Pourquoi l’Algérie nous a devancés dans la loi contre la violence faite aux femmes ?, par Ahmed Aassid

Pourquoi l’Algérie nous a devancés dans la loi contre la violence faite aux femmes ?, par Ahmed Aassid

Le parlement algérien a adopté récemment une loi contre la violence faite aux femmes. Le texte prévoit des sanctions contre toute forme que pourrait prendre cette violence, symbolique, physique et, bien évidemment, sexuelle. La loi protège également les femmes dans les espaces publics contre les harcèlements et les autres types de violences.

Concernant les couples, le texte dispose que « tout conjoint qui occasionnerait, volontairement, des coups et blessures à l’autre sera puni d’une peine d’emprisonnement de 1 à 20 ans, en fonction à la gravité des cas ». En cas de décès, la peine est portée à la perpétuité.

Des députés islamistes se sont opposés, comme cela était prévisible, à l’adoption de cette loi, estimant qu’il s’agissait là d’ « une ingérence dans les affaires et relations conjugales » (sic). Ces députés ont préféré privilégier « la cohésion de la famille » et sa « stabilité » à la dignité des femmes qui ne sont pas considérées comme un individu ou un citoyen, mais comme une simple composante ou annexe du couple. Autrement dit, et au nom de la préservation de la « stabilité du couple », il appartient aux femmes d’accepter toutes formes d’humiliation, de se soumettre dans leur couple, ainsi que cela est précisé dans les ouvrages de la jurisprudence traditionnelle.

L’adoption de cette loi a été très favorablement accueillie par et dans la communauté internationale, et plusieurs associations de défense des droits ont salué l’initiative algérienne, dont Amnesty International qui a insisté sur « le pas en avant » que la nouvelle loi permet de réaliser chez nos voisins.

Mais chez nous, au Maroc, nous persistons à faire du surplace en dépit des acquis constitutionnels et malgré les vives et incessantes protestations des organisations féministes lancées en direction du gouvernement qui se mure dans son silence et s’est même détourné de cette question de la violence faite aux femmes. Et ce n’est pas tout, ni le plus grave… Il s’agit en effet de la première fois dans l’histoire moderne de notre pays et de ses gouvernements successifs que nous voyons un chef du gouvernement s’opposer publiquement aux revendications des femmes et se comporter d’une façon méprisante à l’égard des mouvements féministes, usant de propos injurieux et d’insultes sous toutes les formes.

Le chef du gouvernement a même été jusqu’à considérer les revendications féminines comme « un complot extérieur », alors qu’en réalité ces demandes s’inscrivent dans le cadre de la mise en œuvre de la constitution et de l’application des engagements portés dans le programme gouvernemental.

Plus grave encore… notre ministre de la famille estime être personnellement attaquée par le mouvement féministe, pense que ce dernier  agit en ennemi contre elle et considère toute avancée ou acquis en matière de droits des femmes comme une défaite en rase campagne pour son...

parti, face aux « laïcs ».

Tout cela explique que le budget de 45 millions d’euros qui a été accordé au gouvernement marocain par l’Union européenne pour lutter contre les violences et discriminations contre les femmes n’a pas été employé là où il le devait et à ce pourquoi il était destiné. L’UE, ayant compris l’hostilité vouée par la ministre aux féministes, a insisté pour que ce ne soit pas ladite ministre qui se charge des affectations de cette enveloppe budgétaire  aux différentes associations mais a dévolu cette tâche à l’Agence nationale pour le développement, au prétexte que les relations conflictuelles entre les deux parties ne permettent pas à la responsable gouvernementale de faire montre de la neutralité et de l’intégrité requises pour agir dans le sens de la lutte contre les discriminations envers les femmes. L’UE craignait en effet que la ministre n’inonde d’argent les structures relevant de son parti, qui ne croient pas en les droits des femmes et qui ont vu le jour dans les 4 dernières années, prenant ainsi le contrepied d’un mouvement féministe qui œuvre et travaille depuis des décennies en faveur de l’émancipation des femmes.

Le parti qui conduit le gouvernement ne s’est pas contenté de cela, mais il a lâché dans les mosquées et les radios privées ses prédicateurs et ses prêcheurs politisés, contre les femmes et contre les associations féministes et de défense des droits. L’un de ces prédicateurs a même été jusqu’à mettre en garde contre l’idée de « la lutte contre les violences faites aux femmes » car il s’agirait selon lui d’un discours occidental œuvrant à la destruction des familles et à la mise en cause de leur stabilité, fondée sur la seule responsabilité des hommes ; cet individu pense que le fait de frapper sa femme est destiné à « l’éduquer » et que l’éducation des femmes incombe donc aux hommes (re sic !)..

Et ce parti, toujours le même, a mobilisé ses sbires, ceux qui travaillent pour lui lors de ses campagnes électorales, pour écorner l’image des femmes modernes au moyen de l’enregistrement de vidéos orientées, contestant les revendications des féministes et s’attaquant aux figures connues des mouvements de libération des femmes. Las… les dirigeants du parti ne comprennent pas que tous leurs efforts sont voués à l’échec car allant à contresens de l’histoire et des réalités et nécessités de dignité des êtres humains.

Ainsi donc, et alors que le Maroc aurait dû agir dans le sens de respecter ses engagements nationaux et internationaux, aux fins de prendre une longueur d’avance dans sa région en matière de renforcement de acquis démocratiques, il a préféré rester en arrière, répétant et s’engouffrant dans le ressassement des mêmes slogans passés et éculés. Résultat ? Nos voisins nous ont dépassés en promulguant une loi claire et explicite contre les violences faites aux femmes.

 

 

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