Noureddine Ayouch au centre d’une nouvelle (et violente) polémique autour du CSEFRS

Noureddine Ayouch au centre d’une nouvelle (et violente) polémique autour du CSEFRS

Les mêmes causes engendrent les mêmes effets, dit-on… Cela s’est encore confirmé récemment suite à l’annonce, à tort, de la suppression de la gratuité de l’enseignement au Maroc. Des médias ont donné « l’information », les démentis et explications ont suivi, mais rien n’y a fait. La violence verbale est toujours là. Puis, un des membres du CSEFRS, en l’occurrence Noureddine Ayouch,  a donné un avis, et le voilà encore une fois copieusement insulté…Explications.

Les polémiques et leur inconsistance

Voici quelques semaines, les médias ont rapporté que l’enseignement allait être désormais payant. L’information est fausse, mais elle a été reprise, commentée, et dénoncée, comme si cela était une vérité absolue. Le président du Conseil supérieur de l’Education, de la formation et de la recherche Scientifique Omar Azziman est monté au créneau pour expliquer ce qu’il en est, mais en vain…

La raison en est, encore une fois, l’excellente communication de la frange conservatrice du pays, qui a décidé depuis 2014 d’attaquer le Conseil et ses travaux… A l’origine, l’examen du projet de loi-cadre sur l’enseignement au Maroc soumis pour avis par le gouvernement au CSEFRS, qui a répondu. La réponse ne semble avoir plus au PJD, qui a fait donné « ses » médias et porte-parole, toujours non officiels.

On a expliqué que le projet de loi-cadre est la déclinaison légale et législative de la Vision 2015-2030 pour l’éducation nationale, laquelle comporte un certain nombre de recommandations. On a répété, aussi clairement et explicitement que possible que la gratuité de l’enseignement n’est pas remise en cause. On a répété qu’aucun Marocain ne saurait être privé d’enseignement pour raisons économiques… Et pourtant, la polémique a continué de faire rage.

Cela rappelle la violente controverse sur l’introduction du français comme langue d’enseignement des matières scientifiques dans les deux dernières classes du secondaire, en 2015. Il avait fallu un recadrage du gouvernement par le CSEFRS et en Conseil des ministres, présidé par le roi, pour calmer les ardeurs de Benkirane et de ses porte-voix.

Noureddine Ayouch et ses sorties

Et voilà que l’un des membres les plus médiatiques du CSEFRS, Noureddine Ayouch, accorde un entretien à Akhbar Alyoum, dans lequel il émet le souhait que les personnels politiques et les idéologies ne soient pas mêlés à l’enseignement, et c’est ce qu’il nous redit dans un entretien téléphonique. Mais les médias et autres porte-parole du PJD, en l’occurrence Akhbar Alyoum et Abdessamad Belekbir, s’évertuent à répéter qu’Ayouch demande l’exclusion des politiques du CSEFRS. « Je ne peux exclure personne, car je ne suis pas habilité à le faire et je n’ai pas autorité pour le décider », nous explique Ayouch.

L'homme est contesté et il a eu des prises de positions contestables, mais il n'a jamais attaqué personne, se contentant de...

faire ce en quoi il croit. Il vient de faire publier un dictionnaire de la darija, dans la droite ligne de son idée d'accueillir les jeunes apprenants dans les premières années du primaire dans cette langue. On peut être d'accord avec lui, ou contester son idée, mais force est de reconnaître qu'il agit et reste fidèle à ses principes. Même quand ils ne sont pas très heureux.

Un nouveau bras de fer s’engage donc entre les conservateurs, PJD et autres, et… personne ! D’où l’art consommé de faire d’une non-déclaration une vérité absolue.

Noureddine Ayouch est très clair sur son propos : « Je dis ce que je pense, avec respect. Si les gens ne sont pas d’accord, qu’ils expriment leur sentiment, sans attaques ni insultes. Pour ma part, je ne m’en prends à personne, et je ne suis pas l’autorité qui décide de la nomination des membres du Conseil. Je parle de la position de celui qui a vu, en deux ans et demi, des discussions byzantines et idéologiques… et ça n’avance pas du tout. Parfois, au Conseil, on vote quelque chose, et les gens disent autre chose à l’extérieur. Et je le répète, je n’ai jamais demandé à exclure qui que ce soit », nous a-t-il confié.

Le CSEFRS à sa pléthorique, et inefficace, composition

Quand le roi Mohammed VI avait nommé les 93 membres du CSEFRS en juillet 2014 (photo ci-dessus), c’était dans la louable intention d’impliquer tous les courants qui parcourent et représentent la société. Le Conseil était composé de plusieurs catégories : les experts, des membres du gouvernement et d’autres du parlement, des représentants d’organismes et associations,  des syndicalistes, des cadres pédagogiques,  des représentants de parents et d’élèves, d’entreprises et de la société civile, d’établissements d’enseignement privé… Tout le monde était là, mais sous nos cieux, plus on est de membres, et plus on diverge, plus on s’insulte, plus on s’enfonce dans des conflits et antagonismes idéologiques, partisans, syndicalistes, corporatistes ou, tout simplement, personnels. Et le président Azziman qui essaie de concilier les inconciliables, de rapprocher les extrêmes. En vain.

Alors oui, Ayouch a raison. Il serait préférable de reconsidérer la composition du Conseil. On ne se concerte pas à 93 quand on est au Maroc, où la culture du compromis n’est que verbale et superficielle. L’enseignement est une chose trop sérieuse, et sa réforme n’a que trop tardé, pour confier cela à des politiques pour lesquels le conflit est une seconde nature. Il y a le gouvernement et le parlement pour ça.

Mais l’enseignement, sa réforme et sa restructuration, cela doit être affaire de spécialistes et d’experts, comme l’affaire du Sahara, comme la sécurité, comme la diplomatie…

Aziz Boucetta

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