Adil Douiri : « Le PJD est le véritable concurrent de l'Istiqlal, dont toute la direction doit changer» (Vidéo)

Adil Douiri : « Le PJD est le véritable concurrent de l'Istiqlal, dont toute la direction doit changer» (Vidéo)

Les langues se délient au sein du parti de l’Istiqlal, isolant encore plus le secrétaire général de plus en plus contesté Hamid Chabat, et plaçant le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane dans une position de plus en plus intenable. Après le « Conseil national extraordinaire » tenu en catastrophe samedi 31 décembre pour renforcer ce dernier, les « historiques » de l’Istiqlal ont pris position, et c’est au tour d’Adil Douiri de le faire, dans un enregistrement vidéo réalisé par notre confrère Ihata.

Adil Douiri est ancien ministre du Tourisme (2002-2007), et président de l’Alliance des économistes istiqlaliens. Il est à la tête du groupe financier et industriel Mutandis. Et puisque l’Istiqlal est ainsi fait, il est aussi le fils du leader historique du parti Mhamed Douiri, ancien ministre et ancien SG-adjoint du parti.

Le conflit avec le ministère des Affaires étrangères. Adil Douiri explique que « ce n’est pas là une bonne chose que d’entrer en confrontation avec cette institution importante de l’Etat qu’est le ministre des AE, lequel est dirigé, ici et ailleurs, par le chef de l’Etat. Le parti de l’Istiqlal et ses dirigeants historiques a de tous temps entretenu des relations privilégiées avec l’Etat, avec le palais, et il n’est pas bon d’engager un bras de fer avec l’Etat ». Lire, le palais.

La formation du gouvernement. Dans son intervention, il explique que « puisque l’Istiqlal a toujours clamé la primauté à la nation, il aurait dû se désister de sa participation au gouvernement et libérer le chef du gouvernement de sa parole donnée à notre secrétaire général ». Quant au PJD, « il n’a pas été pratique dans cette gestion du gouvernement, en s’attachant à l’Istiqlal alors même que c’est le pays et le citoyen qui doivent primer, avant toute autre considération. Le PJD a fait preuve d’une approche théorique et non pratique en insistant sur la présence de l’Istiqlal au gouvernement ».

Il constate également l’implication des « anciens », et leur sortie de leur silence, « eux qui n’interviennent que tous les 5 ou 10 ans ». Ces responsables de l’Istiqlal ont remis en cause le fonctionnement et le management de l’Istiqlal, et Douiri appelle à revoir les modes de gestion du parti, afin de remédier aux résultats électoraux de 2015 et 2016. « La question est de savoir pourquoi avons-nous laissé la place libre au PJD, essentiellement dans les villes ? », s’interroge l’ancien ministre.

PJD et Istiqlal, en compétition. Douiri développe un discours fort éloigné de la récente « amitié » entre PJD et Istiqlal, prônée par Chabat et bien évidemment saluée par Benkirane : « Le PJD dispose-t-il de quelque atout que l’Istiqlal n’a pas ? Notre ambition de parti à la longue histoire...

et à au référentiel d’un islam de tolérance et d’ouverture est d’arriver premiers aux élections, avec environ 20% des voix et des sièges ». Ce qui, après une opération arithmétique, conduit à un groupe parlementaire d’environ 80 à 100 députés, ce qui placerait l’Istiqlal en 3ème position selon le dernier pointage électoral du 7 octobre…

Et pour être encore plus clair, cette affirmation : « Je pense que le concurrent direct et réel du PJD à moyen et long terme est l’Istiqlal, et inversement ». Voilà. Sauf que M. Douiri n’offre aux Marocains qu’une alternative entre un parti islamiste modéré, le PJD, et un parti à référentiel islamiste de tolérance, l’Istiqlal. La modernité et l’ouverture sur le monde, en dehors de tout ancrage religieux, ce sera pour plus tard… Et pourtant, la religion, aussi importante soit-elle, est une conviction personnelle, et sa pratique, un comportement individuel.

Changement au sein de la direction de l’Istiqlal. Or, comme le parti de Chabat n’a pas réalisé cet avantage sur le PJD, « il appartient à toutes les structures dirigeantes du parti, du secrétaire général aux membres du Comité exécutif, dont moi, de se remettre en question. Et au prochain congrès, il nous faudra céder la place à de nouvelles figures qui changeront tout, parce que nous n’avons pas réussi, et que nous ne sommes pas à la hauteur des ambitions du parti de l’Istiqlal ».

Les sanctions contre trois responsables du parti. Pour la décision de déférer les trois responsables que sont Taoufiq Hjira, Karim Ghellab et Yasmina Baddou devant la commission de discipline, Adil Douiri oppose l’argument que ces trois responsables ont signé un communiqué conjointement avec une quarantaine d’autres cadres et dirigeants anciens ou actuels de l’Istiqlal, et « il appartient donc au Conseil national de sanctionner tous les signataires », dont il ne fait pas étrangement pas partie, mais où on trouve Mhamed Boucetta, Mhamed Khalifa et Abbas el Fassi, qu’il serait, quand même, difficile, de passer en conseil de discipline…

On retient de cet entretien, en plus de l’honnêteté intellectuelle de Douiri, que même au sein de l’Istiqlal, on a acquis la conviction du danger du retard de formation du gouvernement. Douiri explique en substance que le pays ne saurait être freiné par une simple parole échangée entre deux hommes, en l’occurrence Abdelilah Benkirane et Hamid Chabat. Le chef du gouvernement, après la sortie remarquée et spectaculaire des Boucetta, Khalifa, el Fassi, et maintenant de Douiri, semble être poussé dans ses retranchements. Il devra aujourd’hui décider de contracter avec Akhannouch, ou démissionner de ses fonctions de chef du gouvernement désigné.

Aziz Boucetta

Commentaires