Et finalement, la révision des programmes et manuels de l’éducation religieuse, par Ahmed Aassid
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- 15 février 2016 --
- Opinions
La décision récemment prise par l’Etat marocain et annoncée par le roi Mohammed VI à Laâyoune était attendue depuis 2003. 13 ans d’attente donc, l’auteur de ces lignes ayant réclamé cette mesure depuis 1994, l’année où il avait commencé à s’intéresser à la question des valeurs dans les programmes et manuels scolaires.
Quel est donc le problème de la discipline religieuse dans le système éducatif précisément ? La réponse en 6 points qui représentent des écueils chroniques…
1/ Le problème des valeurs dans l’éducation religieuse au Maroc consiste dans la non-conformité des contenus enseignés avec la philosophie et les fondements de l’école moderne. L’Etat a, en effet, intégré l’éducation religieuse dans le corpus pédagogique en réponse à ses besoins tactiques et non sur la base d’une stratégie de long terme. Le désordre qui règne autour de cette question depuis les années 70 du siècle dernier montre bien cette confusion. Ainsi, au départ, l’éducation religieuse avait été programmée sur la base d’une vision salafiste wahhabite, aux fins de lutter contre les idéologies radicales réformistes : puis, face à l’extension du fondamentalisme religieux quelques décennies plus tard, les pouvoirs publics ont amorcé un virage à 180°, appelant à la révision des programmes scolaires religieux dans le sens des valeurs de tolérance, de modération et de respect de l’Autre.
2/ Le second problème tient dans le manque de courage consistant à reconnaître que si l’islam comporte des valeurs humanistes intemporelles, il contient également des passages liés à des contextes historiques aujourd’hui révolus, des principes de pensée théologique ou jurisprudentielle qui répondaient alors aux besoins d’un califat entretemps dépassé. On prendra à titre d’exemple l’enseignement des « sanctions » corporelles que l’Etat ne prescrivait pourtant pas dans sa législation pénale qui était, elle, fondée sur le droit positif moderne.
3/ Il existe aussi ce qu’on peut appeler l’ambivalence de l’Etat qui a mis en place des matières lesquelles, non seulement ne sont pas complémentaires mais qui, à plusieurs égards, donnent le sentiment qu’elles sont fort éloignées les une des autres, voire en contradiction extrême. Ainsi, un système éducatif dans un Etat moderne, qui se voudrait un chantier
national stratégique, voudrait que les programmes et les manuels scolaires convergent vers un seul et même objectif, clair et clairement défini, qui conférerait toute son importance à la pensée scientifique et à l’approche critique pour aller dans le sens de l’épanouissement et du développement individuel. Mais dans la réalité, les choses en vont tout à fait autrement car l’Etat, en pleine ambigüité et plongé dans ses contradictions, avance à vue, en dents de scie, en hachures et en fonction de ses calculs conjoncturels étroits.
4/ L’éducation islamique dans un système d’enseignement moderne devient la seule voie pour les courants conservateurs pour saper les fondements de l’Etat moderne et mettre à mal ses valeurs philosophiques auxquels la pensée salafiste ne peut s’adapter, car elles l’empêchent de contrôler et de dominer la société. En effet, l’école moderne et ses enseignements s’appuient essentiellement sur la liberté et l’indépendance de l’individu créatif et innovant, alors même que les courants conservateurs aspirent à « normaliser » la société et à soumettre l’individu, désormais conditionné, à la collectivité.
5/ L’enseignement est prodigué par une génération d’enseignants qui ont eux-mêmes été formés à l’école d’Hassan II, et donc exposés à une extraordinaire opération d’endoctrinement idéologique religieux. Il est donc difficile d’éviter de fabriquer des pépinières du fondamentalisme sans l’absence d’une nouvelle génération de pédagogues auxquels on aura inculqué de nouvelles valeurs.
6/ La situation de sous-développement général et les conditions qui l’accompagnent ont fait naitre dans les cœurs et les esprits des enseignants un sentiment d’exclusion sociale et civilisationnelle. Dès lors, la pensée religieuse conservatrice représente chez ces gens une sorte de réhabilitation sociétale des valeurs ancestrales, qui passe par l’idée et la tentative de remplacement de la révolution scientifique, technologique et « droitdelhommiste » par la prétention de disposer de valeurs meilleures. Ainsi, les cours d’éducation islamique ont été volontairement et sciemment orientés dans le sens de rassurer ces enseignants et de leur assurer l’équilibre psychologique dont ils ont besoin, au grand bénéfice d’une stabilité contrôlée par le pouvoir.
Et donc, la grande question qui se pose est la suivante : Comment ce pouvoir pourra-t-il remédier aux maux réels qu’il a lui-même créé durant des décennies ? Eléments de réponse à venir…
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