Avec quelques petites phrases, Mohammed VI donne un grand coup dans la fourmilière du foncier

Avec quelques petites phrases, Mohammed VI donne un grand coup dans la fourmilière du foncier

Les Assises nationales sur la politique foncière de l'Etat, se sont ouvertes mardi 8 décembre à Skhirat. L’objectif de cet événement, organisé sous l’autorité directe du chef du gouvernement et placé sous le patronage royal pour en signifier l’importance économique et sociale, est de faire un état des lieux de la situation du foncier au Maroc. La transversalité du secteur foncier est un élément incontournable du développement durable et un outil majeur de la planification urbaine et du droit du citoyen au logement.

Il s’agira dès lors de relever les dysfonctionnements majeurs qui entraveraient le foncier de s'acquitter de son rôle en matière de développement et de proposer les mesures législatives, réglementaires et procédurales susceptibles de garantir une réforme efficace du secteur du foncier et une amélioration de sa gouvernance.

Dans son message aux Assises, lu par son conseiller en matière juridique Abdellatif Menouni, le roi Mohammed VI a expliqué qu’ « afin de renforcer la sécurité du foncier, de protéger la propriété immobilière et d’en accroitre la valeur économique et fiduciaire, il est impératif de multiplier les efforts pour accélérer la cadence des enregistrements à la conservation foncière, dans la perspective de les généraliser sur l’ensemble du territoire national ». De fait, cela a déjà été fait par la Conservation foncière qui a su et pu faire passer une loi réduisant le délai d’inscription de titres fonciers à 8 mois et 23 jours (une durée qui est la somme de celle des différentes procédures topographiques, cadastrales et juridiques) et en criminalisant les oppositions déposées auprès de ses services.

Le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane a insisté sur « l’importance de faciliter le système qui régit le foncier  pour en faire un élément réel de développement  et pas uniquement un moyen de spéculation ». Pour le ministre de l’habitat Nabil Benabdallah, directement concerné par la problématique du foncier, « il s’agit d’arriver à un juste équilibre. Comment disposer d’un régime foncier unifié, comment gérer ce foncier de manière également unifiée en évitant une pléthore d’intervenants ».

Les petites phrases du roi

Vertus du dialogue, qui doit dépasser les intérêts. Vu que la multitude des acteurs impliqués dans les questions foncières peut poser problème, Mohammed VI a tenu à poser les règles du jeu en insistant sur « les  vertus du dialogue et de la réflexion collective et à (…) la démarche participative consacrée comme une approche incontournable pour traiter les questions majeures concernant la Nation ».

Correction des survivances culturelles et historiques. Le régime foncier au Maroc est pluriel, complexe et donc source d’entraves, de retards et d’injustices. Mohammed VI l’a dit clairement : « Il est donc nécessaire pour prendre en charge (le secteur foncier)  d’adopter une vision globale intégrant toutes les dimensions juridiques, institutionnelles, organisationnelles et procédurales, et tenant compte des spécificités de ce secteur ainsi que de la nature complexe et imbriquée de sa structure, qui est due à l’interpénétration d’une multitude de facteurs historiques et socio-économiques ». Les Guich, Habous, terres collectives et moulkia...

devront être donc rapidement solutionnées pour aller vers un régime unifié. Vaste programme qui avait besoin d’une adresse royale pour mettre tout le monde d’accord…

Travaillez, prenez de la peine, (et faites vite), c’est le fonds qui manque le moins… Le roi Mohammed VI aurait voulu paraphraser cette fable de La Fontaine qu’il n’aurait pas mieux dit : « Afin de renforcer la sécurité du foncier, de protéger la propriété immobilière et d’en accroitre la valeur économique et fiduciaire, il est impératif de multiplier les efforts pour accélérer la cadence des enregistrements à la conservation foncière, dans la perspective de les généraliser sur l’ensemble du territoire national. Il importe également de mettre à contribution la technologie numérique qui est en plein essor dans le monde, pour assurer la maîtrise, la stabilisation et l’échangeabilité de la  structure foncière ».

Levée de l’injustice faite aux femmes. Une petite phrase est à relever dans le message royal… une petite phrase qui pourrait signifier une grande révolution : « Nous préconisons de s’atteler à la réforme du régime des terres collectives, et apprécions l’ouverture d’un dialogue à cet effet, ainsi que l’exploitation et la capitalisation de ses résultats et de ses retombées fondamentales. Le but recherché est de mettre à niveau les terres soulaliyates et de faire en sorte qu’elles puissent apporter leur contribution à l’effort de développement. Il s’agit, en outre, d’en faire un moyen d’intégration des ayant-droits dans cette dynamique nationale, dans le cadre des principes de droit et de justice sociale, en dehors de toute considération surannée »… Si, par l’expression « considération surannée », le roi signifie l’interdiction de succession pour les femmes soulaliyates, alors il s’agira sans conteste d’une révolution dans les mentalités et dans les faits. Et on peut penser à juste titre qu’il s’agit de cela.

Enrichir les pauvres, qui doivent l’être… C’est le sens de cette phrase, où le roi appelle à « des efforts concertés pour faire aboutir l’opération d’appropriation au profit des ayant-droits et à titre gracieux, des terres collectives situées à l’intérieur des périmètres d’irrigation ». Ils se retrouveront donc propriétaires, mais heureux propriétaires de terres mises en valeur.

Haro sur les spéculateurs et la spéculation ! C’est ce qu’il ressort de ce passage du discours de Mohammed VI : « Si le foncier tient le rôle clé dans le domaine de l’urbanisme et de la planification urbaine, les documents d’urbanisme et les outils de planification urbaine doivent être dédiés au service des citoyens. Il faut donc assurer un bon aménagement de l’espace urbain, réduire les disparités spatiales et consacrer la justice sociale, sans pour autant que ces documents soient un moyen de spéculation allant à l’encontre des intérêts des citoyens ».

Une fois que ces Assises seront bouclées, que tout le monde sera rentré à la maison et que le travail sera commencé, il importera de créer ou d’inventer des procédures de suivi des travaux et surtout des recommandations et des lois. Il n’y a rien de plus malin qu’un spéculateur foncier et l’humain étant ce qu’il est, il n’y a rien de plus facile que de corrompre son prochain...

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