Chabat gaffe, la diplomatie recadre, Mezouar se fait plaisir, et l’Istiqlal hausse le ton…
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- 27 décembre 2016 --
- Maroc
Lors d’un meeting avec son syndicat l’UGTM, ce weekend, le secrétaire général de l’Istiqlal Hamid Chabat a rappelé qu’historiquement, la Mauritanie était partie intégrante du Maroc. C’est vrai mais c’est indélicat de le dire en cette période de retour du Maroc dans les instances africaines. Le ministère des Affaires étrangères, dans son rôle, l’a sévèrement recadré, mais le parti de l’Istiqlal, en cette phase politique tumultueuse, s’es solidarisé avec son patron… Retour sur une série d’actions, plutôt désordonnées et très certainement stériles… dégâts collatéraux du blocage institutionnel.
Chabat dixit…
« Parmi les grands problèmes créés dans les années 50, l’indépendance de la Mauritanie, devenue Etat indépendant alors qu’elle était terre indiscutablement marocaine. Quand les Français sont arrivés, la Mauritanie était marocaine »… ainsi s’est exprimée Chabat avant d’expliquer, dans un retour aux années 50 et 60, que l’indépendance du Maroc s’est faite graduellement, sans provinces du Sud, sans Sidi Ifni…
Le discours est donc résolument historique, contextualisé, revenant sur les péripéties de la lutte pour l’indépendance. Rien de grave dans l’absolu, puisque Chabat a parlé également du Maroc s’étendant jusqu’au fleuve Sénégal sans que Dakar ne pousse des cris d’orfraie… mais la saillie de Chabat est incontestablement indélicate, si l’on tient compte de l’actualité brûlante, caractérisée par le jeu trouble de Nouakchott contre le Maroc, de son hostilité pour Rabat et de l’imminent retour du royaume au sein des institutions panafricaines.
Un discours de politique interne, et même interne à l’Istiqlal, mais qui a eu de grosses répercussions étrangères…
La Mauritanie s’offusque, avec une bouche en O
Bien évidemment, le gouvernement mauritanien, dans sa phase d’hostilité au Maroc, a dénoncé avec la dernière vigueur ces déclarations, à travers un communiqué de l’Union pour la République (UPR, au pouvoir), qui a dénoncé dimanche les mots du secrétaire général de l’Istiqlal, dans lesquels il considère que « la Mauritanie fait partie des territoires marocains », qualifiant ces déclarations « d'atteinte à la souveraineté et à l'indépendance de la Mauritanie ». Le communiqué ajoute, visiblement énervé, que « l'atteinte à la souveraineté et à l'indépendance de la Mauritanie n'est pas la meilleure des façons de traiter les questions et les dossiers épineux et ne mènera pas à la résolution du conflit au Sahara occidental », ajoutant que ces procédés provocateurs et visées occultes ne servaient pas les aspirations communes des peuples et pays de la région. Ça, c’est du président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz, actuellement remonté contre Rabat pour des raisons qui lui appartiennent…
Puis, le Polisario a cru intéressant de sortir un communiqué où il critique aussi les propos de Chabat, dans ce qu’il pense et affirme être « une tentative de légitimation de l’occupation du Sahara ». Mais ce que dit le Polisario est tout à fait secondaire, vu de Rabat et d’ailleurs…
Réaction de la diplomatie marocaine
Le ministère des Affaires étrangères avait-il besoin de faire sa rugueuse et très virile mise au point ce lundi 26 décembre ? Oui, très certainement, car le département (encore) dirigé par Mezouar ne s’occupe pas tant de politique intérieure qu’il est préoccupé par l’extérieur. Mais il faut reconnaître que Salaheddine Mezouar a un peu forcé le trait, avec un plaisir non boudé. Lisons son communiqué :
« Le...
MAEC suit avec préoccupation, la polémique suscitée par les déclarations dangereuses et irresponsable du Secrétaire Général du Parti de l’Istiqlal au sujet des frontières et de l’intégrité territoriale de la République Islamique de Mauritanie. Le MAEC rejette vigoureusement ces déclarations qui portent atteinte aux relations avec un pays voisin frère et démontrent une méconnaissance profonde des orientations de la diplomatie marocaine, tracées par Sa Majesté le Roi, que Dieu L’assiste, et qui prônent le bon voisinage, la solidarité et la coopération avec la Mauritanie sœur (…).
Le Royaume est animé d’une volonté sincère de développer ses relations avec la Mauritanie et de les hisser au niveau d’un partenariat stratégique, fondé sur les liens historiques forts entre les deux peuples frères, la confiance et le respect mutuels et tenant compte des opportunités énormes qui s’offrent aux deux pays et des défis auxquels ils font face.
Malheureusement, par ce genre de déclarations, qui manquent manifestement de retenue et de maturité, le Secrétaire Général du Parti de l’Istiqlal verse dans la même logique des ennemis de l’intégrité territoriale du Royaume et qui combattent son retour légitime à sa famille institutionnelle africaine ».
A quelques semaines de l’entrée du Maroc à l’Union africaine, les Algériens et autres Sud-Africains auraient pu prendre appui sur les déclarations décalées de Chabat pour saper les efforts du royaume et le présenter sous un jour néo-colonialiste. Salaheddine Mezouar a donc rempli son devoir, en sa qualité de chef de la diplomatie, mais étant lui-même, ancien patron du RNI et grand adversaire de Chabat, il n’a pas boudé son plaisir en appuyant sur les termes et sur la plaie…
Contre-offensive de l’Istiqlal
Dans une mise en scène spectaculaire, les membres du Politburo de l’Istiqlal réunis autour de leur patron (ci-contre), ont assisté lundi 26 au soir à la lecture du communiqué du parti, dans lequel, en vrac, on rappelle les positions de Hamid Chabat et ses divers voyages en Mauritanie et au Mali, on loue son indéfectible attachement à tout ce qui est indépendant, on insiste sur son refus d’instrumentaliser le parti, on revient sur le blocage gouvernemental, on souligne sa grande fierté et même joie face aux faits et gestes du roi (discours de Dakar, envoi des conseillers chez Benkirane…) et, on condamne avec la dernière énergie l’intervention du ministère des Affaires étrangères.
Concernant ce dernier point, l’Istiqlal note avec une certaine perfidie que le communiqué de Mezouar est tombé en même temps que celui du Polisario et qu’il n’appartient pas à la diplomatie de s’immiscer dans les positions des partis marocains. Mais qu’il lui appartient en revanche de mieux choisir ses propos, l’Istiqlal n’acceptant pas d’être égratigné par les diplomates et encore moins de recevoir des leçons de citoyenneté de la part du ministre des Affaires étrangères.
Une polémique, stérile, tout à fait stérile donc, de celle dont le Maroc politique a le secret, avec un Chabat égal à lui-même, pas vraiment méchant mais tout à fait indélicat et gaffeur, et un Mezouar revanchard et faisant feu de tout bois pour « allumer » son vieil ennemi politique, et même un peu personnel. Tout cela est d’une insignifiance…
AB
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