Après le communiqué d’Akhannouch, l’UE déclare le Maroc « partenaire-clé », mais faut-il y croire ?

Après le communiqué d’Akhannouch, l’UE déclare le Maroc « partenaire-clé », mais faut-il y croire ?

Hier lundi 6 janvier, le ministère de l’Agriculture a publié un communiqué énervé et comminatoire contre les atermoiements de l’Union européenne concernant ses relations avec le Maroc. Aujourd’hui, le ministre délégué aux Affaires étrangères Nasser Bourita a rencontré son homologue de l’UE, Federica Mogherini et un communiqué conjoint a été signé, déclarant le Maroc comme « partenaire-clé » de l’UE.

Rapides prolégomènes :

1/ Décembre 2015 : la Cour de justice de l’UE (CJUE) suspend, sur plainte du Polisario, l’Accord agricole entre le royaume et le Vieux Continent.

2/ Janvier 2016 : le Maroc suspend à son tour toutes relations avec l’UE, dans l’attente de la décision de la CJUE saisie en appel par la Commission européenne.

3/ Décembre 2016 : la CJUE annule son jugement de décembre 2015, mais laisse la porte entrouverte à des interprétations pouvant faire la distinction et la séparation entre le Maroc et son Sahara.

4/ Janvier 2017 : un commissaire européen fait cette interprétation et, en matière d’échange d’énergies renouvelables, laisse entendre que les accords seront signés avec Rabat, en excluant le Sahara.

5/ 6 février 2017 : le ministre de l’Agriculture Aziz Akhannouch publie un communiqué dans lequel le Maroc  menace de mettre fin, définitivement,  au partenariat entre les deux parties, laissant entendre que le royaume irait commercer sous d’autres cieux et qu’il pourrait également cesser de jouer au « gendarme » de l’Europe pour les migrations.

6/ 7 février 2017 : Nasser Bourita est à Bruxelles, il y rencontre Federica Mogherini et… tout semble bien se passer, l’UE s’engageant dans un discours fleuri à sécuriser l’Accord agricole et le partenariat avec le Maroc.

Que dit la déclaration commune de ce jour entre les deux chefs de la diplomatie ?

Que  « le Maroc est un partenaire clé de l'Union européenne et l'Union européenne est un partenaire clé pour le Maroc », chaque partie devant œuvrer pour préserver ces partenariats mutuels.

Que « le partenariat entre l'Union européenne et le Maroc est le fruit d'une construction patiente de près d'un demi-siècle, un partenariat modèle, riche et multidimensionnel ». Certes, mais encore…

Que « des mesures appropriées seraient prises si nécessaire pour sécuriser la mise en œuvre de l'Accord de libre-échange des produits agricoles transformés et des produits de la pêche entre l'Union européenne et le Maroc en vigueur et pour préserver les acquis du partenariat dans ce domaine »… Le sécuriser contre toute mauvaise interprétation ultérieure par exemple…

Que « les discussions entre l'Union européenne et le Maroc se poursuivront...

dans un climat de sérénité et de confiance mutuelle, pour s'entendre sur les arrangements nécessaires à la poursuite et au développement des relations entre les deux parties, notamment dans le domaine agricole ». la confiance est précisément ce qui pourrait être amené à manquer.

Fort bien. Et maintenant ?

Peut-on vraiment faire confiance à l’Union européenne, elle-même en plein confusion et incertitude du au Brexit, face aux coups de boutoir de Donald Trump, à l’agressivité commerciale de la Chine, à la crise des migrants et à l’épouvantail des populismes montants dans le continent ?

Le 21 décembre 2016, une autre déclaration commune avait été signée entre Bruxelles et Rabat, et il y était (déjà) dit que « les deux parties examinent toutes les implications possibles du jugement de la Cour et travailleront de concert sur toute question ayant trait à son application, dans l’esprit du partenariat privilégié UE-Maroc et des mécanismes prévus à cet égard.  Les deux parties confirment la vitalité de ce partenariat privilégié et entendent travailler activement à son développement dans tous les domaines d’intérêt mutuel ». 

Cela signifie que soit l’Europe est incertaine et que ses promesses n’engagent que ceux qui veulent y croire, soit que le discours de ses responsables n’est pas sincère au mieux, et au pire cache des desseins occultes. Comment et pourquoi la CJUE avait-elle pris fait et cause en décembre 2015 pour le Polisario, pour une question examinée par l’ONU ? Comment et pourquoi, en décembre 2016, une déclaration des meilleures intentions du monde a été signée avec la partie marocaine, avant qu’un commissaire européen ne décide de faire cavalier seul et décider que le Sahara est séparer du Maroc ?

Il semblerait que le Maroc, tout en affichant son contentement dans la forme, ne doive pas se satisfaire dans le fonds de cette nouvelle déclaration commune, et il semblerait également  que les dispositions mentionnées dans le communiqué d’Akhannouch du 6 février   doivent être mises en œuvre. Il devient nécessaire d’accélérer les mesures pour mettre en œuvre les partenariats avec Russie, Chine, Inde et d’autres et pour mettre en place et accélérer les partenariats avec les pays de l’Afrique, où le Maroc vient de faire son entrée institutionnelle.

En un mot comme en cent, et à l’aune du redéploiement diplomatique et économique du Maroc, l’Europe doit être reléguée, dans les faits, au rang de partenaire ordinaire, en ajout d’autres partenariats, plus fiables.

Aziz Boucetta

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