Veolia a été poussée vers la sortie à Berlin et Paris, mais à Tanger, il en va autrement…
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- 03 novembre 2015 --
- Maroc
Depuis une vingtaine d’années, la tendance des municipalités dans le monde allait dans le sens de la privatisation des services de distribution d’eau et d’électricité dans le cadre de délégations de services. Les entreprises françaises ont une longueur devance sur leurs concurrentes. Mais depuis quelques années, la tendance s’inverse. Cela avait eu lieu à Berlin, qui avait ainsi suivi Paris… mais il semblerait qu’il en aille autrement à Tanger. Explications.
Pour Berlin, et suite à une série de problèmes dans la gestion et la facturation, il aura fallu un référendum populaire dans la ville en 2011 pour obtenir de revenir sur le contrat signé en 1999. Et pourtant, les autorités fédérales et municipales n’étaient pas en faveur du départ de Veolia, mais le vote populaire a eu gain de cause et le géant français avait expliqué cela par « un plan d’économies » pour masquer le revers subi.
Le départ de Veolia ne s’était pas fait sans dégâts financiers importants pour la Ville-Etat de Berlin, puisque les parts du Français dans l’entreprise mixte délégataire avaient été vendues à près de 600 millions d’euros !
Un an auparavant, c’était à Paris que la gestion de l’eau avait été re-municipalisée suite au combat mené par une élue parisienne de la Ville. Les deux entreprises délégataires, Suez et Veolia, avaient opposé une vive résistance mais avaient dû finalement cédé, sous l’impulsion du maire de l’époque, Bertrand Delanoë.
Il y a généralement deux grandes raisons pour la remunicipalisation de la gestion de l’eau : une surfacturation inexpliquée de la consommation d’eau et d’électricité, et aussi la crainte des municipalités de perdre toute expertise dans ce service par essence municipal, et donc le contrôle une fois que le contrat de 30 à 40 ans arrive à expiration.
Mais Berlin et Paris ne sont pas Tanger, et les expertises développées et accumulées sur plusieurs décennies par leurs municipalités ne sont pas celles que l’on peut trouver au Maroc. De plus, dans ces deux villes s’était posée une question de droit, consistant en la « récupération du bien commun et de renforcement du service public », lequel service bénéficie de moyens financiers municipaux et publics importants et d’expertises techniques très développées. Ce n’est pas le cas de Tanger, qui ne peut penser aujourd’hui à une remunicipalisation de ce service pour ces mêmes raisons.
Le cas de Tanger et d'Amendis (Veolia)
On se rappelle que suite aux ennuis de gestion de l’Office national de l’eau et de l’électricité, un contrat-programme entre l’Etat et l’Office pour la période 2014-2017 avait été signé, fin mai 2014, pour un montant de redressement d’environ 45 milliards de dirhams (MMDH).
Ce montant devait être assuré
à hauteur d’environ 70% par un effort financier de l’Etat et des économies de gestion et d’exploitation dégagées par l’ONEE. Le reste devait être assuré par des ajustements tarifaires répartis à partir du 1er août 2014 sur la durée du contrat-programme, pour assurer l’adéquation nécessaire entre le prix de revient et le prix de vente de ces produits.
Pour les tranches de facturation, si la première est payée en deçà du prix de revient, les tranches supérieurs sont facturées à un prix réajusté qui dépend d’une grille de tarification complexe. Mais le système, globalement, consiste à faire payer les ménages les plus aisés, au profit des familles plus modestes.
Pour le cas de Tanger, les réajustements tarifaires ont été opérés dès le mois de septembre 2014, juste après la période estivale, très chaude, alors même que la circulaire de l'autorité délégante prévoyait le mois d'août.
Ainsi, les facturations affichées sont comme détaillées dans les tableaux ci-dessous :
Ce qui s’est passé cette année dans la ville du Détroit est que la combinaison de la croissance des consommations d’eau essentiellement (en augmentation pour cause de grande chaleur) et du relèvement des tarifs a eu comme conséquence l’explosion des facturations.
Mais il y a autre chose… On sait que l’autorité délégante impose le principe d’un compteur pour un permis d’habiter, le seul document qui permet l’octroi et l’installation d’un compteur. Or, il existe un grand nombre de logements où plusieurs familles résident et qui sont donc soumises à un seul compteur. Là, forcément, on passe aux tranches supérieures. Les ménages concernés s’en sont ouverts à Amendis, qui a dû refuser, s’en tenant à son contrat avec la Ville.
Ce qu’a donc fait le gouvernement, dans sa mission conduite par son chef Abdelilah Benkirane et le ministre de l’Intérieur Mohamed Hassad, est d’avoir autorisé l’éclatement des compteurs individuels par maison en autant de compteurs qu’il y a de familles répertoriées et identifiées par les agents d’autorité (moqaddems et chioukhs). C’est l’objet de la plus grande partie des 8.900 factures dont ont parlé les médias depuis quelques jours. Et ce n’est pas fini…
Le problème n’est donc pas, semble-t-il, chez Amendis, mais dans la structure de la production de l’eau et de l’électricité, avec les difficultés de l’ONEE. Le problème réside également dans la réglementation administrative urbanistique marocaine, avec l’obligation faite aux délégataires d’installer un seul compteur par permis d’habiter. Le législateur ignore, ou oublie, qu’au Maroc, les familles peuvent encore vivre groupées, et elles paient donc le prix d’une politique mal conçue.
C’est ce que le gouvernement s’est attelé à régler.
AAB
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