Pour Human Rights Watch, la loi sur les « petites » bonnes est révolutionnaire, mais peut mieux faire…
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- 01 août 2016 --
- Maroc
Au-delà des clivages politiques et des tensions partisanes, souvent donc de mauvaise foi, l’ONG Human Rights Watch a rendu son avis, une sorte d’arbitrage entre le gouvernement qui se congratule de l’adoption de la loi 19-12 sur le travail domestique, et les partis d’opposition et une partie de la société civile qui en dit pis que pendre. L’ONG, qu’on ne peut soupçonner de franche sympathie pour le royaume, reconnaît donc la grande avancée de ce texte, mais émet des recommandations pour avancer encore plus.
Ainsi, HRW rappelle qu’il y a quelques années encore, des petites filles de 8 ans seulement, un peu moins ou un peu plus, travaillaient dans des conditions de forçats. Pas de congé et des sévices, pour un salaire de misère, à peine « 11 dollars par mois ». Face à cela, la loi 19-12 introduit une réglementation et fixe un cadre juridique à cette activité qui concerne des centaines de milliers de jeunes filles sur l’ensemble du Maroc.
Ainsi, l’ONG affirme que « cette nouvelle loi est une révolution pour les travailleuses domestiques au Maroc, dont tant sont exploitées et maltraitées. Mais les dispositions relatives aux salaires et aux heures de travail ne sont pas encore satisfaisantes, en particulier le nouveau salaire minimum pour les travailleuses domestiques, qui est beaucoup plus faible que le salaire minimum légal pour les autres travailleurs », ce qui est exact… mais les choses, pour être faites de manière efficace requièrent du temps, et le temps sert à ancrer toute nouvelle réglementation dans les mœurs.
Il est certes établi que si la législation marocaine prévoit une durée de travail hebdomadaire à 40 heures, les employées à domicile travailleront 48 heures, et si le Smig est de 2.500 DH environ, la loi 19-12 fixe la rémunération minimale à 1.542 DH. Il reste donc à faire, mais cela constitue déjà une avancée...
pour une catégorie de personnes qui travaillaient jusqu’à n’en plus pouvoir, et qui percevaient ce qu’on voulait bien leur donner, quand on voulait… cela étant, selon l’organisation, le salaire en 2012 était en moyenne de 545 DH mensuellement, ce qui signifie que la loi l’a multiplié par 3.
Et donc, observe HRW, « en fournissant aux travailleuses domestiques une protection juridique effective, le Maroc émet un signal fort : même les travailleuses les plus vulnérables méritent d’être traitées humainement ». Mais l’ONG, en citant la Convention 189 qui dispose que la durée de travail de employées de maison doit être équivalente à celle d’autres secteurs, omet de préciser que dans le même article, ladite Convention stipule que « tout Membre doit prendre des mesures pour veiller à ce que le travail effectué par les travailleurs domestiques d'un âge inférieur à 18 ans et supérieur à l'âge minimum d'admission à l'emploi ne les prive pas de la scolarité obligatoire ni ne compromette leurs chances de poursuivre leurs études ou de suivre une formation professionnelle ». Cela reste certes à faire, mais en autorisant, pour 5 ans, le travail des employées de maison entre 16 et 18 ans, le législateur marocain leur a fourni plusieurs protections juridiques.
Notons également que dans un pays comme la Suisse, il aura fallu attendre 5 années environ pour que la Convention 189 entre en vigueur. Le Maroc, qui ne l’a pas ratifiée, devrait le faire et accélérer la mise en pratique de ses dispositions.
Et, conclut l’ONG, « maintenant que le Maroc a établi des protections légales pour les travailleuses domestiques, il devrait ratifier la Convention de l’OIT sur le travail décent pour les travailleurs domestiques. En ratifiant la convention, il deviendrait un leader régional pour la protection des travailleurs domestiques ». Il l’est déjà, en quelque sorte, avec la loi 19-12, mais pourrait mieux faire…
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