Le phosphate marocain pourrait ne plus entrer en Europe

Le phosphate marocain pourrait ne plus entrer en Europe

… Et cela n’a rien à voir, cette fois, avec le Sahara. Il s’agit d’une impureté contenue dans les phosphates marocains, le cadmium, qui pénètre les sols et contamine les végétaux. L’Union européenne se penche sur la question, et l’OCP minimise le problème, affirmant qu’il assure et assume.

En effet, la Commission européenne souhaite réglementer l’importation de phosphates et d’engrais sur son territoire. Le projet est d’abaisser le taux de cadmium, dans des proportions qui lèseraient l’OCP en réduisant son chiffre d’affaires Europe ou en le contraignant à prendre des mesures de décadmiation, mais qui seraient onéreuses et économiquement peu rentables, en plus de prendre des années pour être véritablement appliquées. Pire  le prix de la tonne serait majoré de 10% environ.

Le problème remonte à longtemps…

En 2002 déjà, la Commission avait demandé au comité scientifique de la toxicité, de l'écotoxicité et de l'environnement (CSTEE) de formuler un avis  sur la probabilité de l'accumulation de cadmium dans les sols due à l’utilisation d’engrais phosphatés. Sur la base d’études d’évaluation des risques menées par huit États membres de l'U et d’analyses supplémentaires, le CSTEE avait estimé que les engrais phosphatés contenant 60 mg de cadmium/kg P2O5 ou davantage étaient susceptibles de conduire à une accumulation de cadmium dans la plupart des sols de l’Union européenne, tandis que les engrais phosphatés contenant au maximum 20 mg de cadmium/kg P2O5 n’étaient pas susceptibles d’entraîner une accumulation à long terme dans le sol sur cent ans, si les autres apports de cadmium n’étaient pas pris en considération. Certains sols ont naturellement une teneur élevée en cadmium, et une approche plus prudente s'impose donc dans les régions concernées.

Or, une fois présent dans le sol, le cadmium ne peut pas être aisément éliminé et il peut migrer et s'accumuler dans les végétaux. Certaines plantes (tournesol, colza, tabac, etc.) ont tendance à accumuler de grandes quantités de cadmium. Le rapport d'évaluation des risques  de l'UE concernant le cadmium et l'oxyde de cadmium est paru en décembre 2007 et a été réactualisé et confirmé depuis. Il indique que le cadmium présente principalement un risque d'atteinte des reins par l'alimentation et la consommation de tabac. La stratégie de réduction des risques établie pour le cadmium et l'oxyde de cadmium préconise des mesures visant à réduire la teneur en cadmium des denrées alimentaires, des mélanges de tabac et...

des engrais phosphatés.

Le phosphate marocain loin des niveaux de cadmium requis

Le phosphate marocain, lui, présente une proportion en cadmium variant entre 29,5 et 72,7 mg/kg. Et la Commission veut réduire, progressivement, la teneur de ce minerai, à 60 mg/kg en 2017, puis à 40 mg/kg  en 2021 avant de viser 20 mg/kg à l’horizon 2030.

L’Europe représente 30% des exportations de l’OCP, et importe à elle seule quelques 6 millions de tonnes de phosphates.

L’OCP minimise le problème…

Alors qu’il s’exprimait lors d’une conférence tenue la semaine dernière à Casablanca, le patron de l’OCP Mostafa Terrab a considèré que tout cela n’est que manœuvres et gesticulations de lobbies animés, et donc payés par la concurrence… « Le problème existe depuis 20 ans. La concurrence et les lobbies de défense de l’environnement font leur travail à Bruxelles et influencent les décideurs. Nous sommes actuellement en train d’expliquer aux Européens que leurs études ne sont pas très précises », a précisé le président de l’OCP.

Que fait l’Office ? Il travaille à « casser » l’argumentaire scientifique européen, tentant de montrer que le danger présenté par une teneur en cadmium supérieure à 80 mg/kg n’est pas prouvé.

… et fait donner son  propre lobbying

L’une des principales associations de producteurs d’engrais sur le Vieux Continent, la Fertilizers Europe, estime que l’abaissement des niveaux de cadmium placerait l’Europe dans une situation d’approvisionnement très difficile car les phosphates en faible teneur de cadmium sont extrêmement rares et le continent ne peut répondre par sa production qu’à 10% de ses besoins.  L’association craint en conséquence que la mise en œuvre de cette mesure ne se reflète directement sur les coûts de production de produits agricoles et ne mette en péril, encore plus qu’il ne l’est, le secteur primaire européen.

Nul doute que d’autres tractations se nouent en coulisses entre l’OCP, qui a ses arguments et les moyens de les faire valoir, et la Commission européenne, elle-même talonnée par la concurrence et les lobbies environnementaux. Réponse en 2017 quand le parlement européen se saisira de la question.

Il est cependant difficile, sans sombrer dans la théorie du complot, de ne pas voir dans cette mesure une action qui prolongerait celle de la Cour européenne de justice contre l’Accord agricole avec le Maroc, ainsi que les positions de certains pays européens, scandinaves, contre l’importation de phosphates marocains car produits sur le sol du Sahara, lui-même contesté.

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