Myself Belkhayat, Candidator (et de travers), par Aziz Boucetta

Myself Belkhayat, Candidator (et de travers), par Aziz Boucetta

« Moncef Belkhayat a été ministre ; il est membre élu de la direction du RNI, et il est un militant du parti » ; Ainsi parle Moncef Belkhayat de… Belkhayat Moncef. Myself Belkhayat parle de lui à la troisième personne du singulier. Il est modeste, il est humble ; il aurait pu parler de lui à la troisième personne du pluriel, ou carrément faire parler de lui, sans que lui-même ne s’adresse aux manants invités à voter pour lui.

Ne lui en déplaise, cependant, son passage au ministère n’aura pas bouleversé l’ordre du monde, ni même celui du Maroc, et encore moins celui de son ministère. Arrivé à la Jeunesse et aux Sports en parachute, il en est reparti en chute libre, vilipendé par une jeunesse qui a fait un sport de la critique de Myself. Il faut dire qu’au moment où le Maroc s’apprêtait à trouver sa recette du printemps arabe de Tanger à Lagouira, Moncef est passé à la postérité par ses insultes contre les jeunes du 20 février. Puis, en marge de sa qualité de ministre de la Jeunesse et des Sports, il avait fondé une entreprise de distribution de… tabac, le produit rêvé pour la jeunesse et le sport.

Myself est venu, il a vu, et il n’a pas convaincu. Immédiatement après avoir été nommé, et comme Luther King, il avait fait un rêve, mais contrairement au grand homme, son rêve consistait à rouler en Audi… alors il s’est fait payer cette voiture fort luxueuse et encore plus chère, dans un acte qui aurait valu un licenciement immédiat au directeur financier de son entreprise, s’il avait fait pareil. Mais lui est lui, et la loi n’est pas pour lui. Il ne peut être hors-la-loi puisqu’il se pense au-dessus-de-la loi.

Myself est né à Fès, en 1970, d’un père et d’une mère. Il a dit avoir fait des études, il a dit avoir été à Harvard. Il a dit, redit, surdit, et il a assourdi. On en viendrait même à voter pour lui, mais qu’il se taise. Cet homme est mégalo…pin.  Il affirme qu’il fut un bon ministre, qu’il est un bon entrepreneur et qu’il sera un bon édile. Pour lui, des preuves, pour nous une épreuve.

Son cursus professionnel est en dents de si… Il entre à Meditel et, vice-président, menace de démissionner s’il n’est pas promu DG. Il ne l’a pas été, il démissionna. Il s’en est allé chez Othman Benjelloun, l’a convaincu d’aller loin s’il le laissait faire. Le financier lui laissa la bride sur le cou, et prit des coups ; Belkhayat lança en effet le réseau d’épiceries Hanouty en 2007. En 2009, ledit réseau capota. En fait de projet, c’est Benjelloun qui a été grugé.

Il entra...

à Maroc Cultures, convainquit Majidi qu’il était le phénix des scènes, le matrix de la mise en scène. Il y resta jusqu’en 2009, quand Mawazine enregistra douze morts. Son parcours politique est hachuré... Il se disait istiqlalien, mais prêt à devenir RNI pour être ministre. Il est devenu ministre d’Abbas el Fassi qui n’y voyait aucun mal, troquant le rose pour le bleu, changeant vaillamment de couleur, toujours sans saveur, mais souvent avec des odeurs de scandales.

Il a taclé ses adversaires, il a raclé les fonds de tiroirs du RNI, il a bâclé son arrivée en politique (on ne peut décemment pas parler de retour). Il énerve le pourtant très flegmatique Mezouar, il indispose le pourtant si accommodant  RNI, il dérange la pourtant très tumultueuse scène politique, et il offusque tout le reste. Lui, il appelle ça du bon marketing. « Parlez de moi en bien ou en mal, mais parlez de moi », semble-t-il dire… Alors on parle de lui.

A ses yeux, personne n’est intelligent hors lui-même. Pour lui, Ahmed Reda Chami est un rien qui a tout perdu, Nabila Mounib est une bourgeoise qui se contente d’être belle, « la gauchiste radicale » Samira Sitaïl sort de son rôle de dirigeante de 2M, la HACA est à son service... Jadis, et toujours pour Belkhayat, Karim Tazi était un gangster et le Mouvement du 20 février était un gang… Tire-toi de là, Atlas, que je soulève le monde… il tournera ainsi plus vite, autour de moi, pour moi.

Myself Belkhayat est l’incarnation d’une nouvelle méthode de tripatouillage des résultats. Inédite. Marocaine, certaine. On ne manipule plus les résultats, c’est ringard, ça… On envoie Belkhayat au parti qu’on veut faire perdre, puis on le laisse faire. Le résultat est assuré, les RNIstes ne s’en relèveront pas ; avec un tel poids, ils couleront vite. Comment convaincre de son sérieux quand on présente un homme pareil, ou que l’on n’arrive pas à s’en défaire ?

Myself multiplie les enregistrements vidéo pour parler au peuple. Il en sue d’aise. C’est à peine s’il se retient de haranguer son « cher peuple », mais sa modestie le perdra. Lui qui est parfait anglophone, il présente son programme en français à ses électeurs supposés arabophones (auquel il consent néanmoins une version arabophone plutôt poussive). Mais fort heureusement, personne n’a rien compris à ce programme dont il pense pouvoir réaliser à peine 50% ; si même lui n’y croit pas… Alors il se contente de promettre aux Casablancais les jeux Olympiques de 2028. Il faudra juste battre Moscou, Hambourg et peut-être Paris, mais comme ces trois villes n’auront pas Belkhayat, tous les espoirs restent permis pour Casablanca.

La coutume au Maroc interdit d’appeler au boycott des élections. Nous ne le ferons donc pas. Nous appellerons en échange à voter Belkhayat, cela revient au même.

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