Où (en) est Abdelaziz Bouteflika ?
Le 20 février dernier, la présidence algérienne avait annulé in extremis une visite de la chancelière allemande Angela Merkel, qui était déjà en route vers l’aéroport pour embarquer vers Alger. Une bronchite, expliquait alors l’entourage du chef de l’Etat algérien. Depuis, les plus folles rumeurs circulent sur l’état de santé de Bouteflika, et certains parlent même de mort clinique.
Les Algériens reprochent à certains médias marocains – il est vrai un peu légers – d’avoir rapporté et colporté la mort de leur président. Mais la fausse information (jusqu’à preuve du contraire) a fait son chemin. On ne prête qu’aux riches, dit-on, et les informations en provenance du palais de la Mouradia sont rares, et contradictoires.
Après l’annulation de plusieurs rendez-vous de Bouteflika, le Premier ministre Abdelmalek Sellal avait, contre toute logique et contre toute évidence, lancé aux journalistes : « Bouteflika va bien et il vous passe le bonjour », et le chef du FLN Djamel Ould Abbes, qui a suggéré que Bouteflika pourrait même être candidat du parti pour un 5ème mandat en 2019 malgré sa fragilité, a déclaré que le président exerçait ses fonctions normalement après l'annulation de Merkel. « N'exagérons pas, il n'a donc pas le droit de se reposer ? », a-t-il récemment déclaré lors d'une conférence de presse
Les responsables politiques ont certainement reçu l’ordre de ne jamais évoquer la maladie de Bouteflika. Ali Benflis n’a soufflé aucun mot sur la maladie de son ancien mentor. Le FFS n’évoque plus Bouteflika. Le RCD le soutient même indirectement. Louisa Hanoune, Sofiane Djilalli, Ali Yahia Abdenour et tant d’autres personnalités politiques qui se targuent de l’opposition gardent un silence intriguant. Quant à la presse, elle ne fait même pas allusion à la maladie de Bouteflika qui s’est éclipsé depuis des années.
Et puis il y a eu cette affaire du chef de la diplomatie espagnole qui s’est rendu en Algérie sans être reçu par le président, contrairement à la coutume universelle et à la tradition diplomatique algérienne. Bouteflika fut un grand ministre des AE de son pays et depuis son arrivée à la présidence, il a toujours rencontré les diplomates en chef étrangers pendant leur séjour à Alger. Ainsi, lors de la préparation de la visite de deux jours à Alger d’Alfonso Dastis, le ministre espagnol des Affaires étrangères, les autorités algériennes avaient prévu que le chef de l’État le recevrait dans sa résidence de Zeralda. Mais le 7 mars, veille de l’arrivée de Dastis, la présidence informe le ministère algérien des Affaires étrangères que l’audience est annulée. « Cette audience n’étant pas incluse dans le programme de la visite, il n’y a donc pas eu annulation », explique l’ambassade espagnole à Alger, sans convaincre personne…
Notre confrère le Mondeafrique, qui s’est intéressé à la question, écrit : « Seuls...
trois ou quatre personnes sont réellement au courant de l’évolution de l’état de santé de Bouteflika. Tout a été fait pour empêcher les chancelleries étrangères, les services étrangers ou les médias de soutirer la moindre information », explique notre interlocuteur, membre des services algériens qui ignore lui même la réalité de la situation clinique du malade de Zeralda. En réalité, aujourd’hui en Algérie, la Résidence Présidentielle de Zeralda est l’endroit le mieux quadrillé et surveillé de toute l’Algérie. Une brigade spéciale de la garde républicaine est affectée à la protection de ce site. En plus, une équipe très réduite d’agents spéciaux équipés de plusieurs outils de brouillage et placé sous la responsabilité d’un commandant qui rend directement des comptes à la famille Bouteflika.
Au sein de la Résidence de Zéralda, tous les équipements médicaux sont disponibles pour parer aux urgences. Le professeur Messaoud Zitouni rend régulièrement visite à Bouteflika pour évaluer son état de santé. Il collabore directement avec Jacques Monségu, spécialiste de cardiologie, qui soigne Bouteflika en France depuis des années. Les frères Said et Abderrahmane Bouteflika sont régulièrement au chevet de leur grand frère. La soeur, Zhor, a été écartée de ce cercle restreint depuis sa vive opposition à l’aventure du quatrième mandat. Quelques conseillers proches comme Mohamed Rougab, ami proche de la famille Bouteflika, sont également associés à la gestion de la délicate question de la santé du Président.
De Sellal en passant par Ahmed Ouyahia jusqu’à Tartag ou Gaïd Salah, aucun de ces hauts responsables n’est informé en premier de la moindre évolution de l’état de santé du Président. Pour quelle raison ? La famille Bouteflika ne fait confiance à personne ».
Et pourtant, les Algériens, en dépit de cette situation, continuent de voir dans leur président une icône et un symbole… Il est aux affaires depuis la lutte pour l’indépendance, et il est le président qui a réussi à ramener la paix après la décennie noire et ses 200.000 morts sous les attaques du terrorisme et de la guerre civile.
Aujourd’hui, l’Algérie est dans le doute car la crise de la succession est ouverte, et cela se passe, comme c’est l’habitude en Algérie, en cercle fermé. Seuls les caciques du FLN, les militaires de haut rang et les patrons des services sont concernés, et œuvrent à assurer la continuité du régime militaro-FLN. Dans l’intervalle, ils entourent le chef de l’Etat du black-out le plus total, mais sans réussir cependant à évacuer les craintes d’une mort clinique non annoncée. Les Algériens avaient déjà procédé de la sorte quand, en décembre 1978, le président Houari Boumediene est mort et que sa mort n’avait été révélée que plusieurs jours après, le temps d’organiser sa succession… En est-il de même aujourd’hui pour Abdelaziz Bouteflika ?
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