Mahmoud Guinia est mort, une légende s’éteint, la culture gnaouie en deuil (vidéos)

Mahmoud Guinia est mort, une légende s’éteint, la culture gnaouie en deuil (vidéos)

Il était né en 1951 à Mogador. Il est mort le 2 août 2015 à Essaouira, emporté par un cancer. Il a traversé la seconde moitié du 20ème siècle et a entamé le 21ème, son guembri en bandoulière, la discrétion toujours de mise, le talent à fleur de peau. Le maâlem, le grand maâlem Mahmoud Guinia s’est éteint dans sa ville, plongeant ses concitoyens et ses compatriotes dans la douleur de la séparation avec une légende de la culture gnaouie.

Petit-fils d’esclave, il est aussi le fils de Boubker, grand maâlem également, qui a transmis sa culture et sa philosophie à ses 4 enfants, Mokhtar, Mahmoud, Abdallah et Zaïda. En 1963, à 12 ans, le père met un guembri dans les mains de son fils Mahmoud, qui ne s’en séparera plus jamais.

Il part quelques années plus tard à la Zaouiya Sidna Bilal où il côtoie les plus grands maâlems et affine, peaufine, sublime son art. A 20 ans, le monde tremble, le Maroc est secoué, et Mahmoud fait trembler son guembri et secoue son public… Il obtient la reconnaissance de ses pairs (et pères) de la culture gnaouie, après avoir montré un art et un talent dont personne ne se doutait, puis dont personne n’a plus jamais douté.

Mahmoud Guinia  a alors joué dans tous les grands festivals de toutes les grandes villes en Espagne, au Japon, en Belgique, au Canada, en France et ailleurs. Il a fusionné et donné la réplique à des musiciens de légende à l’image de Carlos Santana, Will Calhoun, Aly Keita, Omar Sosa... Sa discrétion dans...

la vie n’avait d’égale que la puissance de son art sur scène. Quand Mahmoud apparaissait sur une scène, le public retenait son souffle et se préparait à des moments d’introspection et de méditation, bercé par le son grave et quasi mythique du guembri du maître.

La fondatrice et productrice du Festival Gnaoua Musiques du monde Neila Tazi l’a bien évidemment connu, pratiqué, admiré ; elle apporte son témoignage : « Mahmoud incarnait a la fois l'authentique talent du maâlem Gnaoui et la  profondeur de l'esprit souiri. Il forçait le respect et imposait le style. Maâlem Mahmoud symbolisait tout un pan de notre patrimoine et a porté haut et loin la culture des Gnaoua. Depuis la création du festival en 1998, il était considéré en quelque sorte comme le gardien du temple. Il nous manquera terriblement et je suis persuadée que ses fils Houssam et Hamza poursuivront avec brio sur la route tracée par leur père et leur grand-père ».

Lui qui a été de toutes les éditions de cet incontournable festival en a, ironie du sort, clôturé la dernière édition, dimanche 17 mai, avec le batteur Karim Ziad. Il clôturait aussi sa vie, et il le savait. Maintenant, on sait que ce concert était un adieu adressé à sa ville, à son art, à ses musiciens, à tous ceux qui appréciaient sa musique et son art. Ses fils prendront la relève, et en particulier Houssam qui a reçu lors de ce concert le guembri de son père, dans une symbolique de transmission publique du père au fils. Adieu l’artiste.

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