Crise politique ou crise d’Etat ?, par Ahmed Aassid

Crise politique ou crise d’Etat ?, par Ahmed Aassid

Le Maroc connaît actuellement une situation difficile et à tous les niveaux, ce qui nous conduit à désigner cela par une impasse réelle, pour les raisons suivantes…

1/ Le désintérêt des gens pour la politique, retirant leur confiance aux responsables et aux institutions ;

2/ Le maintien des structures de la corruption et de l’absolutisme comme moyens de gestion des relations entre l’autorité et la société ;

3/ Persistance, et même aggravation, du manque de confiance caractérisant la scène politique, entre les partis politiques entre eux, puis entre ces mêmes partis et le pouvoir, et aussi entre le parti majoritaire et le palais et son entourage, et ensuite entre ce même parti et les franges déçues de la société, et enfin entre l’Etat et cette véritable majorité qui en est arrivée  à perdre espoir en la réforme et dans le changement ;

4/ Echec spontané ou facilité des partis à s’entendre pour former une coalition, puis un gouvernement, au lendemain d’élections qui auront montré tous les signes d’une crise, à travers les plans et stratégies menés par les composantes de la scène politique. Ces plans ont montré l’absence de confiance mais aussi et surtout le manque d’un contrat social et politique, d’une vision unique qui unirait les acteurs politiques.

Et ainsi donc, la configuration de la situation difficile que vit aujourd’hui le Maroc se dessine comme suit :

1/ Les autorités supérieures ne veulent plus voir le PJD caracoler en tête des sondages, en dehors de leurs plans et calculs. De même que ces mêmes autorités ne souffrent plus de voir la présence tentaculaire de ce parti au sein des rouages de l’Etat ;

2/ Malgré les discours conciliants, apaisants et conciliateurs de Benkirane et du PJD à l’égard de l’Etat et de son autorité supérieure, ils n’ont pas réussi à obtenir la confiance du palais car ils n’auront pas su dissimuler leur vrai plan consistant, d’abord, à affaiblir la monarchie à travers la création de lobbies administratifs, économiques et sociaux, parallèles aux lobbies makhzéniens et, ensuite, par les attaques et autres offensives contre l’entourage du palais, voire même contre la personne du roi dans Facebook ;

3/ Les autres partis se sont scindés en deux groupes : il y a en premier ceux qui se sont alignés sur le PJD pour tirer bénéfice de son succès électoral et ainsi siéger (partout) à ses côtés ; on trouve dans cette catégorie le PPS qui s’est transformé en quasi « vassal » du PJD, et aussi l’Istiqlal qui, en dépit de sa longue histoire, a choisi d’entrer  au gouvernement sans conditions, ayant finalement compris qu’il n’avait en rien profité d’avoir...

claqué la porte en 2013 et d’avoir basculé dans l’opposition et craignant enfin  de continuer de s’affaiblir s’il ne trouve pas sa place au gouvernement.

La seconde catégorie est constituée des partis de l’administration qui se sont unis pour être en force et en situation d’exiger des conditions draconiennes du chef du gouvernement, ce qui conduira à l’une des deux situations suivantes : Affaiblir le chef du gouvernement et le contraindre à former une alliance en position de faiblesse malgré sa victoire électorale, ou le forcer à jeter l’éponge, ce qui placerait les choses entre les mains du roi, garant constitutionnel de la continuité des institutions. (Un retour aux urnes est une solution absolument inenvisageable et non constructive car elle conduirait à la même situation).

A la lumière de ce qui précède, il semblerait que les forces et acteurs démocratiques qui ne se sont pas intégrés dans ce jeu n’ont confiance en aucune des deux parties en présence. En plus d’avoir atteint le plus total désespoir de cette classe politique nationale, les démocrates dans toutes leurs composantes ne croient pas en l’existence d’une véritable volonté politique de réformes chez les dirigeants. Quant au PJD, ces forces démocratiques ne peuvent lui accorder leur confiance car il aura montré ces cinq dernières années, aux affaires, que sa politique allait à l’encontre des droits de l’Homme et des valeurs démocratiques ; ce parti est apparu comme bien plus occupé par l’établissement de son propre Etat que préoccupé par la gestion des affaires publiques.

Et dans tous les cas de figure, il apparaît d’ores et déjà que cette législature et ce mandat ne seront pas de tout repos pour Benkirane qui en a trop fait, trop dit et surdimensionné le nombre de sièges et le poids électoral de son parti dans un environnement politique qui n’a pas encore véritablement assimilé ni entériné les règles démocratiques. Et puis il faut dire également que le chef du gouvernement a commis une erreur en revenant à la logique du tahakkoum et en endossant à satiété le rôle de la victime, ce qui n’a pas arrangé ses relations avec le palais et les vrais gouvernants du pays. Tout ceci a servi à placer au grand jour un conflit qui était resté masqué et qui ressemble désormais assez à celui qui règne entre les « Frères » en Egypte et le régime militaire qui gouverne le pays.

Mais la comparaison s’arrête là… En effet, si en Egypte, la junte s’est servie de la présence massive et inhabituelle des gens dans les rues pour évincer les islamistes de toutes les institutions, au Maroc il en ira autrement car le palais a d’autres alternatives.

(Traduction de PanoraPost)

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