Le Sahara est en danger (2), par Noureddine Miftah
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- 16 mai 2016 --
- Opinions
Nous avons déjà consacré la Une de notre dernier numéro aux relations entre les Etats-Unis et l’ONU d’une part, et le Maroc d’autre part, concernant l’affaire du Sahara, et nous avions conclu que le Sahara marocain est en danger. Mais cela ne nous empêche en rien de revenir sur le même sujet, pour la bonne raison que le libellé de la résolution 2285 du Conseil de Sécurité comporte des passages que nous n’avons pas pris en considération dans nos précédents commentaires.
Le texte, en effet, représente un choc, et je m’interroge sur la situation qui aurait été aujourd’hui la nôtre si la version première soumise par les Etats-Unis avait été votée telle qu’elle était initialement rédigée ?
Pour commencer, disons que parmi les aspects négatifs de notre gestion de ce dossier est cette posture des responsables qui ne se dressent qu’en temps de crise(s). Et pour preuve de cela, nous constaterons que pas un de ces responsables ne se donnera la peine d‘expliquer aux Marocains ce qui se trame aujourd’hui, ce qui se négocie, les initiatives qui s(er)ont prises, les préparatifs qui se mettent en place ou la position du Maroc face à tout cela à la fois, surtout dans l’éventualité que les choses se compliquent.
Quand tout se passe bien, la question du Sahara se trouve confinée entre le cercle étroit des quelques personnes qui l’ont en charge, mais quand la pression monte et que les tensions se font plus lourdes et pesantes, on demande aux Marocains de se mobiliser, sans même être informés de ce qui se passe. Lors de cette dernière crise, nous avons vu à quel point le communiqué des Affaires étrangères a fait dans l’obscur alors même que la clarté s’imposait.
Voici donc les différents points qui montrent la gravité de la résolution 2285, sur laquelle nous revenons après en avoir brossé les grands traits la semaine dernière.
1/ La couleur est annoncée dès la seconde ligne de ce texte, et le massage est clair pour le Maroc, en conflit avec le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-mon et son Envoyé spécial Christopher Ross. Voici ce qu’on y lit : Un « ferme appui aux efforts que le Secrétaire général et son Envoyé personnel font pour mettre en application ses résolutions » passées. Pas un mot sur les dérapages de Ban Ki-moon au Sahara…
2/ L’expression du soutien affermi et affirmé pour le SG et son Envoyé sera reprise pas moins de 4 fois, louant les « efforts que fait le Secrétaire général pour suivre de près toutes les opérations de maintien de la paix, y compris Minurso », affirmant son « plein soutien à l’Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Sahara occidental » et, plus grave, « se félicitant à cet égard des initiatives qu’il a prises récemment et des consultations qu’il mène actuellement avec les parties et les États voisins », sans les nommer, sachant que le Maroc a toujours appréhendé l’idée de Commonwealth au Sahara prêtée à Christopher Ross. Enfin, dans le point 8, le CS « affirme son ferme soutien aux efforts déterminés que font le Secrétaire général et son Envoyé personnel pour qu’une solution soit trouvée à la question du Sahara occidental dans ce contexte », celui d’une « atmosphère propice au dialogue afin d’engager des négociations plus résolues et plus axées sur le fond et de garantir ainsi l’application de ses résolutions » passées quant à ce dossier.
On trouve certes les mêmes formulations dans les différents textes de ces résolutions, mais chaque chose est à remettre dans son contexte et dans les conditions où elle survient.
Or, le contexte et els conditions actuels se rapportent à un SG qui s’est départi de sa neutralité et d’une mission onusienne expulsée par le Maroc.
3/ Dans ses attendus et avant de dérouler ses décisions, le CS déplore « que la capacité de la Minurso de s’acquitter pleinement de son mandat ait été limitée, l’essentiel de sa composante civile, y compris le personnel politique, ne pouvant exercer ses fonctions dans la zone d’opérations de la Mission », une confirmation de ce qui a été rapporté dans le Rapport du SG, ce dernier ayant été considéré comme partial par notre pays.
4/ Les points 2 et 3 de la résolution sont clairs quand à l’insistance sur la nécessité impérieuse de la restauration de la Minurso dans la plénitude de ses fonctions. Le CS prie donc le SG de lui faire savoir sous 90 jours si la Mission a repris la totalité de son mandat, et non seulement avoir replacé l’ensemble de ses effectifs. Cela signifie que la solution du référendum est toujours présente dans l’agenda du CS et c’est là le point de discorde principal avec le Maroc, qui finira par exploser un jour ou l’autre.
5/ Venons-en maintenant à ce point à l’avantage du Maroc, pour lequel la France a joué un rôle primordial, et qui précise que « le CS (prend note) de la proposition marocaine présentée au Secrétaire général le 11 avril 2007 et des efforts sérieux et crédibles faits par le Maroc pour aller de l’avant vers un règlement ». Précisons toutefois que cette mention revient aussi dans toutes les résolutions du Conseil sur l’affaire du Sahara depuis 2007, mais c’est la première fois qu’il aura fallu des discussions pour la conserver dans le texte final de la résolution 2285. Et rappelons, à toute fin utile, que la Russie s’est abstenue lors de ce vote, et son représentant a expliqué que « toute personne qui connaît la situation » (en référence à la décision du Maroc d’expulser une partie de la composante civile de la Minurso) sait que cette formule (« des efforts sérieux et crédibles faits par le Maroc pour aller de l’avant vers un règlement ») n’est « pas d’actualité », et qu’elle exprime un message politique erroné.
Dure période que celle que nous traversons, et nous ne tirons aucune satisfaction de cela en l’affirmant. Nous tirons en revanche une sonnette d’alarme à l’intention de nous-mêmes et de notre opinion publique sur le fait que, en expulsant une partie de la composante civile de la Minurso, en exprimant notre refus du référendum d’autodétermination et en appelant encore une fois à l’autonomie comme seule plateforme de négociation, nous avons adopté une position forte concernant notre droit à notre intégrité territoriale. Mais… Le droit ne mène pas toujours à la victoire, et cette injustice historique a plongé une partie de notre sol et de nos compatriotes dans un conflit onusien et a permis à nos adversaires de remuer depuis des années le couteau dans notre plaie.
Cette injustice requiert aujourd’hui des choix cruciaux qui nous rétabliraient dans nos droits. Il ne faut donc être ni négligeant ni aventureux. Nous plaçons aujourd’hui, peu à peu, tant les grandes puissances que les Nations Unies, devant le fait accompli qui consiste à trouver une solution sans vainqueur ni vaincu.
Mais puisqu’il semblerait que la communauté internationale se satisfasse actuellement de favoriser une solution sur une autre, en accentuant sa pression sur le Maroc, alors peut-être que la décision qui apparaît aujourd’hui aventurière pourrait être demain – qui sait ? – la bonne.
Alors, de grâce, à l’avenir, Messieurs les responsables, parlez le langage de la vérité aux Marocains et informez-les, si possible, de la réalité des choses.
Al Ayyam
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