Au Sommet de l’Union africaine, Mohammed VI plante le décor de « Nouvelle Afrique »

Au Sommet de l’Union africaine, Mohammed VI plante le décor de « Nouvelle Afrique »

Le 30 janvier dernier, à Addis Abeba, le Maroc faisait son entrée triomphale à l’Union africaine, après un combat homérique contre l’Algérie et ses amis. Aujourd’hui 3 juillet, toujours dans la capitale éthiopienne, le Maroc est présent, bien entendu, représenté par le prince Moulay Rachid, qui a lu le discours du roi dans lequel un nouveau concept est avancé, celui de « Nouvelle Afrique ».

L’avenir et les ambitions de l’Afrique.

A temps nouveaux, donc, défis inédits, et besoin de changements : c’est la « Nouvelle Afrique » que le roi appelle de ses vœux, et dont il présente l’idée à ses pairs et frères du continent.

Qu’est-ce que la « Nouvelle Afrique » ? L’expression, martelée cinq fois dans ce discours, est définie comme suit : « Une Afrique forte, une Afrique audacieuse qui prend en charge la défense de ses intérêts, une Afrique influente dans le concert des Nations. Pour définir cette nouvelle Afrique, il convient de s’affranchir de toute illusion, de rejeter les chimères. La Nouvelle Afrique que Nous appelons de Nos vœux doit au contraire s’appuyer sur une vision concrète et pragmatique, apte à faire naître une Afrique conquérante et solidaire ».

On retiendra les mots-clés de cette définition :

  • « audacieuse » qui renvoie vers la nécessité d’affronter les adversaires avec des décisions que ne leur plairaient pas nécessairement,
  • « s’affranchir » pour dire les choses par leur nom, le mot rappelant le passé d’esclavage du continent précolonial et d’inféodation des pays après avoir conquis leur indépendance,
  • « Vision concrète et pragmatique », s’appuyant sur les acquis du continent et des objectifs pratiques, réalisables,
  • « Conquérante », une idée où l’Afrique ne serait plus dépendante de ce qu’on voudra bien lui donner, mais qui va chercher ce dont elle a besoin.

On pourrait voir dans cette phrase la nouvelle politique du Maroc, étendue à l’Afrique dans l’esprit du chef de l’Etat marocain.

La question du Sahara.

A retenir également cette formule du roi : « Les défis auxquels est confronté notre Continent prolifèrent : multiplication des acteurs non-étatiques donnant lieu à de nombreuses zones grises, menaces du terrorisme transnational et de l’extrémisme violent et impacts du réchauffement climatique. Face aux nouvelles menaces qui guettent notre Continent, il est nécessaire que l’UA entame sa mue, afin d’apporter des réponses adéquates et appropriées ».

Les acteurs non-étatiques, comme le Polisario, créent des zones grises, favorisent – entre autres – les menaces de terrorisme. Face à cela, l’UA doit entamer sa mue, et comment entamer une mue en faisant l’impasse sur les textes fondateurs ?

Il semble que le roi n’ait pas souhaité citer clairement et explicitement l’affaire du Sahara pour...

ne pas prêter le flanc à des attaques de l’Algérie et de l’Afrique du Sud, placées en embuscade. Mais l’idée est là, et si l’Afrique n’est pas aussi « solidaire » qu’elle devrait, c’est en raison à cause de ce conflit hors du temps. D’où la nécessité d’une réforme de l’UA.

« La mise en œuvre de cette réforme n’est plus un luxe, mais une impérieuse nécessité, au regard des enjeux et des défis considérables, que notre Continent doit relever ». Parmi les points abordés par le président rwandais Paul Kagamé dans son « impératif de renforcer notre Union », le renforcement des prérogatives du président de l’Union. Cela ouvre la voie à des changements dans l’Acte constitutif de l’UA.

Les jeunes en Afrique.

« Une politique volontariste orientée vers la jeunesse canalisera l’énergie pour le développement. L’avenir de l’Afrique passe par sa jeunesse. Aujourd’hui près de 600 millions d’Africains et d’Africaines sont des jeunes. En 2050, 400 millions d’Africains auront entre 15 et 24 ans. Cette progression souligne l’urgence d’orienter le dividende démographique vers l’émergence du continent. Une occasion inespérée s’offre ainsi à l’Afrique de bénéficier d’une main d’œuvre jeune, éduquée et abondante pour nourrir sa croissance économique. Chaque année plus de 11 millions de jeunes Africains font leur entrée sur le marché du travail alors que seuls 3 millions d’emplois sont créés. Plus de 70% des jeunes Africains vivent avec moins de 2 dollars par jour. Comment œuvrer pour résorber le chômage qui frappe de plein fouet la jeunesse du continent, puisque 60% des chômeurs sur le continent sont des jeunes ? ».

Le roi Mohammed VI appelle à une politique volontariste pour employer les jeunes en Afrique. La jeunesse est porteuse d’espoirs mais, mal encadrée, mal employée, mal formée, cette même jeunesse peut se montrer porteuse de périls. C’est l’objectif de Mohammed VI, de pair avec ses homologues, de réfléchir et de trouver des solutions à cette problématique des jeunes en Afrique.

En effet, précise le roi du Maroc, « près de 40% des personnes au chômage sont des recrues de choix pour les mouvements rebelles, les groupes extrémistes ou terroristes qui sévissent à travers le continent ». Il pose cette question terrible et lourde de sens : « Le destin de nos jeunes est-il au fond des eaux de la Méditerranée ? ».

Ainsi, entre les deux missions confiées à Paul Kagamé et Mohammed VI, respectivement de réformer l’Union et de réfléchir sur les migrations, c’est l’avenir de l’UA qui est appelé à changer dans les prochaines années, voire même les prochains mois.

AB

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