Étrange implication des Anglais dans l’affaire du terroriste de Rabat

Étrange implication des Anglais dans l’affaire du terroriste de Rabat

Nous écrivions ce matin que Younès Tsouli, un Marocain condamné pour faits terroristes au Royaume-Uni, libéré et refoulé vers le Maroc, avait été arrêté hier soir par la police après avoir mis le feu au domicile de ses parents, et nous précisions que cette histoire était plutôt curieuse… Nous avons pu recueillir d’autres informations, encore plus étranges…

Genèse d’un terroriste, d’une vie rangée à Rabat au cyberterrorisme mondial

Younès Tsouli est, jusqu’en 2000, un jeune élève sans histoire, ayant fait ses classes au Lycée Descartes de Rabat. Normal, comme le décrit un de ses amis de l’époque, qui nous a témoigné sa stupeur après avoir vu les photos publiées de celui qui, entretemps, est devenu un terroriste jugé, condamné et emprisonné en Grande-Bretagne.

« C’était un jeune homme sans histoire, qui a fumé tôt, qui a connu des filles tôt, qui regardait des films porno en classe, qui n’était pas particulièrement intéressé par les études, mais qui s’en sortait sans problème », témoigne son ami d’adolescence…

Tsouli a donc quitté le Maroc en 2000, à 17 ans, bac en poche et l’avenir prometteur, puis est allé au Royaume-Uni suivre des études en informatique. Mais en fait d’informatique, il navigue et surfe sur les sites djihadistes. Sa vie bascule, son islam se fait radical, puis jihadiste et enfin virtuellement terroriste. Et  alors, il essaie d’entrer en contact avec les réseaux islamistes fondamentalistes pour aller porter sa guerre dans les zones de tension.

Nous sommes en 2004 et le jeune Younès, 21 ans, entreprend de partir en Irak. Son père, alors haut fonctionnaire du ministère du Tourisme en poste à Londres,  refuse. Mais celui qui n’est encore qu’un apprenti terroriste n’en reste pas là. Il renonce à la guerre sur le terrain et opte pour celle, plus virtuelle, mais potentiellement bien plus meurtrière, du web. Les études qu’il suit au Westminster College of Computing lui permettent d’acquérir des connaissances qu’il met au service de la guerre terroriste.

La métamorphose du jeune Tsouli est rapide ; il devient Irhabi007 (« terroriste007 » en arabe) et s’intéresse de plus en plus au terrorisme cybernétique. Il lie connaissance avec deux ressortissants pakistanais et palestinien, avec lesquels il crée plusieurs sites internet dédiés à la propagande jihadiste  au profit d’al-Qaïda, tout en faisant aussi dans le banditisme, par le piratage de cartes bancaires.

En 2005, Scotland Yard fait le rapprochement entre Tsouli et deux terroristes scandinaves arrêtés dans les Balkans en possession d’un impressionnant matériel de guerre (armes et explosifs) destiné à des actes terroristes en Europe. Son domicile est perquisitionné à Londres et la police y trouve un ordinateur, contenant les détails de fabrication d’une voiture piégée et plusieurs vidéos détaillant les dispositifs de sécurité dans différents bâtiments fédéraux américains.

Cela lui a valu une peine...

de 10 ans, avec refoulement vers son pays d’origine, le Maroc, une fois sa peine purgée.

Les British, pas très fair play

Tsouli fait donc son temps en prison au Royaume-Uni. Pas de remise de peine, donc pas de bonne conduite. Il sort de prison, les Anglais le mettent dans un jet privé, pour un vol spécial directement vers le Maroc. Il y arrive le 20 mai, est récupéré par la police, contrairement à ce que nous disions ce matin. Il est conduit devant un procureur qui l’auditionne mais le jeune homme jure tous ses dieux (ou son Dieu) qu’il a rompu toute relation avec al-Qaïda et les réseaux terroristes.

Par ailleurs, et selon le parquet de Rabat, Younès Tsouli a déclaré que durant son incarcération au Royaume-Uni, « il a été maltraité et a subi des agressions sexuelles »... Pour le procureur de Rabat, si ces faits se confirment après analyses médicales sur le Marocain, « une instruction judiciaire sera ouverte et transmise à la justice britannique pour enquête ».

L’homme est devenu psychiquement instable... et ce détail a bien dû être relevé par les services pénitentiaires britanniques, sans que rien ne soit mentionné aux autorités marocaines … mais être psychiquement instable n’est pas un délit au Maroc, même dans le projet de Code pénal en discussion… Tsouli est donc libéré et conduit à l’appartement de son père, avenue Ibn Sina à Rabat, avec une convocation pour le 22 mai à se rendre à la Brigade nationale de la Police judiciaire, pour complément d’enquête.

Très étrange détail…

Chez ses parents, Younès Tsouli redevient subitement Irhabi007, s’énerve contre les siens qu’il accuse de ne pas l’avoir soutenu pendant sa décennie carcérale au Royaume-Uni. Il agit donc en trois temps : il excommunie son père, tance son frère qui écoute de la musique occidentale, puis incendie l’appartement, avant d’aller de toit en toit à l’appartement sur la terrasse duquel il a été arrêté, et qui est celui du consul général de Grande-Bretagne à Rabat.

C’est cela qui explique, sans doute, le retard apporté par les services de police marocains à appréhender le jeune homme. Armé de deux machettes, il ne devait pourtant pas présenter un obstacle majeur pour les Robocop marocains du BCIJ. Mais la résidence du consul dispose d’une immunité… On comprend mieux maintenant pourquoi le ministre de l’Intérieur marocain a appelé son homologue britannique pour lui faire le reproche d’avoir dissimulé bien des informations en remettant le jihadiste au Maroc.

Que s’est-il donc passé pour que Tsouli, ayant passé 15 ans au Royaume-Uni, dont 10 en prison, aille au domicile du diplomate britannique ? Un deal que les Anglais n’auraient pas honoré ? Une vengeance contre la Perfide Albion qui l'aurait maltraité en prison ? On ne sait pas encore, mais l'affaire ne semble que commencer...

 

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