Blocage du gouvernement ou outrage à la démocratie ?
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- 22 décembre 2016 --
- Maroc
Deux mois et demi déjà que le chef du gouvernement est désigné mais qu’il n’arrive à rien. Il l’a dit et redit : c’est lui que le roi a nommé et c’est donc à lui d’agir comme il l’entend. D’où la question de savoir s’il s’agit d’un blocage dans la formation d’un gouvernement ou d’un outrage à une démocratie arithmétique…
On le sait, Aziz Akhannouch a ses exigences, mais on ne sait plus trop au juste lesquelles. L’homme ne parle pas beaucoup de cette question. Selon Benkirane et ses amis, le président du RNI exige la sortie de l’Istiqlal pour que son parti et ses alliés adhèrent à la majorité. Mais le président sortant de la Chambre des représentants Rachid Talbi Alami a dit le contraire, à savoir que le RNI n’a jamais émis telle exigence.
En vertu de quelle logique devrions-nous croire les uns et pas les autres ?
Abdelilah Benkirane a fait mettre en ligne sur le site du PJD une vidéo dans laquelle il revient sur cette affaire, et demande au RNI d’expliquer publiquement pour quelle raison il veut écarter l’Istiqlal. La réponse n’est pas intervenue, mais elle semble claire. En 2013, au plus fort de la crise gouvernementale, c’est le RNI qui avait remplacé un Istiqlal alors voué aux gémonies par le PJD, lequel n’avait trouvé de recours que dans les amis de Salaheddine Mezouar, qui avaient alors récupéré les portefeuilles jusque-là détenus par le parti de Chabat.
C’est cela, l’outrage à la démocratie arithmétique : vouloir exercer un pouvoir absolu alors que les urnes n’ont confié au...
PJD qu’une victoire relative.
Aujourd’hui, le RNI semble logique dans son raisonnement… et Benkirane le confirme : c’est à lui de décider, et le RNI ne dit pas autre chose. Que Benkirane forme donc son gouvernement avec ce qu’il a ou qu’il décide de s’en remettre au roi pour lui signifier son échec.
Et dans les deux cas de figure, le roi ne sera pas nécessairement obligé de convoquer de nouvelles élections. Il pourra choisir un autre dirigeant du PJD pour remplacer Benkirane, et l’article 47 de la constitution, qui impose de choisir le chef du gouvernement au sein du parti arrivé premier, sera respecté.
Dans l’intervalle, il appartient à Akhannouch, s’il veut vraiment former un grand parti national, de répondre et de réagir, et de ne pas se laisser enfermer dans les violentes attaques du PJD, enclin à rappeler encore et encore que le RNI est un parti de l’administration ; en politique, ce ne sont pas uniquement les absents qui ont tort, mais les silencieux aussi.
Quant à Benkirane, chaque jour qui passe lui fait perdre le bénéfice de la vertu, lui qui dit urbi et orbi qu'il n'est pas intéressé par les postes et les fonctions, en plus des privilèges. Car, en effet, dans l'intervalle et en attendant la formation du gouvernement, c'est le pays entier qui pâtit du retard. Pas de loi de finances, pas de parlement, pas d'institutions qui fonctionnent, et aucune visibilité pour les entreprises... parce que Benkirane refuse de composer et ne réussit pas à s'imposer, répétant à l'envi qu'il est victime...
Aziz Boucetta
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