Le non-respect des conditions de travail des employés est un crime, par Sanaa Elaji

Le non-respect des conditions de travail des employés est un crime, par Sanaa Elaji

Voici quelques jours un jeune homme est mort. Il s’appelait Hamza, et il travaillait comme serveur dans un café connu de Casablanca. Alors qu’il vaquait à ses tâches habituelles, Hamza a été piqué par une abeille, dans un endroit réputé pour les nuées de ces insectes qui volètent et butinent ici et là, partout. Mais Hamza présentait une allergie aux abeilles et, une fois piqué, il a subi un choc anaphylactique, avec des difficultés respiratoires immédiates. Il en est mort.

Selon des témoins oculaires, un médecin se trouvait au café, et s’est précipité vers Hamza. Il a compris et a demandé au gérant un kit d’adrénaline, produit qu’on utilise en pareils cas comme premiers soins d’urgence. Mais le café ne disposait pas de ce produit. Et au lieu de conduire urgemment Hamza à une des cliniques voisines, le gérant a préféré attendre l’arrivée d’une ambulance pour conduire Hamza au service des urgences, à l’hôpital public, relativement éloigné de l’endroit. Mais le défaut des premiers soins a, bien malheureusement, entraîné la mort du jeune homme.

Je ne connaissais pas Hamza, mais sa mort (ou plutôt son meurtre, devrais-je dire ?) m’a beaucoup affectée. Certes, ici et ailleurs, un grand nombre de personnes décèdent par négligence. Mais ce drame a représenté pour moi une épreuve difficile et douloureuse qui requiert que l’on s’y arrête pour au moins deux raisons :

1/ Sur le plan particulier de ce drame, il est supposé de la part des promoteurs de ce type d’activité de pratiquer des examens médicaux sur les candidats à l’embauche, aux fins de connaître leur état de santé. Certaines multinationales installées au Maroc le font certes pour assurer la sécurité de leurs employés et s’assurer de la qualité de leurs prestations, mais la plupart tournent le dos à la réglementation, sans que les autorités publiques ne bougent un doigt.

Dans cette affaire, la structure concernée est un café connu et réputé de Casablanca, qui respecte un tant soit peu les lois. Je me suis en effet assurée que ses employés sont payés au Smig et sont aussi déclarés à la CNSS, ce qui est à porter au crédit de la gérance, qui ne va néanmoins pas jusqu’à garantir la sécurité sanitaire des salariés. En effet, la réglementation du travail impose aux employeurs de disposer de trousses pour les premiers soins, ce qui n’était pas le cas dans l’affaire qui nous préoccupe. Si le café avait le matériel nécessaire pour ces soins d’urgence, Hamza serait probablement toujours de ce monde. Et...

donc, j’estime que cela est d’abord une infraction à cette réglementation du travail en matière de sécurité des employés, et ensuite que les responsables du café sont passibles de poursuites pour  non-assistance à personne en danger. Le gérant aurait pu sauver la vie de Hamza en le transportant en urgence dans une clinique privée située à proximité du café, au moins pour pallier au fait que son établissement ne disposait pas de trousse de premiers soins. J’ai, par ailleurs, appris que le responsable du café a versé une indemnité à la famille du défunt et s’est engagé à garantir le paiement de son salaire tant que ses parents sont encore en vie. Mais cela, à mon avis, ne doit pas le prémunir contre des poursuites judiciaires pour responsabilité directe dans la mort de Hamza, en cela qu’il n’avait pas pratiqué une analyse médicale sur ce dernier, au moment de son embauche, pas plus qu’il n’avait de trousse pour premiers soins et qu’il n’avait pas pris sur lui de le transporter dans une clinique privée.

2/ Plus globalement, on peut évoquer aussi la situation de tous ces travailleurs qui œuvrent dans des conditions économiques et sociales précaires, comme les ouvriers, les garçons de café, les agents de sécurité… Tous ceux-là travaillent dans des cadres qui, généralement, sont en marge de la loi. C’est cela qui nous conduit à applaudir ce qui en principe doit être la norme, comme l’inscription des salariés dans les organismes sociaux et la fixation de leur salaire au Smig, alors que le non-respect de ces règles doit conduire à la sanction administrative et/ou pénale. Et ne parlons même pas du nombre excessif, voire abusif, des heures de travail, de la légèreté des patrons sur le plan de la sécurité sanitaire des employés…  Il faut dire également que l’inspection du travail ne s’acquitte pas correctement de sa mission car elle ne dispose pas toujours des moyens matériels et humains adéquats, ou que ses agents sont, tout simplement, corrompus.

Il appartient donc à l’Etat, obligatoirement, d’assurer les moyens et conditions de travail qui protègent les salariés car il n’est définitivement pas tolérable que l’on considère la mort d’un garçon de café comme un événement ordinaire et passager, alors que ce drame implique la responsabilité de tous, et principalement du gérant des lieux et de l’inspecteur du travail en charge de la zone.

Paix, donc, à l’âme de Hamza et à celles de toutes celles et tous ceux dont la vie ne vaut rien face à la cupidité et à la négligence.

Al Ahdath al Maghribiya

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