Ilyas el Omari insiste sur la réconciliation et se met en bémol, Mohamed Yatim lui répond au vitriol !

Ilyas el Omari insiste sur la réconciliation et se met en bémol, Mohamed Yatim lui répond au vitriol !

La tribune appelant à une « réconciliation historique courageuse », signée voici deux jours par le secrétaire général du PAM Ilyas el Omari, continue d’alimenter la chronique quant à  ses véritables desseins. L’auteur a publié une seconde tribune, plus explicative… mais de l’autre côté, la réponse est venue de Mohamed Yatim, porte-plume informel et porte-flingue officiel d’Abdelilah Benkirane, lequel avait pourtant demandé à « réfléchir à cette réconciliation ».

Les précisions érudites d’Ilyas el Omari

Dans sa seconde lettre, Ilyas el Omari convoque Friedrich Engels et son rapport à l’Histoire : « l’Histoire est la plus rude, et elle poursuit sa marche, enjambant les cadavres, non seulement dans la guerre et les conflits, mais aussi dans la marche économique pacifique. Nous, les hommes et les femmes, sommes stupides en cela que nous ne nous revêtons pas du courage nécessaire pour assurer un réel progrès, sauf quand nous y sommes contraints par une immense douleur »…

El Omari revisite l’histoire récente du pays, faite de troubles, de heurts, de malheurs et de douleurs. Puis il rappelle l’idée de réconciliation chez Abderrahmane el Youssoufi, quand il avait accepté de travailler avec Hassan II, assurant la transition d’un règne à l’autre. Ensuite, faisant feu de tout bois, le patron du PAM cite également le Coran, dans une allusion directe au PJD : « Ceux qui ont cru et n'ont point troublé la pureté de leur foi par quelque inéquité (association), ceux-là ont la sécurité; et ce sont eux les bien-guidés » (6 :82).

El Omari appelle alors à l’ouverture d’un dialogue apaisé et serein sur notre islam marocain comme patrimoine commun, afin de le purger de tout instinct éradicateur ou violent.

Enfin, le secrétaire général du PAM rappelle les grands « réconciliateurs » comme Nelson Mandela, le président colombien Juan Manuel Santos couronné prix Nobel 2016 pour sa réconciliation avec les FARC, ou encore la décision de bâtir un musée de l’Afrique à proximité de la Maison Blanche.

En un mot, donc, Ilyas el Omari tend la main au PJD et appelle de ses vœux un rapprochement, une « réconciliation historique courageuse ».

Réponse de Yatim

Le membre de la direction du PJD commence par reprendre les termes cités dans la première tribune d’el Omari, et lui oppose « un doute de principe, différent du doute méthodologique de Descartes », remettant en cause le fait que le SG du PAM soit l’auteur de cette tribune, comme il se dit ici et là… et lui reprochant de prendre cette posture alors même qu’il vient du tahakkoum…

Puis il passe aux questions, légitimes, il faut dire… « Comment croire celui qui a dit être venu pour défendre l’islam contre les islamistes ? »… « Comment croire celui qui affirmé que le PJD était le fruit d’un complot international obscurantiste frériste ? »… « Comment croire que les initiateurs de la marche contre ‘l’islamisation de la société’ et ‘pour l’expulsion de Benkirane de notre Sahara’ soient devenus subitement des colombes de la paix ? »… « Comment croire alors que les blessures infligées à la Nation par ces gens ne sont pas encore cicatrisées ? Comment croire ceux qui ont nui aux partis, déroulé des menaces d’exhumation de dossiers et de contrôles fiscaux, instrumentalisé des notables de partis et des agents d’autorité… ? »…

Puis Yatim raille Ilyas,...

en mettant toujours en doute le fait qu’il soit l’auteur de la tribune signée par lui, et lui reproche de prendre la posture du professeur et du donneur de leçons, d’être à l’origine de la perversion de la vie politique et d’être le grand incitateur à la transhumance. Il lui reproche d’avoir créé un parti fait de bric et de broc, avec des gens de gauche, d’autres de droite, et d’autres encore ni ici ni là, mais à l’affût des sinécures et des privilèges.

Il lui reproche beaucoup de choses, plus ou moins exactes et vraies, et lui conseille de passer de la parole à l’acte, pour avoir une chance d’être cru dans sa démarche…

Pour être cru, ajoute Yatim, et pour qu’il y ait réconciliation, il faut que le parti fasse amende honorable, en même temps que ses dirigeants, qu’il redevienne un parti ordinaire auquel les gens adhèrent normalement.

Puis cette terrible conclusion : « Pour qu’il y ait réconciliation, il faut que votre parti se réconcilie avec lui-même et avec la politique…  Qu’il devienne un parti normal fonctionnant d’une manière normale pour occuper sa place naturelle, pour voir alors s’il est apte à vivre d’une façon normale et s’il est capable de se défaire de sa respiration artificielle et de son alimentation tout aussi artificielle, et si ses protecteurs auront pitié de lui et de sa vie sous perfusion et décideront de le débrancher »…

Que dire ?

Ilyas el Omari a raison d’appeler à une réconciliation, tant il est vrai que la situation politique actuelle du pays appelle à resserrer les rangs dans cette phase où il faut négocier une entrée dans l’Union africaine, régler les problèmes avec l’Union européenne,  assainir les relations avec l’ONU, redéployer la diplomatie politique et économique, renforcer les visions stratégiques sectorielles du royaume, gérer le Polisario à Guergarate et digérer cette incroyable haine que nous vouent les généraux algériens… Mais de l’autre, il ne suffit pas de tendre la main à l’adversaire pour que l’adversaire, encore meurtri par les attaques et auréolé de sa large victoire aux législatives, accepte de la serrer.

Yatim a raison également de rappeler les grandes sources de tensions et de crispation entre PAM et PJD. Il a raison de demander que le PAM retrouve un fonctionnement normal pour afficher une position normale. La dernière phrase du dirigeant du PJD est certes dure et rude, mais elle n’est pas fausse. Il faut en convenir.

Cela étant, les grands desseins ayant besoin de grands hommes et de grandeur d’âme, il serait bon, utile, nécessaire, que les deux anciens adversaires, que les deux actuels pugilistes acceptent de penser à enterrer la hache de guerre, d’enterrer aussi leurs frictions personnelles et d’apprendre à s’écouter, pour mieux se tester, avant de s’accepter et de commencer à se concerter. Pour le bien de ce pays, de sa prospérité et de sa sécurité. Peut-être que le roi Mohammed VI aurait un rôle à y jouer… Peut-être. Et peut-être qu'el Omari devrait accepter le résultat des urnes et, pour donner crédit à son propos, payer de sa personne et se retirer de la direction du PAM... Peut-être...

Aziz Boucetta

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