La libération des ondes au Maroc a déjà 10 ans, le bilan…

La libération des ondes au Maroc a déjà 10 ans, le bilan…

L’association des radios et télévisions indépendantes (ARTI) fête les 10 ans de la libéralisation de l’audiovisuel au Maroc. Elle a acquis de la maturité, ses membres ont gagné en notoriété et se démarquent par leur efficacité, mais il leur maque la rentabilité. Parfois aussi la solvabilité.

Une cérémonie très officielle a donc été organisée à cette occasion dans un grand palace de Casablanca, avec la présence de tout un aréopage de personnalités, deux ministres (el Khalfi pour la communication) et Benabdallah (qui a été ministre de la Communication aussi), deux présidents de Régions, le staff au grand complet de la HACA, et tous les patrons de radios, indépendantes ou pas.

Les deux ministres el Khalfi et Benabdallah ont loué le vent de liberté qui souffle sur le Maroc ; mais les deux ont également convenu que si du travail a certes été abattu, un long chemin reste à parcourir, d’abord pour sécuriser et renforcer les radios existantes, et ensuite pour ouvrir la voie aux télévisions privées.

En fait, précise Nabil Benabdallah, ministre de l’Habitat et ancien ministre de la Communication de 2002 à 2007, c’est l’audace consistant à sauter le pas vers le lancement de télévisions privées qui manque. « On a parlé du marché publicitaire qui serait insuffisant pour répondre aux besoins de tous ces supports, mais on constate que depuis 10 ans maintenant, les annonceurs sont présents partout ; preuve en est qu’aucune radio n’a jusqu’ici connu l’échec. Pour les télévisions, le Maroc a donc raté le coche, car ces télévisions auraient fait du bien au pays ».

A-t-il raison ? Oui et non répondent les directeurs des radios, car si aucune de ces dernières n’a connu l’échec, la plupart d’entre elles vivent des situations financières difficiles et des trésoreries exsangues. « Il faudrait que les pouvoirs publics se penchent plus sur les contextes et situation économique des entreprises de radio, et de presse en général. Mais dire et redire qu’aucun support n’a connu l’échec et de s’en aller, heureux, n’est pas une solution… et pourrait même augurer d’un avenir sombre », nous confie le président d’une de ces radios.

Prenant la parole, la présidente de la Haute autorité de la communication audiovisuelle Amina Lamrini a expliqué, avec l’autorité que lui confèrent son parcours et sa...

fonction, que la mission de son organisme a dès le départ été articulée autour de deux points, la liberté d’entreprendre dans l’audiovisuel et le droit des citoyens à être informés, deux éléments qui se rejoignent et s’imbriquent.

Mme Lamrini évoque alors un nouveau concept quand elle dit que le statut du consommateur de l’information a évolué pour en faire un proconsommateur de cette même information, ce terme étant un néologisme syncrétique entre proactif et consommateur. On ne se contente plus de prendre l’information, mais on réagit, on agit et on s’agite autour de cette information.

Et comme pour répondre aux interrogations sur l’aspect économique des radios libres, Amina Lamrini a rappelé que depuis sa création, la HACA est passée par deux grandes étapes : la première était politique, axée sur la liberté d’expression, la diversité de l’offre éditoriale… la seconde étape était, et est toujours, économique, dans le sens des perspectives et possibilités de développement de des entreprises. En somme, il ne s’agit plus tellement d’exister, mais aussi et surtout de persister. La HACA est donc passée de l’étape de la libéralisation de la parole et de la liberté d’expression à celle de la qualité de la parole et de l’expression.

Le patron de Luxe Radio Abdessamad Aboulghali a alors pris la parole pour se livrer à un discours de type plus philosophique. Pour lui, les radios ont certes libéré la parole des Marocains, mais elles ont surtout ouvert les soupapes, dans une allusion à une tension étouffante de la société, que les radios, par leurs débats et leurs émissions, sont arrivées à dissiper. Rappelant cette phrase de Mohammed VI selon lequel « la liberté audiovisuelle est le garant de la démocratie », Aboulghali  ajoute que « aujourd’hui, ce ne sont pas les radios qui sont les garantes de la démocratie, mais la démocratie interne au sein de ces radios qui garantit la qualité de l’information ». Bien vu.

Les uns et les autres ont donc parlé, dans une autocélébration de leurs radios et de leur corporation, mais les problèmes n’étaient pas loin, de la réforme de la loi 77-03 sur l’audiovisuel à l’éventualité de lancement de télévisions privées. Et la publicité, source quasi unique de revenus pour les entreprises, était dans tous les esprits.

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