La méthode, et les perspectives, El Otmani
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- 20 mars 2017 --
- Maroc
Officiellement, selon le communiqué final du Conseil national du PJD, le nouveau chef du gouvernement désigné, et numéro 2 du parti, Saâdeddine El Otmani devra maintenir les conditions qui ont prévalu avec Abdelilah Benkirane, secrétaire général encore pour quelques mois. Mais officieusement, le nouveau chef du gouvernement pourra – et devra – élargir ses concertations. Et de fait, il rencontrera tout le monde. Que dira, et que fera, Aziz Akhannouch, chef de la coalition RNI/UC/MP/USFP ?
1/ Le délai. Les médias rapportent qu’el Otmani a révélé à ses pairs de la direction du PJD que le roi Mohammed VI lui a accordé un délai de 15 jours pour former son gouvernement. Le délai semble court, mais c’est ce qui se fait ailleurs, et le Maroc ne peut encore attendre plusieurs mois. Ce délai, s’il se confirme, mettra la pression sur le PJD, qui devra se décider : Veut-il faire partie du gouvernement, et le présider, ou veut-il autre chose ? La personnalité plus conciliante d’el Otmani, en comparaison du rugueux Benkirane, devra faire la différence.
2/ Les concertations. Saadeddine El Otmani a déclaré qu’il allait recevoir tous les partis et discuter avec eux, dans l’ordre décroissant de leurs résultats électoraux. Cela signifie qu’il rencontrera Ilyas El Omari du PAM (102 députés) en premier, puis l’Istiqlal (46) ou le bloc RNI/UC (56) et ainsi de suite. Cela signifie-t-il que le PAM pourrait faire son entrée au gouvernement, après qu’il ait été considéré comme ligne rouge du temps de Benkirane ? Rien n’est moins sûr, mais rien n’est exclu non plus. Les choses avanceront en fonction de ce que veut El Otmani. Et de ce qu’il pourra faire.
Soit il veut aller vite et bien, et dans ce cas, il rencontrera plus longuement Akhannouch, et ils discuteront du cas de l’USFP. On sait que le président du RNI ne veut pas renoncer à l’USFP, et c’est ce qui avait bloqué les négociations avec Benkirane. El Otmani pourrait alors assouplir les positions du PJD concernant le parti de Lachgar. Ce serait là une humiliation supplémentaire pour Benkirane mais qui sème le vent…
Soit il veut continuer de maintenir la pression, en refusant l’USFP, et alors il est bien possible que les mêmes causes engendrant les mêmes effets, le successeur de Benkirane connaîtrait le même sort que son prédécesseur.
Il ne faut pas oublier que dans son communiqué, le palais royal avait insisté sur le fait que le roi dispose de plusieurs autres options constitutionnelles. Le fameux article 47 a été lu, le roi a agi dans l’esprit de la constitution le 15 mars en nommant El Otmani, après en avoir respecté la lettre en octobre. El Otmani, et ses...
pairs du secrétariat général, réfléchiront…
3/ La position du PJD. Le parti a le choix entre deux possibilités. Accepter de reconnaître que ses résultats électoraux ne lui permettent pas de dicter ses conditions à tout le monde, et il composera. Cela semble difficile tant la pression du Conseil national est grande (la session de samedi a duré 11 heures, et c’est certainement pas pour faire unanimité), mais dans le secrétariat général, il y a des membres et ces gens sont tous portés par leurs légitimes ambitions, de se maintenir au gouvernement ou d’y entrer. Cela fera la différence.
Mais si, à l’inverse, le PJD tient absolument à sa position rigide du temps de Benkirane (les concessions acceptées ne sont que de la cosmétique politique), et alors il se placera lui-même en dehors des institutions. En effet, l’article 47 ne donne pas le droit d’être à la présidence du gouvernement, mais le devoir de l’être, et dans ce cas, si le PJD refuse, il s’exclura de facto des institutions ; le roi usera de l’article 42, et nommera quelqu’un d’autre, du parti arrivé second, du bloc de partis le plus important, ou parmi des technocrates. Et le PJD devra bien battre sa coulpe.
4/ Le cas El Otmani. L’homme est conciliant, mais nerveux. Il est ouvert sur les idées et idéologies autres que la sienne, mais il reste un idéologue, et un auteur prolifique, de la mouvance islamiste. Cela étant, bien qu’il soit difficile à cerner, on peut dire que ce qui le conduira sur la voie de la conciliation sera la très forte animosité qui prévaut entre lui et Benkirane. L’hostilité entre les deux hommes remonte à l’année 2004, où l’alors secrétaire général adjoint El Otmani avait été élu à la tête du parti, en remplacement du Dr Abdelkrim el Khatib et surtout contre Benkirane. Depuis, ce dernier a fait avaler toutes les couleuvres, et les boas, à El Otmani. Aujourd’hui, le bon docteur est en position de régler les comptes.
Cela étant, il faut se rappeler qu’Akhannouch et El Otmani sont tous deux Soussis de la même région, qu’ils ont travaillé ensemble sur le dossier européen, quand El Otmani était aux Affaires étrangères, entre 2012 et 2013. Et il est connu que les relations d’Akhannouch avec El Otmani sont bien plus cordiales et inscrites dans la confiance qu’entre le président du RNI et l’encore secrétaire général du PJD Abdelilah Benkirane.
Les jours prochains apporteront leur lot d’informations, et d’indications, mais il est d’ores et déjà acquis que le PJD a compris la leçon constitutionnelle a lui assénée par le chef de l’Etat, et qu’il mettra de l’eau dans son thé…
Aziz Boucetta
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