeurs de taxis vous proposent de vous emmener. A leur choix, et non au vôtre.

Tout cela se passe sous le regard au mieux indifférent, au pire résigné (voire même parfois complice) des agents de l’ONCF en faction et des policiers de fonction. Si vous êtes quelqu’un de civilisé, vous allez aux lieux prévus pour le stationnement des taxis, mais vous ne trouverez que des véhicules vides, fermés, négligemment gardés par des gens qui, après insistance, se trouvent être des rabatteurs.

En bref, les passagers ONCF qui arrivent dans ces deux villes sont traités comme du bétail que se renvoient les différents chauffeurs de taxis, en fonction de leur destination. Et en termes souvent orduriers.

La propreté et la sécurité

Une fois que vous embarquez dans un taxi, dont certains ne tiennent que par la poussière, vous ne mettez jamais votre ceinture de sécurité et si, d’aventure, l’idée vous vient de le faire, vous vous entendez apostropher par le conducteur qui, tantôt hilare tantôt impérieux, vous dissuade vigoureusement de vous attacher : « On a dit ça aux flics et nous avons obtenu une dérogation ! ».

Fort bien, et si votre taxi heurte un obstacle, ce qui, à la manière de conduire de certains, est un événement à forte probabilité, les lois de la physique ont-elles aussi fait l’objet d’une dérogation ?

Passons sur les rétroviseurs, généralement soigneusement repliés sur la portière (« pour ne pas toucher...

les véhicules qui passent à côté », disent-ils), sur les freins qui, à la première sollicitation, couinent à fendre l’âme du Torquemada le plus endurci, sur les feux de signalisation, qui fonctionnent quelquefois, sur les sièges, à l’horizontalité souvent incertaine…

Quant à la propreté des taxis, et à l’exception de certains esthètes de la profession, vous ne devez pas vous attendre à grand-chose. De la poussière, une odeur de tabac froid, et de puissants remugles de sueur démocratique, celle de toutes les couches de la société, prises à égalité. Et pensez à ne jamais porter de chemise blanche en montant dans un taxi…

L’agressivité, au sens pénal

Les taximen sont des gens irascibles. Ils sont nombreux, et ils n’aiment pas cela. Ils ont déjà pas mal de problèmes psychologiques à avaler les couleuvres des agréments, distribués ici et là, de-ci de là, dans une anarchie dont personne n’ose mettre le holà… Mais cela relève de notre soft sous-développement…

Pour Uber, c’est une autre histoire. Voilà la modernité débridée qui s’invite chez nous, et que nos valeureux chauffeurs de taxis n’acceptent pas. Uber – cette société qui s’est fait des ennemis partout dans le monde – est arrivée et s’est installée sous nos cieux. Cela semble une affaire juteuse,  mais surtout légale… Normal, les autorités ne disent rien, et laissent faire.

Pour les taximen, il en va autrement. Ils ne disent rien, mais ne se laissent pas faire. Alors ils se font justice eux-mêmes et là, les choses risquent de déraper un jour. De plus en plus de vidéos circulent sur ces bandes de taxis qui repèrent, traquent, encerclent et immobilisent les véhicules Uber. Puis molestent peu ou prou les chauffeurs.

Que fait l’Etat ? Que fait la police ? Que fait la justice ? Rien. Ils regardent ailleurs, constatent et comptent les coups. On n’a encore jamais entendu de procès de chauffeurs de taxis ayant corrigé un chauffeur Uber…

Cela étant, force est de constater, et d’admettre, que le parc évolue, que les voitures se modernisent et que les conducteurs sont même plus élégants, parfois, qu’autrefois. Mais c’est leur esprit qu’il faut changer, bien avant leurs véhicules.

Quant aux gares, l’ONCF et la DGSN sont aimablement appelées à faire leur travail car rien n’est plus désagréable que d’avoir le sentiment, quand on paie ses impôts, d’être une marchandise…

Aziz Boucetta

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